Le rang est héréditaire mais la dignité ne donne pas forcément le courage aux armées. Monsieur, frère du Roi, bien qu'efféminé et fou de joyaux et de parfums, fut toujours d'un courage exemplaire en face de l'ennemi. Idem pour son fils, le duc de Chartres, futur Régent et libertin exemplaire. Monseigneur lui-même, le Grand Dauphin, n'était pas non plus une lavette au combat. Et, si le comte de Vermandois, fils du Roi et de Melle de La Vallière n'eut pas le temps de s'illustrer à la guerre, son demi-frère, le comte de Toulouse s'y comporta toujours avec vaillance.

Hélas pour son orgueil paternel, Louis XIV devait constater très vite que son fils préféré, le duc du Maine, était par contre très loin d'atteindre à pareille valeur. Lors de la campagne contre les Pays-Bas, en 1695,

"... ... Le maréchal de Villeroy manda, dès qu'il fit jour, à M. du Maine d'attaquer et d'engager l'action, comptant de le soutenir avec toute son armée, et qui, pour arriver à temps, avait besoin que les ennemis fussent retardés, puis empêchés de marcher, par l'engagement dans laquelle notre gauche ( 1 ) les aurait mis. Impatient de ne point entendre l'effet de cet ordre, il dépêche de nouveau à M. du Maine, et redouble cinq ou six fois. M. du Maine voulut d'abord reconnaître, puis se confesser, après mettre son aile en ordre, qui y était depuis longtemps et qui pétillait d'entrer en action.

Pendant tous ces délais, Vaudémont ( 2 ) marchait le plus diligemment que la précaution le lui pouvait permettre. Les officiers généraux de notre gauche se récriaient. Montrevel, lieutenant général le plus ancien d'eux, ne pouvant plus souffrir ce qu'il voyait, pressa M. du Maine, lui remontra l'instance des ordres réitérés qu'il recevait du maréchal de Villeroy, la victoire facile et sûre, l'importance pour sa gloire, pour le succès de Namur, pour le grand fruit qui s'en devait attendre de l'effroi et de la nudité des Pays-Bas après la déroute de la seule armée qui les pouvait défendre ; il se jeta à ses pieds, il ne put retenir ses larmes : rien ne fut refusé ni réfuté mais tout fut inutile. M. du Maine balbutiait et fit si bien que l'occasion échappa, et que M. de Vaudémont en fut quitte pour le plus grand péril qu'une armée pût courir d'être entièrement défaite, si son ennemi, qui la voyait et la comptait homme par homme, eût fait le moindre mouvement pour l'attaquer.

Toute notre armée était au désespoir, et personne ne se contraignait de dire ce que l'ardeur, la colère et l'évidence suggéraient. Jusqu'aux soldats et aux cavaliers montraient leur rage sans se méprendre ; en un mot, officiers et soldats, tous furent plus outrés que surpris.... ..."

( 1 ) : commandée par M. du Maine.

( 2 ) : général adverse.

Tout cela est fort bien dit mais la chose est claire : la lâcheté et l'indécision du duc du Maine ont fait perdre la Hollande à Louis XIV. Si Namur était tombé, les Pays-Bas tombaient aussi. CQFD.

Saint-Simon suggère au passage que ces défauts de M. du Maine n'ont surpris personne dans l'armée. Des officiers jusqu'aux plus humbles soldats, personne ne se faisait d'illusions sur l'aîné des batards du Roi.