Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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A La Découverte de Saint-Simon.

Fil des billets

samedi, septembre 1 2007

Fénelon, Mme Guyon et le Quiétisme Vs. Bossuet (X).

La réaction de Mme de Maintenon est à son image. D'abord prudente, dès qu'elle comprend que Fénelon a tenté d'avoir barre sur elle, elle coupe les ponts sans autre forme de procès :

... ... Mme de Maintenon fut étrangement surprise de tout ce qu'il lui apprit de sa nouvelle école, et plus encore de ce qu'il lui en prouva par la bouche de ses deux affidées et parce qu'elles en avaient mis par écrit. Mme de Maintenon interrogea d'autres écolières : elle vit par leurs réponses que, plus ou moins instruites et plus ou moins admises dans la confiance de leur nouvelle maîtresse, tout allait au même but, et que ce but et le chemin étaient fort extraordinaires. La voilà bien en peine, puis en grand scrupule : elle se résolut à parler à M. de Cambray. Celui-ci, qui ne soupçonnait pas qu'elle fût si instruite, s'embarrassa et augmenta les soupçons.

Tout à coup, Mme Guyon fut chassée de Saint-Cyr, et on ne s'y appliqua plus qu'à effacer jusqu'aux moindres traces de ce qu'elle y avait enseigné. On y eut beaucoup de peine : elle en avait charmé plusieurs, qui s'étaient véritablement attachés à elle et à sa doctrine, et M. de Chartres en profita pour faire sentir tout le danger de ce poison et pour rendre M. de Cambray fort suspect. Un tel revers, et si peu attendu, l'étourdit, mais il ne l'abattit pas : il paya d'esprit, d'autorités mystiques, de fermeté sur ses étriers ; ses amis principaux le soutinrent. ... ...

             L'Institution de Saint-Cyr au XVIIème siècle.

vendredi, août 31 2007

Fénelon, Mme Guyon et le Quiétisme Vs. Bossuet (IX).

Au contraire, la contre-attaque de Godet-Desmarais sera d'un machiavélisme réfléchi :

"... ... Dès qu'il eut le vent de cette doctrine étrangère, (M. de Chartres) fit en sorte d'y faire admettre deux dames de Saint-Cyr sur l'esprit et le discernement desquelles il pouvait compter, et qui pourraient faire impression sur Mme de Maintenon. Il les choisit surtout parfaitement à lui, et les instruisit bien. Ces nouvelles prosélytes parurent d'abord ravies et peu à peu enchantées. Elles s'attachèrent plus que pas une à leur nouvelle directrice, qui, sentant leur esprit et leur réputation dans la maison, s'applaudit d'une conquête qui lui aplanirait celle qu'elle se proposait. Elle s'attacha donc aussi à gagner entièrement ces filles : elle en fit ses plus chères disciples ; elle s'ouvrit à elles , comme aux plus capables de profiter de sa doctrine et de la faire goûter dans la maison. Elle et M. de Cambray, qu'elle instruisait de tous ses progrès, triomphaient, et le petit troupeau exultait.

M. de Chartres, par le consentement duquel Mme Guyon était entrée à Saint-Cyr et y était devenue maîtresse extérieure*, la laissa faire. Il la suivait de l'oeil : ses fidèles lui rendaient un compte exact de tout ce qu'elles apprenaient en dogme et en pratique ; il se mit bien au fait de tout, il l'examina avec exactitude, et, quand il crut qu'il était temps, éclata. ... ..."

  • : Mme de Maintenon avait bien entendu consulté son confesseur sur l'opportunité de laisser Mme Guyon venir à Saint-Cyr. Et le prélat qui, à l'époque, ne se doutait pas des relations de cette femme avec les théories professées par Molina, avait donné carte blanche à sa pénitente. Quand il s'aperçut que Mme Guyon pouvait être accusée d'hérésie (un crime à l'époque), il comprit tout aussitôt que, s'il voulait lui-même échapper au courroux de Louis XIV, lequel ne manquerait pas de lui demander où il avait eu la tête pour laisser son épouse morganatique s'enticher à ce point d'une prêcheuse hérétique, il lui fallait faire en sorte d'apparaître au Roi comme celui qui avait découvert et dénoncé l'hérésie en question.

jeudi, août 30 2007

Fénelon, Mme Guyon et le Quiétisme Vs. Bossuet (VIII).

Sous-estimant ainsi la partie à laquelle il s'attaque, Fénelon passe alors à la première phase de son offensive :

"... ... il travailla à persuader Mme de Maintenon de faire entrer Mme Guyon à Saint-Cyr, où elle aurait le temps de la voir et de l'approfondir tout autrement que dans de courtes et rares après-dînées à l'hôtel de Chevreuse ou de Beauvillier. Il y réussit : Mme Guyon alla à Saint-Cyr deux ou trois fois ; ensuite, Mme de Maintenon, qui la goûtait de plus en plus, l'y fit coucher ; et de l'un à l'autre, mais près à près, les séjours s'y allongèrent, et, par son aveu, elle s'y chercha des personnes propres à devenir ses disciples, et elle s'en fit.

Bientôt il s'éleva de Saint-Cyr un petit troupeau tout à part, dont les maximes, et même le langage de spiritualité, parurent fort étrangers à tout le reste de la maison, et bientôt fort étranges à M. de Chartres (= Godet-Desmarais) ... ..."

lundi, août 27 2007

Fénelon, Mme Guyon et le Quiétisme Vs. Bossuet (VII).

Saint-Simon ne devait guère apprécier Godet-Desmarais et, plus sûrement, il devait déplorer qu'un homme "de rien" eût été nommé à une si haute fonction. Car il profite de l'occasion qui lui est donnée pour nous faire du malheureux l'un de ces portraits qu'on n'oublie pas et ceci de telle manière que le lecteur ait l'impression de percevoir non le jugement du mémorialiste mais bel et bien celui, prononcé in petto, de Fénelon lui-même. Le procédé est aussi habile qu'il est ambigu et on ne peut qu'admirer les violentes oppositions utilisées ici par Saint-Simon :

"... ... Godet, évêque de Chartres, tenait à (Mme de Maintenon) par les liens les plus intimes : il était diocésain de Saint-Cyr, il en était le directeur* unique, il était de plus celui de Mme de Maintenon ; ses moeurs, sa doctrine, sa piété, ses devoirs épiscopaux, tout était irrépréhensible ; il ne faisait à Paris que des voyages courts et rares, logé au séminaire de Saint-Sulpice, se montrait encore plus rarement à la cour, et toujours comme un éclair, et voyait Mme de Maintenon longtemps et souvent à Saint-Cyr, et faisait d'ailleurs par lettres tout ce qu'il voulait.

C'était donc là un étrange rival à abattre ; mais quelque ancré qu'il fût, son extérieur de cuistre (rassura M. de Cambrai) : il le crut tel à sa longue figure malpropre, décharnée, toute sulpicienne, un air simple, aspect niais, et sans liaison qu'avec de plats prêtres. En un mot, il le prit pour un homme sans monde, sans talents, de peu d'esprit et court de savoir, que le hasard de Saint-Cyr établi dans son diocèse avait porté où il était, noyé dans ses fonctions, et sans autre appui ni autre connaissance. ... ..."

Je parle d'ambiguïté parce que, plus on relit le passage, mieux on se rend compte que, finalement, pour Saint-Simon, Godet-Desmarais était bien un cuistre élevé par le seul hasard et une chance insolente - et immérité.

* : il faut bien entendu lire le terme en qualité de "directeur de conscience" et, partant, de confesseur.

dimanche, août 26 2007

Fénelon, Mme Guyon et le Quiétisme Vs. Bossuet (VI).

Pour Fénelon, c'est le temps de se réjouir :

"... ... Le nouvel archevêque de Cambrai s'applaudissait cependant de ses succès auprès de Mme de Maintenon : les espérances qu'il en concevait , avec de si bons appuis, étaient grandes, mais il crut ne les pouvoir conduire avec sûreté jusqu'où il se le proposait, qu'en achevant de se rendre maître de son esprit sans partage. ... ..."

Et c'est là que M. de Cambrai va commettre une erreur qui aura pour lui de lourdes conséquences : il décide de s'attaquer au directeur de conscience de Mme de Maintenon, Godet-Desmarets, nommé évêque de Chartres par le Roi, sur proposition de sa protectrice.

samedi, août 25 2007

Fénelon, Mme Guyon et le Quiétisme Vs. Bossuet (V).

Très vite, et par l'entremise du duc de Beauvillier*, Fénelon allait rencontrer Mme de Maintenon lors des soupers que celle-ci faisait, une fois par semaine, soit à l'hôtel de Beauvillier, soit chez les Chevreuse :

"... ... (Fénelon) eut auprès de Mme de Maintenon presque autant de succès qu'il en avait eu auprès des deux ducs ; sa spiritualité l'enchanta. La cour s'aperçut bientôt des pas de géant de l'heureux abbé, et s'empressa autour de lui. Mais le désir d'être libre et tout entier à ce qu'il s'était proposé, et la crainte encore de déplaire aux ducs et à Mme de Maintenon, dont le goût allait à une vie particulière** et fort séparée, lui fit faire bouclier de modestie et de ses fonctions de précepteur, et le rendit encore plus cher aux seules personnes qu'il avait captivées, et qu'il avait tant d'intérêt de retenir dans ces attachements. ... ..."

Déjà, il semble donc que, dans l'affaire du quiétisme et de la secousse qu'elle fit ressentir à la monarchie louisquatorzienne, Saint-Simon lui-même tienne Mme de Maintenon pour innocente et entraînée par son aveuglement.

* : on orthographie parfois "Beauvilliers."

** : il faut entendre que Mme de Maintenon aurait souhaité mener la vie d'une "particulière", c'est-à-dire sans les obligations de représentation qui étaient les siennes.

vendredi, août 24 2007

Fénelon, Mme Guyon et le Quiétisme Vs. Bossuet ( IV ).

En ce temps-là, le duc de Beauvillier fut nommé gouverneur des Enfants de France et, comme il hésitait sur l'identité de leur précepteur, il s'adressa à son confesseur, un sulpicien. Or, les sulpiciens ne jurèrent que par Fénelon :

"... ... (Le duc de Beauvillier) le vit, en fut charmé, le fit précepteur. (Fénelon) le fut à peine qu'il comprit de quelle importance il était pour sa fortune de gagner entièrement celui qui venait de le mettre en chemin de la faire, et le duc de Chevreuse, son beau-frère, avec qui (le duc de Beauvillier) n'était qu'un, et qui tous deux étaient au plus haut point de la confiance du Roi et de Mme de Maintenon. Ce fut là son premier soin, auquel il réussit tellement au-delà de ses espérances qu'il devint très-promptement le maître de leur coeur et de leur esprit, et le directeur de leurs âmes. ... ..."

mercredi, août 22 2007

Fénelon, Mme Guyon et le Quiétisme Vs. Bossuet ( III ).

Entre alors en scène, dans la vie de Fénelon, celle qui deviendra la Pasionara du Quiétisme, Mme Guyon :

       

"... ... Dans ce temps-là, obscur encore, il entendit parler de Mme Guyon, qui a fait depuis tant de bruit dans le monde qu'elle y est trop connue pour que je m'arrête sur elle en particulier. Il la vit : leur esprit se plut l'un à l'autre, leur sublime s'amalgama. Je ne sais s'ils s'entendirent bien dans ce système et cette langue nouvelle (= le Quiétisme) qu'on vit éclore d'eux dans les suites ; mais ils se le persuadèrent, et la liaison se forma entre eux. Quoique plus connue que lui alors, elle ne l'était pas néanmoins encore beaucoup, et leur union ne fut point aperçue, parce que personne ne prenait garde à eux, et Saint-Sulpice l'ignora. ... ..."

La phrase en gras, je l'ai toujours trouvée ... sublime !

jeudi, août 16 2007

Fénelon, Mme Guyon et le Quiétisme Vs. Bossuet (II).

François de Salignac de la Mothe-Fénelon, dit Fénelon, archevêque de Cambrai.

Sur ces traits fins et aimables, il y a, en dépit de tout, une sorte de naïveté honnête dans ce regard qui semble nous demander, par delà les siècles et la toile de Vivien, s'il eut vraiment tort de vouloir imposer les dévots à la cour de France. Hélas ! Les lèvres minces disent l'austérité et la rigueur, parfois outrancière.

On relira éventuellement ce traité d'éducation concocté par Monsieur de Cambrai pour le Dauphin et dont vous avez certainement étudié l'un ou l'autre extrait en 6ème : "Les Voyages de Télémaque".

Fénelon, Mme Guyon et le Quiétisme Vs. Bossuet (I).

Revenons maintenant à l'une des grandes crises religieuses qui marqua la fin du règne de Louis XIV : l'affaire du quiétisme.

Voici tout d'abord le portrait de Fénelon, précepteur des enfants de France, qui devait s'y brûler les ailes en tentant d'y compromettre Mme de Maintenon :

... ... M. de Bryas, archevêque de Cambrai, était mort, et le Roi avait donné ce grand morceau à l'abbé de Fénelon, précepteur des enfants de France. ...

Fénelon était un homme de qualité, qui n'avait rien et qui, se sentant beaucoup d'esprit, et de cette sorte d'esprit insinuant et enchanteur, avec beaucoup de talents, de grâces et du savoir, avait aussi beaucoup d'ambition. Il avait frappé longtemps à toutes les portes, sans se les pouvoir faire ouvrir. Piqué contre les jésuites, où il s'était adressé d'abord, comme aux maîtres des grâces de son état, et rebuté de ne pouvoir prendre avec eux, il se tourna aux jansénistes, pour se dépiquer, par l'esprit et la réputation qu'il se flattait de tirer d'eux, des dons de la Fortune, qui l'avait méprisé. Il fut un temps considérable à s'initier, et parvint après à être des repas particuliers que quelques importants d'entre eux faisaient alors, une ou deux fois la semaine, chez la duchesse de Brancas. Je ne sais s'il leur parut trop fin, ou s'il espéra mieux ailleurs qu'avec gens avec qui il n'y avait à partager que des plaies ; mais peu à peu, sa liaison avec eux se refroidit, et, à force de tourner autour de Saint-Sulpice, il parvient à y en former une dont il espéra mieux.

Cette société de prêtres commençait à percer, et, d'un séminaire d'une paroisse de Paris, à s'étendre. L'ignorance, la petitesse des pratiques, le défaut de toute protection et le manque de sujets de quelque distinction en aucun genre, leur inspira une obéissance aveugle pour Rome et pour toutes ses maximes, un grand éloignement de tout ce qui passait pour jansénisme, et une dépendance des évêques qui les fit successivement désirer dans beaucoup de diocèses. Ils parurent un milieu très-utile aux prélats, qui craignaient également la cour sur les soupçons de doctrine, et la dépendance des jésuites, qui les mettaient sous leur joug dès qu'ils s'étaient insinués chez eux, ou les perdaient sans ressource : de manière que ces sulpiciens s'étendirent fort promptement.

Personne parmi eux qui pût entrer en comparaison sur rien avec l'abbé de Fénelon : de sorte qu'il trouva là de quoi primer à l'aise et se faire des protecteurs qui eussent intérêt à l'avancer pour en être protégés à leur tour. Sa piété, qui se faisait toute à tous, et sa doctrine, qu'il forma sur la leur en abjurant tout bas ce qu'il avait pu contracter d'impur parmi ceux qu'il abandonnait, les charmes, les grâces, la douceur, l'insinuation de son esprit le rendirent un ami cher à cette congrégation nouvelle, et lui y trouva ce qu'il cherchait depuis longtemps, des gens à qui se rallier, et qui pussent et voulussent le porter. En attendant les occasions, il les cultivait avec grand soin, sans toutefois être tenté de quelque chose d'aussi étroit pour ses vues que de se mettre parmi eux, et cherchait toujours à faire des connaissances et des amis. C'était un esprit coquet qui, depuis les personnes les plus puissantes jusqu'aux ouvriers et aux laquais, cherchait à être goûté et vouloir plaire, et ses talents en ce genre secondait parfaitement ses désirs. ... ..."

A-t-on jamais peint avec plus de finesse et d'élégance le type de l'abbé arriviste ? ;o)

mercredi, août 15 2007

Portrait de Mme de Castries.

On a beaucoup parlé de l'art des portraits que possédait Saint-Simon. Il faut bien dire que c'est toujours dans cet exercice qu'il nous paraît le plus moderne, non peut-être par le vocabulaire utilisé qui reste très XVIIème, mais par la façon dont il s'en sert. Voyez ici le portrait de la marquise de Castries, devenue dame d'atour de la duchesse de Chartres par l'entremise du duc du Maine:

"... ... Mme de Castries était un quart de femme, une espèce de biscuit manqué, extrêmement petite, mais bien prise, et aurait passé dans un médiocre anneau : ni derrière, ni gorge, ni menton ; fort laide, l'air toujours en peine et étonné ; avec cela une physionomie qui éclatait d'esprit et qui tenait encore plus parole.

Elle savait tout : histoire, philosophie, mathématiques, langues savantes, et jamais il ne paraissait qu'elle sût mieux que parler français ; mais son parler avait une justesse, une énergie, une éloquence, une grâce jusque dans les choses les plus communes, avec ce tour unique qui n'est propre qu'aux Mortemarts. ( * ) Aimable, amusante, gaie, sérieuse, toute à tous, charmante quand elle voulait plaire, plaisante naturellement avec la dernière finesse, sans la vouloir être, et assénant aussi les ridicules à ne les jamais oublier ; glorieuse de mille choses avec un ton plaintif qui emportait la pièce ; cruellement méchante quand il lui plaisait, et fort bonne amie, polie, gracieuse, obligeante en général ; sans aucune galanterie, mais délicate sur l'esprit et amoureuse de l'esprit où elle le trouvait à son gré ; avec cela, un talent de raconter qui charmait, et, quand elle voulait faire un roman sur le champ, une source de production, de variété et d'agrément qui étonnait.

Avec sa gloire, elle se croyait bien mariée par l'amitié qu'elle eut pour son mari ; elle l'étendit sur tout ce qui lui appartenait, et elle était aussi glorieuse pour lui que pour elle. Elle en recevait les réciproques et toutes sortes d'égards et de respect. ... ..."

( * ) : Mme de Castries était née Marie-Elisabeth de Rochechouart-Vivonne. Elle était fille de l'un des frères de Mme de Montespan et, par conséquent, cousigne germaine de Melle de Blois, qui deviendra duchesse de Chartres, puis d'Orléans/b. Elle était donc apparentée aux Mortemart. Or, les Mortemart étaient célèbres pour leur esprit fin, mordant et souvent cruel.

PS : je n'ai malheureusement découvert aucun portrait en pied de Mme de Castries. Si parmi vous, lecteurs, certains connaissent l'adresse d'un site susceptible de réparer cette carence, merci de me l'indiquer. ;o)

mardi, août 14 2007

On Monte la Maison de la Duchesse de Bourgogne (IV).

Le portrait que Saint-Simon nous a laissé de Mme de Maintenon est toujours très ambigu. Il la représente en effet à la fois comme une femme extrêmement rusée, "à qui on ne la fait pas" et comme une dévote inquiète et trop prudente, sur l'esprit malléable de laquelle certains peuvent toujours agir. Témoin la fin de cette conspiration qui vit Mme du Lude accéder à un poste dont elle était, au départ, si éloignée :

"... ... La duchesse du Lude n'ignorait pas qu'outre le nombre des prétendantes, il y en avait une, entre autres, sur laquelle elle ne pouvait espérer la préférence ; elle eut recours à un souterrain. Mme de Maintenon avait conservé près d'elle une vieille servante qui, du temps de sa misère et qu'elle était veuve de Scarron, à la Charité de sa paroisse de Saint-Eustache, était son unique domestique ; et cette servante, qu'elle appelait encore Nanon, comme autrefois, était pour les autres Melle Balbien, et fort considérée par l'amitié et la confiance de Mme de Maintenon pour elle.

Nanon se rendait aussi rare que sa maîtresse, se coiffait et s'habillait comme elle, imitait son précieux, son langage, sa dévotion, ses manières. C'était une demi-fée, à qui les Princesses se trouvaient heureuses quand elles avaient l'occasion de parler et de l'embrasser, toutes filles du Roi qu'elles fussent, et à qui les ministres qui travaillaient chez Mme de Maintenon faisaient la révérence bien bas.

Tout inaccessible qu'elle fût, il lui restait pourtant quelques anciennes amies de l'ancien temps, avec qui elle s'humanisait, quoique rarement, et, heureusement pour la duchesse du Lude, (celle-ci) avait une vieille mie ( 1 )qui l'avait élevée, qu'elle avait toujours gardée et qui l'aimait passionnément, qui était de l'ancienne connaissance de Nanon, et qu'elle voyait quelquefois en privance. La duchesse du Lude la lui détacha, et finalement vingt mille écus comptant firent son affaire, le soir même du samedi que le Roi avait parlé à Monsieur, le matin, avec tant d'éloignement pour elle.

Et voilà les cours ! Une Nanon qui en vend les plus importants et les plus brillants emplois ; et une femme riche, duchesse, de grande naissance par soi et par ses maris, sans enfants, sans liens, sans affaires, libre, indépendante, a la folie d'acheter chèrement sa servitude ! Sa joie fut extrême ; mais elle sut la contenir, et le nombre d'amis et de connaissances particulières qu'elle avait su toute sa vie se faire et s'entretenir à la ville et à la cour, entraînèrent le gros du monde à l'applaudissement de ce choix. ... ..."

On ne saura pas si Mme de Maintenon toucha sa part des vingt mille écus. Saint-Simon a-t-il reculé devant pareille accusation ou bien l'admiration qu'il portait malgré tout à l'ancienne "veuve Scarron" et le respect qu'il devait à celle qui était devenue l'épouse morganatique du Roi lui ont-ils interdit d'envisager un seul instant l'idée qu'elle eût pu tirer elle aussi profit du pot-de-vin de la duchesse du Lude ?

Je penche, quant à moi, pour la dernière hypothèse même si celle-ci contredit apparemment le profil de machiavélisme que le mémorialiste prête volontiers à Mme de Maintenon.

( 1 ) : gouvernante

lundi, août 13 2007

On Monte la Maison de la Duchesse de Bourgogne (III).

Et Saint-Simon enchaîne sur cet entretien entre le Roi et son frère :

"... ... Le samedi matin, veille de la déclaration de la maison (de la future duchesse de Bourgogne), le Roi, qui gardait le lit pour son antraxe, causait, entre midi et une heure, avec Monsieur, qui était seul avec lui. Monsieur, toujours curieux, tâchait de faire parler le Roi sur le choix d'une dame d'honneur, que tout le monde voyait qui ne pouvait plus être différé ; et comme ils en parlaient, Monsieur vit, à travers la chambre, par la fenêtre, la duchesse du Lude dans sa chaise avec sa livrée, qui traversait le bas de la grande cour, qui revenait de la messe :

"En voilà une qui passe," dit-il au Roi, "qui en a bonne envie, et qui n'en donne pas sa part" ; et lui nomme la duchesse du Lude.

"Bon !" dit le Roi, "voilà le meilleur choix du monde pour apprendre à la Princesse à bien mettre du rouge et des mouches" ; et ajouta des propos d'aigreur et d'éloignement.

C'est qu'il était alors plus dévot qu'il ne l'a été depuis, et que ces choses le choquaient davantage. Monsieur, qui ne se souciait point de la duchesse du Lude et qui n'en avait parlé que par ce hasard et par curiosité, laissa dire le Roi et s'en alla dîner bien persuadé que la duchesse du Lude était hors de toute portée, et n'en dit mot.

Le lendemain, presque à pareille heure, Monsieur était seul dans son cabinet ; il vit entrer l'huissier qui était en dehors, et qui lui dit que la duchesse du Lude était nommée. Monsieur se mit à rire, et répondit qu'il lui en contait de belles ; l'autre insista, croyant que Monsieur se moquait de lui, sortit et ferma la porte. Peu de moments après, entre Monsieur de Châtillon, le Chevalier de l'Ordre, avec la même nouvelle ; et Monsieur encore à s'en moquer. Châtillon lui demande pourquoi il n'en veut rien croire, en louant le choix et protestant qu'il n'y a rien de si vrai.

Comme ils en étaient sur cette dispute, vinrent d'autres gens, qui le confirmèrent ; de façon qu'il n'y eut plus moyen d'en douter. Alors, Monsieur parut dans une telle surprise qu'elle étonna la compagnie qui le pressa d'en dire la raison. Le secret n'était pas le fort de Monsieur ; il leur conta ce que le Roi lui avait dit vingt-quatre heures auparavant, et à son tour les combla de surprise. L'aventure se sut et donna ltant de curiosité, qu'on apprit enfin la cause d'un changement si subit. ... ..."

La suite au prochain numéro : il y sera beaucoup question, une fois de plus, de la toute puissance de Mme de Maintenon. ;o)

samedi, août 11 2007

On Monte la Maison de la Duchesse de Bourgogne (II).

La nomination de la duchesse du Lude au poste si envié de dame d'honneur de la duchesse de Bourgogne en étonna plus d'un. Il faut dire que :

" ... Le Roi n'avait aucun goût pour elle, ni Mme de Maintenon ; elle n'était presque jamais des Marlis (1) et ne participait jamais à aucune des distinctions que le Roi donnait souvent à un petit nombre de dames. Telle était sa situation à la cour lorsqu'il fut question d'une dame d'honneur sur qui roulât toute la confiance de l'éducation et de la conduite de la Princesse, que Mme de Maintenon avait résolu de tenir immédiatement sous sa main, pour en faire l'amusement intérieur du Roi. ... ..."

(1) : le Roi l'invitait rarement à Marly, distinction telle que les courtisans auraient vendu leur âme pour s'y voir conviés.

vendredi, août 10 2007

On Monte la Maison de la Duchesse de Bourgogne (I).

A l'occasion du mariage du duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, avec Marie-Adélaïde de Savoie, le Roi et Mme de Maintenon eurent fort à faire pour désigner la future maison de la nouvelle duchesse.

Ecoutons Saint-Simon, tout frétillant à l'idée de dire de nouvelles horreurs sur la fausseté et les complots de Mme de Maintenon pour s'assurer, par-delà sa future épouse, la mainmise du duc de Bourgogne, lequel était à l'époque le second dans l'ordre de succession après Monseigneur (le Grand Dauphin) son père :

"... ... (La maison de Mme de Bourgogne) fut plus longtemps à être déterminée. La cour était depuis longtemps sans reine et sans dauphine ; toutes les dames d'une certaine portée d'état ou de faveur s'empressèrent et briguèrent, et beaucoup aux dépens les unes des autres ; les lettres anonymes mouchèrent, les délations, les faux rapports. Tous se passa là-dessus entre le Roi et Mme de Maintenon qui ne bougeait du chevet de son lit pendant toute sa maladie ( 1 ), excepté lorsqu'il se laissait voir, et qui y était la plupart du temps seul.

Elle avait résolu d'être la véritable gouvernante de la Princesse, de l'élever à son gré et à son point, de se l'attacher en même temps assez pour pouvoir amuser le Roi sans crainte qu'après le temps de poupée passé, elle lui pût devenir dangereuse. Elle songeait encore à tenir par elle Mgr le duc de Bourgogne un jour, et cette pensée l'occupait d'autant plus que nous verrons bientôt que ses liaisons étaient déjà bien refroidies avec les ducs et les duchesses de Chevreuse et de Beauvillier, auxquelles, pour cette raison, l'exclusion fut donnée de la place de dame d'honneur, que l'une ou l'autre auraient si dignement et si utilement remplie.

Mme de Maintenon chercha donc, pour environner la Princesse, des personnes ou entièrement et sûrement à elles, ou dont l'esprit fût assez court pour n'avoir rien à en appréhender. ... ..."

( 1 ) : Louis XIV souffrait d'un anthrax au cou.

Mariage de Louis, duc de Bourgogne, avec Marie-Adélaïde de Savoie. Les jeunes gens sont à droite. A gauche, Louis XIV dont on reconnaît le profil et le Grand Dauphin, père du marié.

jeudi, août 2 2007

Lâcheté de M. du Maine aux Armées. ( 5 ).

De nos jours, on n'hésiterait pas à dire que toute cette histoire avait soumis Louis XIV à un stress intense. Ce qui explique sans doute la réaction inattendue du Roi aux confidences de La Vienne - et le pourquoi et le comment de l'anecdote fameuse si souvent rapportée par nos professeurs d'Histoire :

"... ... Ce prince, si égal à l'extérieur et si maître de ses moindres mouvements dans les événements les plus sensibles, succomba sous cette unique occasion. Sortant de table, à Marly, avec toutes les dames et en présence de tous les courtisans, il aperçut un valet du serdeau qui, en desservant le fruit ( 1 ), mit un biscuit dans sa poche. Dans l'instant, il oublie toute sa dignité, et, sa canne à la main, qu'on venait de lui rendre avec son chapeau, court sur ce valet qui ne s'attendait à rien moins, ni pas un de ceux qu'il sépara sur son passage, le frappe, l'injurie et lui casse sa canne sur le corps : à la vérité, elle était de roseau et ne résista guère. De là, le tronçon à la main, et l'air d'un homme qui ne se possédait plus, et continuant à injurier ce valet, qui était déjà bien loin, il traversa ce petit salon et une antichambre, et entra chez Mme de Maintenon, où il fut près d'une heure, comme il faisait souvent à Marly après dîner. ... ..."

Chez la marquise, le monarque eut le temps de recouvrer tout son calme et de songer à la meilleure façon pour lui de conserver la face tout en ne trahissant pas, en tous cas officiellement, le dépit qu'il ressentait envers la conduite de M. du Maine. Aussi, lorsqu'il sortit de chez Mme de Maintenon:

"... ... il trouva le P. de La Chaise. Dès qu'il l'aperçut parmi les courtisans : "Mon Père, lui dit-il fort haut, j'ai bien battu un coquin, et lui ai cassé ma canne sur le dos, mais je ne crois point avoir offensé Dieu" ; et tout de suite lui raconte le prétendu crime. Tout ce qui était là tremblait encore de ce qu'il avait vu ou entendu des spectateurs. La frayeur redoubla à cette reprise : les plus familiers bourdonnèrent contre le valet ; et le pauvre Père fit semblant d'approuver, entre ses dents, pour ne pas irriter davantage et devant tout le monde. On peut juger si ce fut la terreur, et la nouvelle qu'elle imprima, parce que personne n'en put alors deviner la cause, et que chacun comprenait aisément que celle qui avait paru ne pouvait être la véritable. Enfin, tout vient à se découvrir, et peu à peu, et d'un ami à l'autre, on apprit enfin que La Vienne, forcé par le Roi, avait été cause d'une aventure si singulière et si indécente. ... ..."

( 1 ) : le dessert

          
          Louis XIV - Le monarque est déjà dans son âge mûr.

mercredi, août 1 2007

Lâcheté de M. du Maine aux Armées. ( 4 ).

Quand on s'appelle Louis et qu'on est roi de France, il n'est pas toujours facile d'obtenir la Vérité que l'on cherche. Les courtisans ont peur de s'attirer l'ire du maître tout puissant et les humbles, s'ils sont au courant eux aussi, se font plus idiots qu'ils ne le sont. Louis XIV monta donc une petite machination afin d'apprendre comment s'était comporté son fils à Namur :

"... ... La Vienne, baigneur à Paris fort à la mode, était devenu (celui du Roi) du temps de ses amours. Il lui avait plu par des drogues qui l'avaient mis en état plus d'une fois de se satisfaire davantage, et ce chemin l'avait conduit à devenir l'un des quatre premiers valets de chambre. C'était un fort honnête homme, mais rustre, brutal et franc, et cette franchise, dans un homme d'ailleurs vrai, avait accoutumé le Roi à lui demander ce qu'il n'espérait pas pouvoir tirer d'ailleurs, quand c'étaient des choses qui ne passaient point à sa portée. Tout cela conduisit jusqu'à un voyage à Marly, et ce fut là où il questionna La Vienne. Celui-ci montra son embarras, parce que, dans la surprise, il n'eut pas la présence d'esprit de le cacher. Cet embarras redoubla la curiosité du Roi et enfin ses commandements. La Vienne n'osa pousser plus loin la résistance : il apprit au Roi ce qu'il eût voulu pouvoir ignorer toute sa vie, et qui le mit au désespoir.

Il n'avait eu tant d'embarras, tant d'envie, tant de joie de mettre M. de Vendôme ( 1 ) à la tête d'une armée que pour y porter M. du Maine ( 2 ) ; toute son application était d'en abréger les moyens en se débarrassant des princes du sang par leur concurrence entre eux. Le comte de Toulouse, étant amiral, avait sa destination toute faite ; c'était donc pour M. du Maine qu'étaient tous ses soins. En ce moment, il les vit échouer, et la douleur lui en fut insupportable. Il sentit pour ce cher fils tout le poids du spectacle de son armée, et des railleries que les gazettes lui apprenaient qu'en faisaient les étrangers, et son dépit en fut inconcevable. ... ...""

( 1 ) et ( 2 ) : pour placer M. de Vendôme à la tête de ses armées, Louis XIV avait délibérément ignoré la préséance qui aurait dû accorder cette faveur au prince de Conti. Vendôme descendait d'un batard, fût-il royal ; Conti, de la branche légitime des Condé et était en conséquence prince du sang, titre auquel ne pouvait prétendre Vendôme.

    
      Louis-Joseph, maréchal-duc de Vendôme, petit-fils d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées.

Saint-Simon qui, sans lui dénier ses réelles qualités militaires, ne l'aimait guère, lui a consacré quelques pages assez savoureuses que nous retrouverons en temps et lieu. ;o)

mardi, juillet 31 2007

Lâcheté de M. du Maine aux Armées. ( 3 ).

Nous devons les débuts du véritable journalisme en France à un médecin bien particulier, un anti-conformiste de haute valeur que la Faculté classique ne porta jamais en son coeur mais qui initia le Mont de Piété et les dispensaires publics tout en tenant à jour "La Gazette", puis le "Mercure français." Ce médecin, qui fut soutenu par le cardinal de Richelieu et son maître, s'appelait Théophraste Renaudot et le fameux prix Renaudot lui est dédié.

Théophraste Renaudot, dont "La Gazette" perdurera jusqu'à la Première guerre mondiale.

Au temps de Louis XIV, la presse bien sûr avait eu le temps de prendre son essor, toujours plus ou moins aidée (ou surveillée, comme on voudra) par le pouvoir en place. Il en était de même dans les pays voisins et l'on devine quel pain bénit représentèrent pour les gazettes étrangères le siège manqué de Namur et la conduite honteuse qu'y tint M. du Maine. Le Roi-Soleil, si fier, en fut le premier incommodé. Saint-Simon raconte :

"... ... (Le Roi) avait soin de se faire lire toutes les gazettes d'Hollande : dans la première qui parut, il lut une grosse action à la gauche, des louanges excessives de la valeur de M. du Maine, que ses blessures avaient arrêté le succès et sauvé M. de Vaudémont, et que M. du Maine avait été emporté sur un brancard. Cette raillerie fabuleuse piqua le Roi ; mais il le fut bien davantage de la gazette suivante, qui se rétracta du combat qu'elle avait raconté, et ajouta que M. du Maine n'avait pas même été blessé. Tout cela, joint au silence qui avait régné depuis cette journée, et au compte si succinct que le maréchal de Villeroy lui en avait rendu, et sans chercher aucune excuse, donna au Roi des soupçons qui l'agitèrent. ... ..."

dimanche, juillet 29 2007

Lâcheté de M. du Maine aux Armées. ( 2 ).

Restait maintenant à apprendre la chose à Louis XIV. La chose était délicate mais le maréchal de Villeroy n'était ni sot, ni suicidaire. Voici comment il s'y prit :

"... ... Le maréchal de Villeroy, plus outré que personne, était trop bon courtisan pour s'excuser sur autrui. Content du témoignage de toute son armée, et de ce que toute son armée n'avait que trop vu et senti, et des clameurs dont elle ne s'était pas tenue, il dépêcha un de ses gentilshommes au Roi, à qui il manda que la diligence dont Vaudémont ( 1 ) avait usé dans sa retraite l'avait sauvé de ses espérances ( 2 ), qu'il avait crues certaines, et, sans entrer dans aucun détail, se livra à tout ce qu'il pourrait lui en arriver.

Le Roi qui, depuis vingt-quatre heures, les comptait toutes dans l'attente de la nouvelle si décisive d'une victoire, fut bien surpris quand il ne vit que ce gentilhomme, au lieu d'un homme distingué, et bien touché quand il apprit la tranquillité de cette journée. La cour en suspens, qui pour son fils, qui pour son mari, qui pour son frère, demeura dans l'étonnement, et les amis du maréchal de Villeroy dans le dernier embarras. Un compte si général et si court rendu d'un événement si considérable et si imminent réduit à rien, tint le Roi en inquiétude ; il se contint en attendant un éclaircissement du temps. ... ..."

( 1 ) : le général adverse.

( 2 ) : i.e. : l'espoir qu'avait Villeroy de faire tomber Namur et d'emporter par là les Pays-Bas.

François de Neufville, duc de Villeroy et maréchal de France en 1693

samedi, juillet 28 2007

Lâcheté de M. du Maine aux Armées ( 1 ).

Le rang est héréditaire mais la dignité ne donne pas forcément le courage aux armées. Monsieur, frère du Roi, bien qu'efféminé et fou de joyaux et de parfums, fut toujours d'un courage exemplaire en face de l'ennemi. Idem pour son fils, le duc de Chartres, futur Régent et libertin exemplaire. Monseigneur lui-même, le Grand Dauphin, n'était pas non plus une lavette au combat. Et, si le comte de Vermandois, fils du Roi et de Melle de La Vallière n'eut pas le temps de s'illustrer à la guerre, son demi-frère, le comte de Toulouse s'y comporta toujours avec vaillance.

Hélas pour son orgueil paternel, Louis XIV devait constater très vite que son fils préféré, le duc du Maine, était par contre très loin d'atteindre à pareille valeur. Lors de la campagne contre les Pays-Bas, en 1695,

"... ... Le maréchal de Villeroy manda, dès qu'il fit jour, à M. du Maine d'attaquer et d'engager l'action, comptant de le soutenir avec toute son armée, et qui, pour arriver à temps, avait besoin que les ennemis fussent retardés, puis empêchés de marcher, par l'engagement dans laquelle notre gauche ( 1 ) les aurait mis. Impatient de ne point entendre l'effet de cet ordre, il dépêche de nouveau à M. du Maine, et redouble cinq ou six fois. M. du Maine voulut d'abord reconnaître, puis se confesser, après mettre son aile en ordre, qui y était depuis longtemps et qui pétillait d'entrer en action.

Pendant tous ces délais, Vaudémont ( 2 ) marchait le plus diligemment que la précaution le lui pouvait permettre. Les officiers généraux de notre gauche se récriaient. Montrevel, lieutenant général le plus ancien d'eux, ne pouvant plus souffrir ce qu'il voyait, pressa M. du Maine, lui remontra l'instance des ordres réitérés qu'il recevait du maréchal de Villeroy, la victoire facile et sûre, l'importance pour sa gloire, pour le succès de Namur, pour le grand fruit qui s'en devait attendre de l'effroi et de la nudité des Pays-Bas après la déroute de la seule armée qui les pouvait défendre ; il se jeta à ses pieds, il ne put retenir ses larmes : rien ne fut refusé ni réfuté mais tout fut inutile. M. du Maine balbutiait et fit si bien que l'occasion échappa, et que M. de Vaudémont en fut quitte pour le plus grand péril qu'une armée pût courir d'être entièrement défaite, si son ennemi, qui la voyait et la comptait homme par homme, eût fait le moindre mouvement pour l'attaquer.

Toute notre armée était au désespoir, et personne ne se contraignait de dire ce que l'ardeur, la colère et l'évidence suggéraient. Jusqu'aux soldats et aux cavaliers montraient leur rage sans se méprendre ; en un mot, officiers et soldats, tous furent plus outrés que surpris.... ..."

( 1 ) : commandée par M. du Maine.

( 2 ) : général adverse.

Tout cela est fort bien dit mais la chose est claire : la lâcheté et l'indécision du duc du Maine ont fait perdre la Hollande à Louis XIV. Si Namur était tombé, les Pays-Bas tombaient aussi. CQFD.

Saint-Simon suggère au passage que ces défauts de M. du Maine n'ont surpris personne dans l'armée. Des officiers jusqu'aux plus humbles soldats, personne ne se faisait d'illusions sur l'aîné des batards du Roi.

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