Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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Littérature à l'eau de rose & Littérature populaire

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dimanche, février 17 2008

Le Candélabre du Temple - Delly

"Le Candélabre du Temple" adopte le schéma, classique dans Delly, de l'orpheline qui entre, enfant, chez un tuteur noble et fortuné et qui, pour des raisons diverses, finit mariée soit au tuteur, soit au fils du tuteur. En général, l'orpheline est pauvre. Ici, par exception, elles sont deux, Myriam et Rachel, et elles sont riches. Hélas ! leur fortune leur vient de leur mère, qui était fille de l'usurier Eliezer Onhacz.

Roman typique pour "jeunes filles de bonne famille" de la IIIème République, "Le Candélabre du Temple" utilise, envers la culture israélite, les clichés de l'époque. On n'aperçoit Onhacz qu'à la toute fin du roman et le moins que l'on puisse dire, c'est que le personnage n'est pas flatté.

Ses petites-filles, en revanche, sont deux modèles de vertu. Déjà, leur tuteur avait pris la précaution de les enlever à l'institution judaïque dans laquelle, jusqu'à la mort de leur père, le comte Würmstein, elles avaient été élevées, pour les remettre entre les mains de soeurs évidemment catholiques. Myriam comme Rachel avaient d'ailleurs fait la joie des nonnes car elles étaient toutes deux aimable, douces et pieuses. Malheureusement, les religieuses n'avaient pu empêcher une condisciple dont le père avait été pratiquement ruiné par Onhacz, de révéler leur origine et les deux soeurs avaient alors traversé une période difficile.

Les Delly étaient incorrigiblement chrétiens et catholiques. Il faut admettre aussi que, comme ils publiaient sur "Les Bonne Presses", ils n'auraient eu aucun succès s'ils avaient tenté d'utiliser un langage un peu plus ouvert.

En résumé, voici l'intrigue :

Quand l'action débute, Siegbert de Hornstedt est pratiquement fiancé avec Carolia von Eichtein, sa cousine. Le même jour, son père, le comte Chlodwig, lui apprend qu'il a accepté la tutelle des filles du comte Würmstein, lesquelles doivent arriver incessamment au château.

Etonné et presque indigné, Siegbert rappelle à son père la mésalliance faite par Würmstein lorsqu'il épousa Salomé Onhacz, fille de l'usurier Eliezer. Mais le comte Chlodwig écarte toute remarque et assure son fils qu'il a de bonnes raisons pour agir ainsi.

Ces raisons, Siegbert ne va pas tarder à les connaître. L'annonce de sa ruine imminente mène le comte aux portes de la Mort et, contraint et forcé, il apprend à son fils que, jadis, le comte Würmstein, avec qui il avait pourtant rompu tous les ponts, est intervenu pour le sauver dans une vilaine affaire de lettres compromettantes. Pour le prix de ce "service", Würmstein, personnage excentrique, que Delly présente paré d'une vague aura démoniaque, avait exigé une promesse de mariage entre Siegbert et l'aînée de ses filles, Myriam.

Vous me suivez bien ? ;o)

Siegbert songe un temps à ne pas respecter la promesse paternelle mais comme Carolia, qui vient elle aussi d'apprendre la ruine des Hornstedt, vient de le laisser tomber pour épouser un prince cacochyme mais richissime - du moins le suppose-t-elle - il finit par se dire : "Après tout, pourquoi pas ? Au point où j'en suis ..."

Le coup de théâtre suivant, c'est l'accident mortel qui emporte le cousin de Siegbert, et la congestion qui frappe, à cette annonce, son père, le prince de Hornstedt. Du coup, Siegbert hérite et du titre, et des biens. (Je vous raconte pas la tête de Carolia qui, la veille, vient d'épouser son antiquité.)

Quelques années plus tard, alors que Myriam vient d'avoir 16 ans, Siegbert l'épouse secrètement mais se refuse, bien entendu, à vivre avec elle et à la faire reconnaître officiellement comme princesse de Hornstedt. La jeune femme, d'ailleurs, en est bien heureuse car, pour des raisons que vous découvrirez si vous lisez ce roman, elle garde de lui un bien mauvais souvenir.

Myriam n'en ayant pas moins acquis un certain rang, il a été décidé qu'elle vivrait dans le vieux domaine de Hoendeck, auprès de Mme Sülzer, qui s'était occupée des deux orphelines à leur arrivée chez les Hornstedt, et bien entendu en compagnie de sa soeur, Rachel.

La jeune femme, qui est dotée d'une forte personnalité et à qui l'origine plus ou moins douteuse de la fortune maternelle a causé mille soucis, décide de ne l'utiliser ni pour elle, ni pour Rachel mais de s'en servir pour des oeuvres de charité. La rente que lui fait son lointain mari doit suffire à leur entretien et puis, comme toutes les vaillantes héroïnes dellyesques, elle est bien décidée à travailler.

Le reste ... dois-je vous le conter ? Je pourrai mais je ne le ferai pas. Je me bornerai à vous conseiller de lire "Le Candélabre du Temple", l'un des meilleurs ouvrages de Delly - malgré les a priori qui l'émaillent çà et là. ;o)

mercredi, janvier 9 2008

Aélys Aux Cheveux D'Or - Delly

Au sein de l'immense fourmilière du roman dit "à l'eau de rose", peu d'auteurs peuvent se flatter d'avoir illustré un nom qui, immanquablement, se retrouve dans tout dictionnaire de la Littérature. Delly, pseudonyme commun à Jeanne et Frédéric Petitjean de La Rosière, appartient à cette élite.

Le principe dellyesque est simple et l'on peut même dire qu'il s'agit du principe de base de tout roman sentimental : l'adaptation d'un conte de fées au contexte contemporain. Mais la qualité du style, la finesse avec laquelle on personnalise les personnages-stéréotypes, enfin l'art avec lequel on dose l'érotisme de l'intrigue font toute la différence. Sur ces trois points essentiels, Delly s'est toujours distingué.

Cet auteur est aussi l'un des rares à avoir réussi à tenir la distance d'une seule et même intrigue sur plusieurs volumes : le binôme "Laquelle ?/Orietta" dont l'action se situe en Grande-Bretagne, au XIXème siècle ou encore "La Lune d'Or", véritable roman d'aventures exotiques qui entraîne le lecteur, malgré lui fasciné, des combes du Jura au Mexique, dans la quête d'un fabuleux trésor que cherchent bien entendu à atteindre des "Bons" et des "Méchants."

Et, bien sûr, "Aélys aux cheveux d'or" dont le tome 2 s'intitule "L'Orgueil dompté."

Thème récurrent chez Delly - et qui alimente encore bon nombre de romans roses : le mariage forcé. Ici, le testament de son père, le compte Ferry de Croix-Givre, contraint la jeune Aélys à épouser son cousin, le prince Lothaire de Waldenstein."Quelle noix !" diront certaines. "Elle n'a qu'à refuser !" Mais nous sommes au milieu du XIXème siècle (approximativement) dans une société aristocratique où la parole donnée fait encore force de loi. Or, tant Ferry que son cousin, le prince Magnus, avaient prêté mutuellement serment d'unir leurs rejetons, à charge pour les Waldenstein de relever la propriété de Croix-Givre et, pour les Croix-Givre, de permettre aux Waldenstein de préserver la noblesse de leur arbre généalogique.

Ce qui explique que Lothaire, jeune homme volontaire et d'un orgueil extrême, bien qu'aussi mécontent qu'Aélys à l'idée d'épouser celle-ci, ne peut que s'incliner de son côté devant le voeu paternel.

De quelques années plus âgé que sa cousine, laquelle n'est encore qu'une adolescente dans le premier tome, Lothaire est une espèce de despote de sang germanique. Raffiné, cruel, orgueilleux, intelligent, violent, il a pour animal familier un léopard, nommé Tamerlan. De plus, il a déjà une maîtresse en titre.

Quoi !? Des maîtresses ? Dans Delly ??? ...

Oh ! ce n'est pas dit comme ça. A vrai dire, ça n'est même pas dit du tout mais c'est tellement évident que vous seriez vraiment dix mille fois plus naïf que n'importe quel aficionado de romans sentimentaux si, dès la première apparition de Sidonia Brorzen dans l'histoire, vous ne vous en rendiez pas compte sur le champ.

Sidonia, une blonde fadasse par opposition au "blond chatoyant aux reflets d'or" (je cite de mémoire, vous m'excuserez ;o) ) d'Aélys, est coachée par son père, le comte Brorzen, lequel n'est autre que l'amant de la princesse Jutta de Waldenstein, tante de Lothaire. (Non, ce n'est pas dit non plus qu'il est son amant mais franchement, ne me dites pas qu'on ne vous a jamais appris à lire entre les lignes d'un roman à l'eau de rose ? ... )

Le prince étant réputé très indépendant, la clique Jutta-Brorzen-Sidonia estime tout d'abord qu'il n'y a aucune chance de le voir obéir au souhait posthume de son père. Mais voilà que Lothaire qui, enfant, s'était vu taxé publiquement de cruauté par une toute petite Aélys ayant inopinément débarqué dans la propriété que les Waldenstein ont conservé près de Croix-Givre, découvre, au hasard d'une promenade, que la fillette de jadis, si elle n'a rien perdu de son caractère farouche, est en passe de devenir une vraie beauté. Du coup, cette nature contrariante décide que oui, le testament paternel sera respecté.

Pour se remonter le moral, la clique Jutta-Brorzen se dit alors : "Qu'importe ! Il est versatile. A la fin de cet été, il retournera à Waldenstein et il oubliera ..."

Comme on le voit, ces gens-là n'ont rien compris au tempérament d'un homme qu'ils prétendent pourtant gouverner. Lothaire consacre tout l'été à offrir à Aélys une image plus humaine de lui-même, il y parvient non sans peine, elle finit par lui faire confiance, jusqu'à ce qu'un incident les oppose à nouveau. Survient la rupture. Violente, comme il se doit. Chez la princesse Jutta, on se frotte les mains : allons, ce coup-ci, la partie est gagnée ...

Si vous pensez qu'ils ont tort, retrouvez-moi ici prochainement pour la suite de cette passionnante histoire qui, je n'hésite pas à l'avouer publiquement, a fait pour la première fois mes délices alors que j'avais sept-huit ans et que je relis chaque fois avec le même enthousiasme. ;o)

Delly, alias Jeanne et Frédéric Petitjean de La Rosière

Il est pratiquement impossible de dénicher des photographies du frère et de la soeur. Car Jeanne et Frédéric Petitjean de La Rosière étaient en effet frère et soeur. Ils vivaient à Versailles, dans les Yvelines actuelles, où leur mémoire s'est perpétuée, comme elle l'a fait à la Société des Gens de Lettres, laquelle leur a dédié une salle :

(Cette salle) porte le nom de Delly, pseudonyme commun au colonel Frédéric Petitjean de la Rosière (1876-1949) et à sa sœur Marie (1875-1947), auteurs de romans populaires à grand succès, et principaux donateurs de la SGDL. Le colonel, infirme, et sa sœur, qui s'est dévouée à le soigner toute sa vie, ont passé leur vie reclus à Versailles et se sont consacrés à l'écriture : plus de cent romans d'amour et d'aventures publiés en 35 ans, entre 1908 et 1943. Le canevas est simple : un beau prince aime une bergère et résiste aux tentations des sirènes. Prétexte pour multiplier les meurtres, enlèvements, affaires d'espionnage... Le décor emprunte à l'histoire gothique ou à l'exotisme, au folklore... Nés à un an de distance, morts à deux ans de distance, ils lègue leur fortune et leurs manuscrits à la SGDL pour les écrivains malades et nécessiteux. (Sources : SGDL)

Pourquoi Créer Sur Ce blog Une Catégorie Pour Les Romans Sentimentaux Et Les Romans Populaires ?

Je suis presque tentée de répondre : "Parce que, si l'on excepte les petits livres Nathan que m'achetait ma grand-mère ("Les Albums du Père Castor", etc, etc ...), les ouvrages d'Enid Blyton et du consortium Caroline Keene et, bien entendu, les livres de la Bibliothèque rose et de Mme de Ségur, la littérature sentimentale et la littérature populaire sont les deux courants qui m'ont amenée à m'embarquer sur le vaste Océan Littérature."

Lorsque ma grand-mère mourut alors que je n'avais que sept ans, ma mère (peut-être pour tenter de me consoler, je ne saurais dire) me donna toute sa bibliothèque de romans sentimentaux, essentiellement des Delly.

A partir de là, à dix ans, je lisais "Autant en emporte le vent", "Rébecca", puis "Pot-Bouille", puis Agatha Christie, puis John Galsworthy, puis ...

... puis une foule de biographies, puis Thomas Mann, puis Saint-Simon ...

... tout ça pour aboutir à Nota Bene, à ce blog - et même à Alexandrie.

Les voies du Grand Dieu Thot sont impénétrables et il ne nous appartient pas de juger si l'une de celles qui nous a guidé jusqu'à son paradis est moins digne que telle autre.

Voilà pourquoi je dédie cette nouvelle catégorie à la littérature dite "à l'eau de rose" et/ou "populaire" : je dois une reconnaissance éternelle à l'une comme à l'autre et j'entends l'assumer. ;o)