Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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Irlande & Celtie

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dimanche, juin 10 2012

L'Etrange Cas de Mademoiselle P. - Brian O'Doherty (République d'Irlande)

The Strange Case of Mademoiselle P. Traduction : Julien Deleuze

Extraits Personnages

Il s'agit d'un roman basé sur une histoire tout à fait véridique, celle de la compositrice et cantatrice Maria-Theresia von Paradis dont le magnétiseur Franz-Anton Mesmer parvint un temps à stabiliser la maladie qui la rendait aveugle, voire à inverser le phénomène. Maria-Theresia /bétait devenue aveugle à l'âge deb deux ans. Elle était la fille de Josef Anton von Paradis, Secrétaire impérial au Commerce et Conseiller à la Cour de l'Impératrice Marie-Thérèse d'Autriche - mère du future empereur Josef II et de Marie-Antoinette, reine de France. L'impératrice s'intéressait beaucoup à la santé de l'enfant mais, contrairement à la rumeur, elle ne fut pas sa marraine. Elle lui faisait payer cependant très régulièrement une sorte de pension d'invalidité qui, bien sûr, aurait disparu si la jeune fille avait recouvré la vue. Son père fit donc des pieds et des mains pour faire cesser le traitement qu'il avait lui-même sollicité de la part de Mesmer et sans le soutien du magnétiseur, les progrès accomplis par la jeune fille ne tinrent pas.

C'est cette crise et son dénouement que Brian O'Doherty nous retrace ici, dans un récit à trois voix au style soutenu et élégant. La première voix est celle de Mesmer, la seconde celle de Mademoiselle P. et la dernière, celle de son père, le Secrétaire impérial.

Le livre achevé, vous avez deux possibilités : ou bien vous jugez l'ensemble boîteux et vous vous demandez où diable l'auteur voulait en venir ; ou bien vous penchez pour un roman "ouvert" : l'auteur veut faire participer son lecteur et le laisser trouver ses propres réponses aux questions soulevées. Le flou est laissé sur les sentiments éventuels - charnels et autres - que Mesmer et Mademoiselle P. auraient été susceptibles d'éprouver, à croire que ce ne sont là que fausses rumeurs. Mais comme O'Doherty nous envoie des signaux souvent contradictoires, on peut s'étonner en parallèle de la façon dont Mme Mesmer - personnage que l'on distingue çà et là mais qui ne dit pas un seul mot - dévisage son époux.

De même, l'effet de basculement brutal entre l'enthousiasme premier du père, désireux de voir guérir son enfant, et son violent rejet de Mesmer à partir du moment où celui-ci parvient à ses fins,ne peut s'expliquer complètement, en tous cas dans le contexte que nous donne O'Doherty, par la seule peur de l'intrigant qui redoute de voir se tarir la bourse impériale. Peut-être suis-je obsédée mais il y a une pointe de père incestueux là-dedans, si ce n'est physiquement, en tous cas intellectuellement et affectivement - tandis que la mère, de son côté, est dépeinte comme ce que l'on nommerait de nos jours une mère castratrice, dévoreuse, abonnée au chantage affectif et capable de maltraiter physiquement sa fille si celle-ci s'oppose à elle.

La voix de l'héroïne est la plus claire, la plus émerveillée, la plus douce et aussi la plus triste. Peu à peu, elle se résigne à son destin, qui lui permettra tout de même de composer et de chanter mais qui ne lui rendra pas la vue perdue. On notera que c'est vraisemblablement pour elle que Mozart, entrevu ici en silhouette - une silhouette d'ailleurs honnie par le Conseiller impérial qui, en cela, obéit au diktat de la Cour autrichienne - composa son dix-huitième concerto pour piano, K456 en si bémol majeur. Pour l'anecdote, ajoutons que Salieri compta parmi les professeurs de chant de Mademoiselle P.

En résumé, "L'Etrange Cas de Mademoiselle P." laisse perplexe, avec une impression d'inachevé. Le lecteur qui aime les lignes bien tranchées et les conclusions nettes ne s'y retrouvera pas, sans compter qu'il risque de s'ennuyer. Les autres ... Ils peuvent essayer mais ce n'est pas un livre qui, à mon sens, donne envie d'en lire d'autres du même auteur. Et ça, c'est tout de même un peu malheureux.

lundi, juin 7 2010

Pour Qu'Ils Soient Face Au Soleil Levant - John McGahern

_That They May Face The Rising Sun Traduction : Françoise Cartano

J'ai lu quelque part que ce roman au titre si poétique était le plus optimiste, le moins désenchanté de son auteur - peut-être le plus apaisé. Et c'est vrai que le rythme en est lent, paresseusement bercé par le cycle des saisons (une année entière en fait), au coeur d'une Nature comme oubliée, près d'un lac dont l'un des personnages-phare, Jamesie, aime beaucoup à faire le tour.

McGahern met à profit de cette existence si calme, troublée seulement par les grandes ventes de bétail annuelles ou le retour d'un exilé à la terre qui l'a vu naître, pour nous dresser le portrait d'une Irlande rurale à prédominance catholique où chacun connaît son voisin, le critique quand il le faut et le soutient de même mais où, aussi, personne ne renie les racines communes.

Depuis les Ruttledge - lui est du coin mais son épouse vient des USA - simplement préoccupés de vivre la vie dont ils rêvaient alors qu'ils se traînaient encore de métro en métro, jusqu'à Jimmie Joe McKiernan, ancien membre de l'IRA et tenancier de bistrot, en passant par l'attachant Bill Evans, l'excentrique Jamesie et son épouse, Mary sans oublier l'oncle de Ruttledge, surnommé "le Shah" et le hautain et déstabilisant Patrick Ryan, tous sentent qu'ils appartiennent à une même espèce, à un même pays. Pour le meilleur comme pour le pire.

Et tous se retrouveront donc, à l'issue du roman, autour de la dépouille de Johnny, le frère de Jamesie, revenu mourir au pays et qui sera, selon l'ancienne coutume, inhumé la tête tournée vers l'est afin que, au jour de son réveil, il puisse voir le soleil se lever avec lui.

"Pour Qu'Ils Soient Face Au Soleil Levant" est un livre qui se lit comme on déguste un bon whisky (ou une crème de whisky :wink: ), devant un bon feu bien chaud, à l'heure où les souvenirs et la nostalgie se sont installés avec la nuit. Le chat ronronne dans un coin, le chien dort sur le tapis, la pendule tictaque dans les ténèbres du couloir, dehors, le silence s'est fait et le lecteur, livré à sa mémoire, tend l'oreille pour percevoir, dans le lointain, le pas feutré du Temps qui passe.

Un beau récit, subtil, parfois déroutant, à ne réserver cependant, je pense, qu'aux inconditionnels de l'Irlande et de la Celtie en général. ;o)

mardi, août 26 2008

L'Etoile des Mers - Adieu A La Vieille Irlande - Joseph O'Connor

Star of the Sea Traduction : Pierrick Masquart, Gérard Meudal & Marie-Thérèse Carton-Piéron

L'Irlande et les Irlandais chassés par la Grande Famine de 1847, vus par un juif américain, G. Grantley Dixon, et par le capitaine du vaisseau qui effectue la traversée, un quaker paisible qui, plus tard, reviendra en Irlande pour essayer d'améliorer le sort de ceux qui n'auront pas pu s'exiler.

En se basant sur des témoignages et des articles d'époque, Joseph O'Connor a imaginé un landlord, lord David Merridith, qui, ruiné par la Grande famine, s'exile avec sa famille à Washington dans l'espoir d'y refaire sa vie. Né en Irlande, David y a eu pour compagne d'enfance la petite Mary Duane avec laquelle il connaît ses premiers émois amoureux jusqu'au jour où son père décide de mettre fin à leurs relations.

Un peu plus âgée, Mary tombe amoureuse de Pius Mulvey qui s'enfuit dès qu'il apprend qu'elle attend un enfant. Mulvey monte à Londres où il se fait pickpocket et escroc. Dénoncé malgré son habileté, il atterrit à Newgate d'où il finit par s'échapper après avoir tué un gardien : son premier meurtre.

Il décide de revenir dans sa région natale, le Connemara, pour tenter d'y retrouver Mary. Mais il découvre alors que son frère aîné, Nicholas, a choisi d'abandonner la prêtrise pour "réparer" la faute de son cadet auprès de Mary. Pius s'acharne alors contre le couple, allant jusqu'à réclamer sa part de la modeste ferme paternelle, collaborant en fait avec les autorités britanniques et perdant tout crédit auprès de ses anciens compatriotes. Après le suicide de son frère - qui étouffe au passage la fille qu'il avait eue de Mary - Pius est contraint de s'enfuir, poursuivi par la haine des "Redresseurs de tort", une confrérie qui préfigure l'IRA du XXème siècle.

Celle-ci le rattrape cependant alors qu'il veut s'embarquer sur "L'Etoile des Mers" et lui met le marché en mains : ou il exécute lord Merridith et il aura la vie sauve, ou il refuse et c'est lui qui sera exécuté lorsqu'il essaiera de débarquer à Manhattan.

Coincé, Mulvey accepte.

O'Connor nous raconte cette histoire dont je ne peux révéler tous les fils, en faisant alterner les points de vue - car tous les personnages que j'ai cités finissent par se retrouver embarqués sur la même galère. Peu à peu, le récit prend corps, les rapports existant entre les divers protagonistes se révèlent, le lecteur s'enfonce de plus en plus hardiment dans les méandres de ce drame qui s'inspire, avec fidélité et une remarquable impartialité, de la tragédie d'un peuple.

L'ouvrage est parsemé de gravures d'époque - la première, dès la page de titre, prouve que les Anglais assimilaient les Celtes aux Noirs - et d'extraits de journaux ou de correspondances privées. Solide et cohérente, la construction de l'ouvrage est servie par des dialogues sobres et des réflexions qui, de la question irlandaise, passent à celle, universelle, des Droits de l'homme. Avec cela, l'ensemble se lit d'une traite, comme un excellent roman historique. ;o)

jeudi, août 21 2008

A Lire La Nuit - Seamus Deane

Reading in the Dark Traduction : Marianne Véron

Seamus Deane a attendu d'atteindre son demi-siècle pour coucher par écrit ses souvenirs d'enfance, dans l'Irlande de l'immédiate après-guerre, côté catholiques romains. S'y ajoute une touche de fiction - du moins l'auteur entend-il nous en convaincre - qui place "A Lire la Nuit" dans la catégorie des romans.

Un roman littéralement hanté par les apparitions (celles que voit la mère du jeune narrateur) et les souvenirs (tournant pour l'essentiel autour de la mort de l'oncle paternel du jeune garçon, l'oncle Eddy) sur fond de tensions religieuses et nationales (les collaborateurs irlandais pactisant avec le gouvernement britannique face aux rebelles catholiques, partisans d'une Irlande enfin libérée du joug anglais), le tout enfoui au sein des brumes celtiques, que celles-ci soient l'oeuvre de la mémoire ou bien du climat.

Tous ceux qui ont connu une enfance celtique, de ce côté-ci de la Manche ou de l'autre, dans une ville où l'on pouvait encore voir les vestiges récents de la Seconde guerre mondiale, la retrouveront dans "A Lire la Nuit." Tout y est en effet : la nuit douce ou âpre, les rues encore pavées qui sonnent à vide sous le pas d'un passant égaré ou en fuite, les jeux sur les terrains vagues encore minés, et puis les histoires de fantômes et d'intersignes, les femmes tristes corsetées dans l'éducation catholique martelée par leurs parents, la Malédiction qui rôde dans les familles parce que, dans les familles, justement, sous prétexte de Tradition, de religion et du passé, on ne se parle pas, on entasse les hontes en secrets qui s'accumulent et qui finissent par étouffer des innocents ...

Bien qu'attaché à sa celticité, Seamus Deane n'a pas oublié, n'a pas non plus pardonné. S'il évoque le plus souvent avec tendresse l'enfant qu'il fut et les adultes qui l'entourèrent, on sent bien la jubilation qui est la sienne lorsqu'il évoque son grand-père, mort sans le secours d'un prêtre, athée splendide que l'asphyxiante chape de respectabilité familiale tentera de figer à jamais dans le mensonge d'une extrême-onction de dernière minute qui ne fut jamais administrée. Quant au noeud de vipères qui finira par se former entre sa mère et lui - là encore en raison de trop de mensonges - le lecteur perçoit encore toute la souffrance qu'il lui inspire, après tant d'années.

A lire. La nuit ou pas. Mais à lire.

vendredi, juillet 18 2008

Chimères - Nuala O'Faolain

My Dream of You Traduction : Stéphane Camille

Rédactrice à la section Voyages de l'Agence Newswrite, Kathleen prend conscience des non-dits que recèle son existence lorsque son collègue, Jimmy, décède de façon brutale. La mort de Jimmy, c'est la faille par laquelle va s'engouffrer le passé, ce passé qui, inexorablement, prend ses racines en Irlande. L'Irlande des années soixante-dix où Kathleen a vu sa mère mourir d'un cancer, faute des soins appropriés que lui refusait l'impitoyable morale catholique de l'époque : une femme portant un enfant, même si elle souffrait le martyre, n'avait pas droit à la chimiothérapie.

Après le décès de la malheureuse, Kathleen a fui son père, sa famille, son pays. Elle a fait sa vie à Londres, elle a passé près de trente ans à s'efforcer d'oublier. Avant tout qu'elle était irlandaise. Mais maintenant, elle veut se rappeler, elle veut comprendre comment un pays possédant une morale aussi arriérée peut encore lui inspirer une telle passion.

En parallèle de l'enquête qu'elle va mener sur elle-même et les siens, Kathleen tentera de résoudre un fait divers qui fit scandale au milieu du XIXème siècle : l'épouse d'un landlord* aurait eu pour amant un jardinier et homme à tout faire irlandais, le tout sur la toile de fond de la Grande Famine.

Epais, foisonnant, le roman de Nuala O'Faolain fait alterner passé et présent en une espèce de manège kaléidoscopique dont la vitesse ne cesse de s'accroître au fur et à mesure que l'on avance dans sa lecture. Le ton est à la fois chaud et intimiste, le drame côtoie le rire et l'Histoire, une Histoire bien partie pour rattraper les Britanniques, fait ici plus d'une apparition particulièrement saisissante.

L'Européen que l'on ne cesse d'abreuver d'images et de livres sur les horreurs des deux dernières guerres, sur les méfaits de notre colonisation, sur les crimes atroces commis tout récemment encore dans les Balkans par les deux camps en présence, reste sans voix devant les procédés génocidaires - il n'y a pas d'autre mot - employés par les Anglais en Irlande lors de l'épidémie de mildiou qui allait plonger tout un peuple dans l'horreur de la famine quotidienne. Comment se fait-il que jamais, dans notre paysage audiovisuel (pour ne citer que lui) on n'évoque la chose autrement que par quelques mots, sans plus ? Comment ose-t-on passer sous silence ces gros propriétaires anglais qui, plutôt que de soutenir leurs fermiers irlandais, les laissèrent littéralement crever de faim à la porte de leurs manoirs ?

Très consciemment, le gouvernement britannique et une bonne partie des sujets de Sa Très Gracieuse Majesté ont tenté de faire périr le peuple gael dans son intégralité. Et tout cela, pour des motifs à la fois religieux et politiques.

Tant pour la qualité de son récit que pour la vision profondément humaine qu'il donne de l'Irlande et de son Histoire, on ne saurait trop recommander la lecture de "Chimères." ;o)

mardi, juillet 15 2008

Le Troisième Policier - Flann O'Brien

The Third Policeman Traduction : Patrick Reumaux

Que voilà un livre difficile à résumer ! Il commence "à l'irlandaise", de façon presque lugubre, par le meurtre du vieux Mathers par le narrateur et son compère, Divney, le tout à coups de pompe à vélo. Le narrateur enterre Mathers et, sur les indications de Divney, se met en quête du magot du défunt - car nos deux personnages ont évidemment besoin d'argent. Finalement, le narrateur entre - par effraction - dans la petite maison de Mathers où l'argent se trouverait sous une latte du plancher, dans une caissette noire. Et, comme le dit son complice :

... ... Bravo ! (..) Mais rappelle-toi ceci, si tu rencontres quelqu'un, tu ne sais pas ce que tu cherches, tu ne sais pas dans quelle maison tu es, tu ne sais rien.

- Je ne sais même pas mon nom," répondis-je.

Je prononçai là une parole remarquable car lorsqu'ensuite on me demanda mon nom, je ne pus répondre, je ne le savais plus. ... ...

Mais voilà que, à peine entré chez Mathers, le narrateur se trouve confronté à son spectre, un spectre vraiment très aimable quoique peu bavard au début, avec qui il finit par prendre le thé et chez qui il passe la nuit. Puis, le lendemain, toujours dans l'espoir de trouver le fameux magot, le narrateur quitte la maison de Mathers pour se rendre au poste de police le plus proche ...

A partir de là, nous tombons dans un absurde total et doucement ironique, saupoudré de nombreuses considérations sorties de l'oeuvre d'un certain DeSelby (les notes de bas de page sont souvent un régal). On songe à un Lewis Carroll pour adultes mais qui serait né en Irlande et aurait hérité quelques solides grains de folie purement celtique.

Le monde dans lequel on entre à la suite de notre narrateur est en effet un monde où les cyclistes finissent par présenter un taux de ... (de quoi, déjà ? ...) ... disons de "cellules", faute d'un mot mieux approprié, provenant de leur bicyclette favorite, où une bicyclette peut même être pendue en lieu et place du contrevenant à qui elle appartenait, où l'on ne peut entrer dans un ascenseur que si l'on pèse le même poids que celui qu'on faisait quand on s'est pesé pour la première fois à l'intérieur de l'engin (pourquoi se peser dans un ascenseur ? Je l'ignore et je n'essaierai pas mais chez O'Brien, les policemen vous conseillent de le faire), où les bicyclettes sont susceptibles de se dévoyer parce qu'elles perdent les pédales, et où le chapitre final explique quelques subtilités de l'intrigue mais pas toutes ...

Un livre à lire mais certainement à relire, un livre jubilatoire où éclate le talent très particulier d'un homme qui nous prouve que, en matière d'humour et de non-sense, l'Irlande n'a rien à envier aux Anglo-saxons. ;o)

lundi, mai 19 2008

La Vie Secrète de E. Robert Pendleton - Michael Collins

Death of a Writer Traduction : Jean Guiloineau

A ce jour, c'est pour moi le meilleur roman de Michael Collins. Il faut dire que je n'en ai lu que trois : "Les Ames Perdues" (correct, sans plus), "Les Profanateurs" (j'ai détesté) et donc cette "Vie Secrète ..."

L'action se situe dans une petite université américaine (Michael Collins est irlandais mais vit aux Etats-Unis), Bannockburn, où végète, depuis des années, E. Robert Pendleton, professeur de littérature et de composition littéraire qui a rêvé, en son temps, d'être un auteur reconnu. Mais d'autres, plus chanceux ou plus opportunistes, l'ont dépassé sur cette route glorieuse mais semée d'embûches, notamment Allen Horowitz, qui fut jadis son condisciple et que l'université s'apprête à recevoir aujourd'hui même pour un symposium.

Chargé de recevoir l'homme qui caracole sur la liste des best-sellers, Pendleton se rend à l'aéroport avec le photographe du campus, Henry James Wright, un ancien élève avec lequel il ne s'est jamais entendu, et Adi Wiltshire, une "éternelle étudiante" qui doit cependant se presser pour achever sa thèse de doctorat si elle ne veut pas voir disparaître les aides qu'elle perçoit de l'université.

C'est sur la route du retour vers Bannockburn, au volant de son automobile, que Pendleton prend la décision de mettre fin à ses jours ...

Mais l'intervention d'Adi, à laquelle il a d'ailleurs légué son fonds personnel de documents et sa bibliothèque, le sauve in extremis. Il s'en tire - si l'on peut dire - avec de graves séquelles qui nécessitent une présence permanente à son chevet. Adi se dévoue et c'est ainsi qu'elle découvre, dans la cave de Pendleton, une caisse de livres intacts, les multiples exemplaires d'un roman de Pendleton inconnu du public parce qu'édité en tirage confidentiel, et intitulé : "Le Cri."

"Le Cri" est un roman formidable, probablement le meilleur de son auteur, celui en tous cas qui prouve que, malgré tous ses échecs, malgré l'incompréhension littéraire qui l'a suivi toute sa vie, Pendleton était un authentique écrivain. Son intrigue met en scène un professeur d'université hanté par l'idée du Surhomme nietzschéen et qui s'autorise le viol et le meurtre gratuits d'une adolescente de treize ans.

Mais là où rien ne va plus pour Adi, c'est quand elle réalise les liens entre la fiction imaginée par Pendleton et l'assassinat, dans des circonstances identiques, de la jeune Amber Jewel, disparue dix ans plus tôt. Le pire, c'est que le roman a été édité - la facture de l'imprimeur le prouve - avant que le cadavre n'ait été découvert ...

Ca se lit à la fois comme un polar et comme une réflexion troublante sur l'écriture, la création, les livres et la connaissance. C'est aussi une critique acerbe sur la vie universitaire américaine et sur la médiocrité à laquelle elle peut condamner certains de ses meilleurs éléments sous prétexte qu'ils refusent les étiquettes. Le style est simple et assuré, et les personnages crédibles.

Si vous n'avez jamais lu Michael Collins, c'est par "La Vie Secrète de E. Robert Pendleton" que je vous conseille de l'approcher pour la première fois. ;o)

mardi, mai 6 2008

Les Profanateurs - Michael Collins

The Resurrections Traduction : Jean Guiloineau

Ce roman, qualifié par la majorité des critiques de "chef-d'oeuvre", est une terrible déception. Nous parlions plus haut de l'ambiance, plus proche de l'Irlande et de ses brouillards, que de la cohue américaine, que sait faire régner Michael Collins. Eh ! bien, justement, dans "Les Profanateurs" - pourquoi ce titre, d'ailleurs, qui me semble aussi idiot que celui donné par la distribution française à un film-culte des années cinquante : "Body Snatchers" en anglo-américain, rebaptisé donc "L'Invasion des Profanateurs de Sépultures" (!!!!), j'avoue ne pas avoir compris - cette ambiance se signale par son absence. Tout, là-dedans, est à la sauce américaine puissance 1000 - et c'est affreux parce qu'on n'y croit pas une seconde.

L'Amérique profonde, la petite ville endormie, les hamburgers et la route, la route ... (un bon tiers du livre n'est que route, ponctuée par les états d'âme du narrateur-héros), des personnages stéréotypés ... une horreur, je vous dis !

Le pire, c'est le style. Le ton du héros, d'abord. Celui-ci parle un langage hyper-familier mais dans sa tête, il donne plutôt dans le langage soutenu : à croire qu'il est schizophrène. En tous cas, ça déconcerte bigrement le lecteur. De plus, pour des raisons obscures, vous ne pouvez pas lire, dans les dialogues, trois lignes de texte apostrophant ou s'adressant directement audit héros - je vous donne son nom : Franck Cassidy - sans que, immuablement, avec une régularité d'horloge obsédée, son interlocuteur ne lui assène : " ... Franck ... Franck ... Franck ..."

Au début, j'ai tenté de voir si cette habitude, qui était peut-être voulue comme un tic de langage appliqué à certains personnages issus d'un milieu populaire, disparaissait avec l'élévation dans le milieu social et intellectuel.

Mais non ! Le Pr Brown, universitaire et scientifique d'un excellent niveau, fait pareil : Franck par-ci, Franck par-là. C'est épouvantable et difficile à s'imaginer : à la fin du roman, il me semblait que ces "Franck" tambourinaient encore dans mes oreilles, cherchant à tous prix à squatter ma pauvre cervelle. Le pire, c'est que le léger agacement que j'avais ressenti au tout début du livre s'était mué en grande, en vraie colère.

L'intrigue ? ... Ah ! L'intrigue ... Entre tous ces Franck, difficile d'entendre sa voix d'anémique. Mais enfin, disons que Cassidy apprend par le journal que son oncle, Ward, qui l'avait élevé après la mort de ses parents dans un incendie mystérieux, a été assassiné. Du coup, il décide de retourner dans la petite ville où il est né. Il emmène toute sa famille avec lui et finit par dénicher un petit travail sur le campus. Le meurtre de son oncle ayant réveillé en lui un certain nombre de questions - qui était à l'origine de l'incendie ? pourquoi son oncle affirmait-il qu'il en était responsable ? pourquoi, au contraire, le Pr Brown, qui avait soigné le jeune Franck en utilisant l'hypnose, pensait-il le contraire ? ... etc ... etc ...

J'aimerais pouvoir vous dire que la fin des "Profanateurs" m'a au moins éclairée sur tout cela. Mais en fait, pas vraiment. Ce que je me suis dit, en refermant ce livre, ce fut : "Beaucoup de bruit pour rien ..." ;o)

samedi, septembre 1 2007

Le Livre des Aveux - John Banville.

The Book of Evidence Traduction : Michèle Albaret

Voici un livre singulier, présenté sous la forme d'un monologue de plus de trois cents pages, celui d'un aristocrate assassin, Frederick St Jonh Vandeveld Montgomery, parfois appelé "Freddie" par ses proches ou ses amis.

Le style en est tout à fait remarquable : net, travaillé, ciselé même, littéraire (songez donc que, dans la majeure partie des cas, la traductrice s'est vue obligée de respecter l'emploi de l'imparfait du subjonctif ! :wink:), très, très dense. L'action y est accessoire : y prime l'analyse des sentiments du héros ainsi que sa façon, très personnelle, de voir le monde.

Bref, en bonne logique, un livre qui risque fort, dès ses dix premières pages, de faire tomber de sommeil le lecteur lambda.

D'où vient alors le miracle qui contraint à lire toujours plus loin, à accompagner jusqu'au mot "Fin" un héros qui tient plus de l'anti-héros, et à refermer "Le Livre des Aveux" avec la conviction d'avoir lu un roman rare et excellent ?

Je l'ignore mais, pour moi, tel fut bien le cas.

Pour tenter de résumer ce livre étrange, premier volet de la trilogie consacrée par son auteur à l'Art, plaçons au milieu le meurtre d'un personnage tout à fait secondaire - on serait même tenté d'écrire une silhouette si la malheureuse ne passait de vie à trépas dans des conditions aussi sordides. Meurtre stupide, meurtre sans mobile réel, meurtre qui fait basculer le personnage central dans ce qu'il nommera les "dix jours les plus passionnants" de sa vie.

Ajoutons à cela un ego invraisemblable, mélange de faiblesse, de lâcheté, de tendresse aussi et d'irresponsabilité absolue, que le monologue rend omniprésent, d'un homme dont on peut douter qu'il ait toute sa raison mais dont on est sûr et certain qu'il n'est jamais parvenu à épurer les relations qu'il entretenait avec ses parents, et notammnent sa mère.

Situons tout cela - sauf le tout début - dans une Irlande toujours aussi brumeuse et mélancolique, où gin et whisky scandent les rencontres et les retrouvailles.

... Et nous n'aurons que les bases très schématiques du "Livre des Aveux."Mais enfin, nous aurons une petite idée du sujet.

Une lecture que je recommanderai aux lecteurs chevronnés et que les méandres psychologiques et les questions existentielles ne rebutent pas. Les adeptes de l'action à tous prix devraient par contre s'abstenir. Encore que la bizarre fascination de l'ensemble soit capable, à mon sens, de tous les miracles.

mardi, juillet 10 2007

Les Ames Perdues - Michael Collins.

Lost Souls Traduction : Jean Guiloineau

De ce roman, on peut dire qu'il se déroule dans une petite ville américaine, avec des personnages typiques des petites villes américaines et des situations typiques des petites villes américaines et pourtant ...

... pourtant, il règne là-dessus cette amosphère lourde de mélancolie qu'on retrouve dans bon nombre d'ouvrages écrits par des Irlandais ou traitant de l'Irlande.

Au début cependant, entrer dans l'univers des "Ames Perdues" ne fut pas évident parce que, peut-être en raison de la traduction, j'estimais tout cela bien lent et dépourvu de tout mordant. (Le passé composé dans un texte, franchement, ça me met mal à l'aise. Pas vous ?) Il faut dire également que le personnage principal de ce livre est un policier qui ne s'est pas remis de son divorce et qui fait de son mieux pour paraître apathique et presque amorphe. Qui pis est, il est aussi le narrateur et le moins que l'on puisse dire, c'est que son monde intérieur est loin d'être gai.

Au départ aussi, les faits sont simples. La nuit de Halloween, le flic découvre le cadavre d'une petite fille de trois ans caché sous des feuilles. Il semble qu'une voiture l'ait écrasée. Le shérif du coin - curieusement désigné ici sous le nom de "commissaire" - et le maire convoquent le malheureux pour le convaincre de les aider à étouffer l'affaire car il semble acquis que le meurtrier involontaire ne soit autre que Kyle Johnson, l'étoile montante du football au collège local.

Bien sûr, très vite, tout ça se complique et la chute devrait vous surprendre.

Mais ce roman vaut surtout par le portrait de cet homme solitaire et blessé qu'est le héros. Bien qu'il possède une situation stable, il est complètement à la dérive et jette par contrecoup sur tout ce qui l'entoure un regard à la fois perçant et désespéré.

En ce qui me concerne, je l'ai trouvé un peu trop mou, je l'avoue. Mais enfin, cela ne me dissuadera pas de prendre d'autres romans de Michael Collins. ;o)

Ce qui retient aussi le lecteur, c'est la manière dont Collins dépeint la petite Hicksville. Il le fait en Européen qui connaît bien le milieu, non en Américain pure souche. C'est cela sans aucun doute qui confère au roman sa touche particulière de tristesse et de désillusion mais sans aucune amertume. Collins se contente d'appeler un chat un chat mais c'est tout : il constate, il ne part pas en campagne contre le mensonge américain.

Ce qui, tous comptes faits, dérange peut-être plus ...

dimanche, juillet 8 2007

Sarn - Mary Webb.

Precious Bane Traduction : Jacques de Lacretelle et M. T. Guéritte.

Situé bien évidemment dans le Shropshire, "Sarn" est le roman dont l'héroïne, Prudence, dite Prue, Sarn, affligée d'un bec-de-lièvre, tenait probablement le plus au coeur de Mary Webb. L'histoire, certes, se termine bien mais le chemin qui mène à cette fin heureuse (et morale) est jonché de cadavres.

Nous ne sommes pourtant pas dans un roman policier. L'intrigue débute alors que Gedeon, le frère de Prue, entraîne sa soeur et leur amie, Jancis Beguildy, la fille du rebouteux et sorcier local, à "sécher" le prêche du dimanche. Le danger encouru est grand car, tous les quatrièmes dimanches du mois (le pasteur ne se déplace dans la paroisse que ces dimanches-là), le père Sarn a l'habitude de les interroger sur ce qu'ils ont entendu à l'église. A la moindre erreur, il cogne. Et dur !

L'inévitable se produit. Tentant de recoller entre eux les bribes du sermon que lui a rapporté Tivvy, la fille du sacristain, qu'il avait chargée d'écouter à leur place, Gedeon s'embrouille tant et si bien que le père court chercher la houssine. Mais sa colère est si grande qu'avant même d'avoir porté le premier coup, il tombe raide mort, d'une apoplexie.

A l'enterrement, ainsi qu'il est d'usage dans cette contrée rurale, le prêtre demande s'il y a un "mangeur de péchés" pour le mort. A l'époque - nous sommes en pleine guerre franco-anglaise, avant la Restauration de Louis XVIII en France - un pauvre ou un mendiant acceptait d'absorber le pain et le vin déposés au pied du cercueil et, ce faisant, de se charger ainsi des péchés du défunt afin que celui-ci pût se présenter le coeur en paix devant Dieu. On lui donnait en sus un peu d'argent pour sa peine.

Mais Gedeon, déjà hanté par le désir d'amasser un maximum d'argent pour se sortir de la condition où l'a placé sa naissance, n'a pas requis l'assistance du "mangeur de péchés." Comme il ne croit ni en Dieu ni en Diable - même s'il ne le dit pas - il s'est décidé à remplir lui-même ce rôle pour son père. Il en profite pour arracher à sa pauvre mère la promesse publique de lui céder l'intégralité du domaine familial s'il accomplit l'indispensable rituel. L'assistance est choquée car tout le monde voit, dans cet entêtement, un signe de grands malheurs.

Ce qui n'empêche en rien Gedeon de "manger" les péchés de son père. Sarn est à lui ...

Je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui n'ont pas encore lu ce roman où abondent les descriptions aussi poétiques et minutieuses de la campagne anglaise. A lire certains passages, on reconnaît sans peine dans l'écriture de Mary Webb l'âme d'une écologiste avant la lettre mais une écologiste consciente à la fois des beautés et des perversités que recèle la nature.

Même si son héroïne est profondément imprégnée des versets et chapitres de la Bible (surtout les plus poétiques, les plus littéraires), Mary Webb fait cependant de Prue une femme qui cherche à se libérer dans l'apprentissage de la lecture, puis de l'écriture. En certaines occasions, Prue révèle également des qualités traditionnellement masculines - comme la détermination dont elle fait preuve pour sauver l'homme qu'elle aime de la morsure d'un chien féroce. Autant Gedeon, dont le caractère, lui aussi, est puissamment affirmé, nous paraît en fait bien faible tout au fond de lui, autant sa soeur est le vrai, l'authentique "pilier" de la famille.

Mais la malformation congénitale dont elle a souffert, et qui incite les paysans trop frustes à voir en elle une fille du Diable allant danser au sabbat sur les collines, la rend en même temps timide et elle accepte trop facilement de se sacrifier, de s'effacer. L'empreinte de la religion et de la superstition est telle que, si intelligente qu'elle soit, Prue se pose souvent la question elle-même : pourquoi le lièvre a-t-il croisé le chemin de sa mère alors que celle-ci l'attendait ?

Tel qu'il est, c'est-à-dire moins achevé que "Gone to earth" ("La Renarde"), "Precious Bane" (que l'on peut traduire littéralement par "Le Fléau Précieux") et que les traducteurs français ont choisi avec sagesse de transposer en "Sarn", le nom du domaine où se situe l'essentiel de l'action, est un roman envoûtant, plein de brumes et de murmures, de violences et de beautés, et qui, par bien des côtés, n'est pas sans rappeler la froide et pure beauté des tragédies grecques. ;o)

samedi, juillet 7 2007

La Maison du Splendide Isolement - Edna O'Brien.

House of Splendid Isolation Traduction : Jean-Baptiste de Seynes

Sur le blog d'Yvon consacré à la littérature celtique, j'avais cru comprendre qu'Edna O'Brien n'était guère partisane d'une construction littéraire "classique" et que "La Maison du Splendide Isolement" faisait exception à cette tendance. C'est donc par là que j'avais décidé de découvrir son oeuvre - laquelle est impressionnante.

Les premières pages pouvaient cependant faire appréhender une intrigue décousue. Les phrases y sont courtes, sèches, ou alors très vagues. Mais on ne comprendra pourquoi qu'à la fin du roman. Un enfant - quel enfant ? - évoque une maison où il semble vivre (ou, à tout le moins, bien connaître) ainsi que la Vallée du Cochon Noir, ce Gurtaderra décrit dans les livres.

Puis on tombe en plein dans la cavale d'un membre de l'IRA, McGreevy, et dans les soucis que cela cause au responsable policier qui le traque. Et puis enfin, on en arrive à la Maison du Splendide Isolement.

C'est dans cette maison isolée que vit Josie, une vieille femme sans enfants qui ressasse les souvenirs de sa jeunesse. Son emploi de serveuse, jadis, à Brooklyn, avant qu'elle ne revînt en Irlande pour s'y dénicher un mari valable. Le mauvais choix, bien sûr. Non que James fût un mauvais homme mais ... Un minimum ici est dit sur la sexualité du couple mais on comprend très vite que, pas plus que James n'était fait pour Josie, celle-ci n'était faite pour James. Et puis la frustration qui s'installe de part et d'autre, les nuits passées au pub du village pour lui et les rêveries amoureuses de la jeune femme sur le médecin, puis sur le prêtre ... Et la brutalité, l'alcoolisme, les pleurs, les regrets, le veuvage enfin et la solitude ...

Tout cela, Josie le découvre peu à peu au lecteur, alors que l'irruption de McGreevy, bien décidé à se cacher chez elle, lui fait, une dernière fois avant qu'elle n'entende ces bruits de chaînes dans l'escalier qui, selon la tradition familiale, annonce leur mort aux habitants de la maison, considérer ce que fut sa vie, avec ses joies (bien modestes) et ses peines (bien plus nombreuses.)

Une relation étrange, mi-amour, mi-affection mère-fils, se noue pendant ces quelques jours entre le "psychopathe" en cavale et la vieille dame et un peu du passé récent de l'Irlande nous est ainsi restitué : le poids des convenances, le poids de la religion (catho ou protestante, peu importe), le poids de la révolte, le poids de la violence aussi.

Un livre remarquable mais dans lequel on entre par la petite porte, persuadé qu'il n'y existe pas, en fait, de grande porte. C'est pourtant par celle-ci qu'on en ressort - conquis. ;o)

mercredi, juillet 4 2007

Le Faucheur du Menez-Hom - Françoise Le Mer.

Françoise Le Mer est un auteur régional, publiée aux éditions Alain Bargain. /bLes romans policiers que j'ai lus d'elle se déroulent tous en Bretagne - surtout dans le Finistère. Celui-ci est son troisième.

Il lui arrive d'user d'un peu trop de clichés dans son style - et ceci bien qu'elle soit enseignante. Ou alors, elle relâche un peu trop sa phrase pour faire local et simple, à mon avis.

Il n'en reste pas moins vrai que ce "Faucheur du Menez-Hom" m'a paru supérieur à ses deux premiers ouvrages. Peut-être parce qu'elle y fait intervenir l'antique figure de l'Ankou, peut-être parce qu'elle s'est attachée avec beaucoup de délicatesse à décrire une intrigue basée sur la pédophilie (ni angélisme, ni condamnation sauf celle des premiers bourreaux), peut-être parce que son personnage fétiche, l'inspecteur Quentin Le Gwen travaille ici en solo, sans son équipier attitré, Michel Le Fur - personnage avec lequel, très souvent, Françoise Le Mer en fait trop.

Le Gwen arrive au manoir de Kermantec pour y assister aux obsèques de l'un de ses oncles, Grégoire. Or, peu après l'enterrement, le cadavre du petit Rémi Moreau, qui avait disparu depuis quelques jours et que l'on avait aperçu vendant des billets de tombola scolaire aux alentours du manoir, est retrouvé. Ni viol, ni violences apparentes sauf celle d'une chute que l'enfant aurait fait. Seul problème : son vélo est retrouvé sur lui et non à côté ou encore sous son corps. Une lettre anonyme accusant le frère aîné de Grégoire de Kermantec d'être responsable de la mort de l'enfant est déposée dans la boîte aux lettres du manoir.

Placez un policier professionnel en pareille situation et, bien évidemment, il va tenter de résoudre l'énigme, à plus forte raison s'il est lui-même apparenté à la personne soupçonnée. D'autant que surviennent d'autres incidents bizarres et une mort étrange : la légendaire charrette de l'Ankou semble se faire entendre ici et là dans la lande ; l'un des enfants faisant partie de la colonie accueillie pour les vacances de Toussaint chez les Kermantec voit même le Charretier de la Mort ; et enfin, Yves Tygréat, dit "Tad Kozh", le vieux serviteur des Kermantec, décède d'une crise cardiaque alors qu'il rentrait chez lui la nuit venue.

Bref, un bon petit roman policier, sans prétention mais qui sait tenir son lecteur en haleine. ;o)

samedi, juin 30 2007

Le Crabe - Michèle Corfdir.

"Le Crabe" est, je crois, le premier roman policier qu'ait écrit l'auteur d'origine suisse Michèle Corfdir, depuis longtemps installée en Bretagne. Il est donc publié chez un éditeur régional, Alain Bargain.

Eh ! bien, j'ai vraiment beaucoup aimé : style simple, intrigue enlevée, doutes sur l'identité du meurtrier maintenus presque jusqu'à la dernière minute et ... chute excellente.

L'action se situe dans un petit port breton où la plaisance est reine : Saint-Brédan. Y est bientôt découvert, abandonné sur la plage, le cadavre de Rozenn Keruhel, une artiste locale adepte de régates qui venait de terminer une commande pour le Salon Nautique du coin. Lorsque son amie, Julie Cotten, qui tient une librairie spécialisée au village, arrive à la Morgue pour identifier le corps - Rozenn n'avait plus de famille - elle constate que la jeune femme porte un maillot de bain tout à fait démodé, en lamé doré, qui ne lui appartenait pas.

A partir de là, un flot insidieux de missives anonymes se répand par la ville, toutes confectionnées sur le même modèle :

"En mémoire de (nom d'une jeune fille ou jeune femme disparue en mer et dont le corps n'a jamais été retrouvé), disparue le (date bien précise)."

A chaque lettre se trouve ajoutés, en guise de preuve ou de trophée, une pièce d'habillement, un bijou, voire une boucle de cheveux qu'on identifie sans peine comme ayant appartenu à la victime évoquée.

Tout semble tourner autour de la disparition, vingt ans plus tôt, de Marie-Léone Winter, la fille de notables du coin qui, au jour de sa mort, portait un maillot exactement semblable à celui retrouvé sur le cadavre de Rozenn Kerhuel.

Le commissaire Garec se rend bien vite compte qu'il doit affronter un tueur en série qui s'est mis en tête de claironner des meurtres que, jusqu'ici, il était parvenu à maquiller soit en fugue, soit en suicide, soit en disparition simple.

En parallèle, l'auteur nous décrit peu à peu l'assassin comme un individu mentalement dérangé et dont l'agressivité doit beaucoup à celle du crabe.

Un roman qui se laisse lire, idéal en vacances - mais peut-être pas sur la plage, là où rodent les crabes ...

Sur l'auteur et ses autres ouvrages, cf. ici.

PS : le Crabe réapparaît dans "Larmes de Fond."

La Flèche du Temps - Martin Amis.

Times Arrow or The Nature of the Offense Traduction : Géraldine d'Amico

J'ignore si vous connaissez ou pas cet auteur que j'ai découvert quant à moi avec "Poupées crevées", un roman d'un humour féroce.

Je viens de tomber sur un livre du même auteur, "La Flèche du Temps" que j'ai dû acheter l'an dernier et qui était demeuré dans mes piles de livres "à lire." Il faut dire que, même en 10/18, il est très mince ... et que je commence toujours par les gros livres. ;o)

C'est une histoire curieuse qui conte la vie d'un Allemand (évidemment nazi) qui devra fuir les Alliés, se réfugiera aux USA où il terminera sa vie. Vous me direz que c'est très banal et que le sujet a été traité et ... épuisé.

Mais Amis le traite à l'envers, en commençant par la mort du personnage qui, à la fin du roman (donc, quand il s'apprête à rentrer dans le ventre de sa mère), se rend compte (avec horreur) que la "flèche du temps" vient de repartir, mais cette fois-ci dans le bon sens.

Quand j'écris que le personnage se rend compte de tout, ce n'est pas tout à fait exact. Le récit est ou bien celui d'un schizophrène, ou bien celui d'une âme qui se retrouverait coincée avec une autre dans un seul et même corps.

Une curiosité, vraiment. J'avoue ne pas l'avoir lâché du début jusqu'à la fin.