Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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Littérature indienne d'Amérique

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mercredi, avril 30 2008

Dernier Rapport sur les Miracles à Little No Horse - Louise Erdrich

The last report on the miracles at Little No Horse Traduction : Isabelle Reinharez

Ce roman me laisse une impression mitigée. Certes, il a du souffle et le style d'Erdrich dégage une poésie réelle, notamment dans ses descriptions de la Nature. Mais l'ensemble se déroule de façon parfois chaotique, l'auteur consacrant parfois trop de temps à tel moment de l'action et pas assez à d'autres. Ceci dit, il s'agit peut-être d'un procédé, plus en accord avec la culture amérindienne qu'avec les habitudes, assez cartésiennes, du roman occidental.

Tout commence en 1996. Pour la dernière fois peut-être, le père Damien Modeste, curé catholique de la réserve ojibwée de Little No Horse, dans le Dakota du Nord, écrit au Pape afin que celui-ci fournisse des réponses à ses innombrables questions et, mieux encore, lui envoie quelqu'un pour en débattre avec lui. Puis, en une sorte de flash-back, le lecteur comprend que le prêtre n'est pas précisément ce qu'il prétend être depuis plus d'un siècle. C'est un peu long - on se demande parfois où l'auteur veut en venir - et puis, l'histoire se déploie.

L'arrivée de Modeste à Little No Horse, les premières connaissances qu'il y fait, le conflit que le désir d'épouse de l'inénarrable Nanapush va entraîner, la folie religieuse croissante de Pauline Puyat ... le lecteur est vite emporté avec la volonté, renouvelée à chaque page tournée, d'en savoir un peu plus sur chacun.

S'introduit en parallèle dans le récit le père Jude, l'envoyé tant attendu du Vatican. Mais, le père Modeste l'apprend très vite, Jude est là afin de se renseigner sur la vie de Pauline Puyat qui, entrée dans les ordres sous le nom de Soeur Léopolda, est en passe d'être béatifiée par l'Eglise.

Tels sont, en gros, les fils conducteurs de ce roman tout-à-fait particulier et qui, mieux que, par exemple, les oeuvres d'un Sherman Alexie, habitées par trop de haines, parvient à établir un pont entre le lecteur occidental et la culture des Indiens américains. Les ravages exercés par le colonialisme religieux y sont pointés du doigt avec un talent qui marie admirablement la férocité, l'humour et une lucidité implacable.

Bref, un livre qu'il ne faut pas lire mais par lequel il faut se laisser immerger, en abandonnant nos repères habituels. ;o)

jeudi, août 2 2007

Indian Killer - Sherman Alexie.

Indian Killer Traduction : Michel Lederer

Ce pourrait être un thriller ou un roman noir mais c'est plutôt un hybride. Autour de l'apparition, à Seattle, d'un tueur qui scalpe ses victimes et que les media - toujours aussi stupides - baptisent arbitrairement "Le Tueur Indien", Sherman Alexie a construit un livre qui tient en fait beaucoup plus du roman social que du policier à l'état brut.

Il a choisi comme héros un jeune Indien adopté à sa naissance par un couple de Blancs qui ne pouvaient pas avoir d'enfants. Ce couple s'appelait Smith et, avec un aveuglement stupéfiant, ils ont appelé le bébé du prénom de John. (!!!) Comme ils se montrent très bon avec lui et le traitent comme leur fils, comme ils s'attachent à l'intégrer dans le monde blanc tout en évitant de le couper de ses racines indiennes, le lecteur est tout de suite saisi par cette impardonnable faute de goût.

Devenu adulte, John rompt plus ou moins avec ses parents et se fait embaucher sur un chantier de gratte-ciel. On comprend alors très vite que le jeune homme souffre de problèmes nerveux et de troubles de mémoire qui, effectivement, pourraient faire de lui "le Tueur Indien" ...

... s'il n'y avait au moins un autre prétendant à ce titre, Reggie Polatkin, fils d'un Blanc et d'une Indienne et étudiant brillant qui a été exclu de l'université de Seattle pour s'être bagarré avec l'un de ses professeurs.

Mais au-delà la trame policière, le but premier du romancier est de dépeindre la condition faite actuellement aux Etats-Unis aux descendants des Indiens qui survécurent au génocide. Le résultat est accablant pour les autorités : la xénophobie quasi légendaire de "l'Amérique profonde" apparaît ici avec une violence rare.

Et justement, c'est là que le bât blesse car, contrairement à ce qu'ont dit de ce livre certains critiques, le paysage ici présenté est bel et bien manichéen. Je l'ai tourné et retourné mais il n'y a rien à faire : d'un côté les gentils, de l'autre les méchants - et c'est tout. Certes, au beau milieu, on peut trouver quelques êtres, Indiens ou Blancs, qui ne rêvent que de servir de passerelle entre les deux groupes mais ils sont dépeints soit comme des imbéciles, soit comme des lâches, soit comme des utopistes.

Du coup, ma lecture de cette histoire pourtant excellement bien menée et qui, presque jusqu'au bout, laisse planer le doute sur l'identité réelle de l'assassin, s'en est trouvée plutôt gâchée. Les personnages manichéens ne m'ont jamais parlé et bien que je n'aie aucun doute sur la capacité de haine et de méchanceté dont l'Homme est capable envers l'Homme, je sais aussi que parfois, la vapeur est capable de s'inverser avec succès et que, dans la majeure partie des cas, l'Homme est plus gris que franchement noir ou blanc.

Un ouvrage donc assez décevant qui me fait hésiter sur l'achat de "Indian Blues", du même Sherman Alexie. ;o)