Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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Tag - épouvante

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mardi, février 21 2012

Les Puits de l'Enfer - Graham Masterton

The Wells of Hell Traduction : François Truchaud

Extraits Personnages

L'un des thèmes préférés du grand Lovecraft, qu'il a traité sous diverses formes et, de manière à notre avis magnifique et exemplaire dans "La Couleur Tombée du Ciel", était la contamination des humains par une entité venue des étoiles. Dans "Les Puits de l'Enfer", Masterton reprend l'idée mais l'adapte à sa propre nature d'écrivain - et aussi à notre siècle. Lovecraft, en effet, évoque rarement la science dans ses nouvelles. Une certaine forme de mathématiques, oui, dans "Par delà le Mur du Sommeil" ou "Les Rêves dans la Maison de la Sorcière", et la biologie et la chimie dans des nouvelles assez "classiques" comme "Herbert West, le Réanimateur", voire dans "L'Affaire Charles-Dexter Ward." Le Solitaire de Providence était avant tout un poète et un rêveur qui adorait les cauchemars : l'aspect réaliste des sciences ne le séduisait pas.

Masterton, lui, sans être un fanatique des expériences menées par des savants brillants mais complètement fous, vit plus avec son temps. Il n'y a qu'à songer, par exemple, à la base de "Sang Impur" pour le constater. Dans "Les Puits de l'Enfer", il imagine une contamination extra-terrestre par infiltration dans l'eau des puits d'une communauté. Au risque de décevoir les fans de John Carpenter qui, devant ces lignes, pourraient imaginer (avec délices) un village entier de zombis contaminés , je rassure tout de suite les âmes sensibles : seules trois personnes le seront effectivement. Une quatrième mourra avant de l'être complètement.

En outre, Masterton laisse planer un doute sur la nature de la créature responsable de la contamination : animal dont l'espèce aurait disparu il y a des millions et des millions d'années et dont un spécimen serait parvenu à survivre, endormi dans les roches ? animal d'origine terrestre, même s'il était largement antérieur aux dinosaures ? ou animal-entité extra-terrestre qui aurait engendré certaines légendes - dont le mythe de Chtulhu si cher à Lovecraft ? ... Bon, c'est vrai, vu ce que cet être est capable de provoquer, fût-ce à distance, on penche plutôt vers l'entité extra-terrestre malveillante. Mais que voulez-vous, c'est la loi du genre.

Comme souvent chez l'auteur, le récit est à la première personne. Le narrateur, Mason Perkins, plombier de son état, se promène toujours avec son chat roux, Shelley. (Non, il n'arrive rien au chat.) Les personnages sont, dans l'ensemble, depuis la laborantine dont est amoureux Perkins jusqu'aux fermiers contaminés, assez peu conventionnels et cela ajoute au charme de ce roman qu'on lit sans déplaisir mais aussi, peut-être, sans passion. Un bon moment de lecture mais pas un grand.

lundi, février 20 2012

Le Démon des Morts - Graham Masterton

The Pariah Traduction : François Truchaud

Extraits Personnages

On retrouve ici un Masterton en très, très grande forme. Comme toile de fond, un petit village américain de la Côte est, Granitehead, non loin de Salem. Comme personnages, le vent, la pluie, le brouillard et tout une flopée de gens qui ont perdu des êtres chers. Parmi eux, le narrateur, John Trenton, qui ne s'est pas encore tout-à-fait remis du décès de sa femme, morte, avec le bébé qu'elle attendait, dans un terrible accident de voiture. La preuve : de plus en plus souvent la nuit, dans la maison qu'il trouve désormais trop grande et bien solitaire, John croit entendre crisser les chaînes de la balançoire alors que, comme il le vérifie, il n'y a personne dans le jardin ...

Jusqu'au jour où, bien évidemment, il aperçoit sa femme, entourée d'une lueur bleue, se balançant mollement sous la pluie et le vent ...

Tel est le début d'une intrigue envoûtante à laquelle on pardonnera facilement ses quelques maladresses et redites./b Au centre, bun dieu aztèque, Mictantecutli, le "Démon des Morts", qui, selon un codex d'époque, dominait tous les autres dieux. Il était toujours représenté avec un hibou, un cadavre et un plateau contenant des coeurs humains. Quand il s'incarnait, il prenait la forme d'un squelette gigantesque dont les os étaient faits d'autant de petits squelettes grimaçants. Mictantecutli était craint et redouté de tous, y compris dans le Panthéon aztèque, ce qui, si l'on pense au caractère plutôt agressif des entités mixas en général, est plutôt de très mauvais augure ...

Mais comment le dieu, très redouté, d'une civilisation disparue au début du XVIème siècle, se retrouve-t-il à hanter les cadavres de paisibles Américains sans histoires, à la toute fin du XXème siècle ? C'est là que Masterton donne le meilleur de son talent - qui est grand, très grand, et touche parfois au génie. Son histoire tient la route et si les personnages paraissent peut-être un peu stéréotypés - la belle-mère trop mondaine qui déteste son gendre, l'érudit héritier d'une antique famille vivant en hermite dans sa propriété et s'y livrant à des expériences étranges, deux ou trois réincarnations de sorcières de Salem par exemple - le roman dégage l'une de ces atmosphères pesantes et magiques qui sont la marque des bons livres d'épouvante.

Est-ce pour autant une oeuvre majeure dans la carrière de Masterton ? Non Mais il lui manque très peu pour accéder à la catégorie de "Hel" ou du "Portrait du Mal." Mais assez de bavardages : courez lire "Le Démon des Morts" et revenez donc nous donner votre avis.

La Vengeance de Manitou - Graham Masterton

Revenge of the Manitou Traduction : François Truchaud

Extraits Personnages

Autant j'avais aimé le premier tome de la série "Manitou", qui apporta d'ailleurs le succès à son auteur, autant j'ai beaucoup moins apprécié ce second opus. On y sent trop l'écrivain pressé par son éditeur et qui, pour boucler à temps, mélange quelques bonnes idées à des clichés indignes de lui.

Le Manitou (de son vrai nom Misquamacus) qui avait déjà tenté de s'incarner pour se venger - et venger toute la nation indienne, qui ne lui demandait pourtant rien - de l'oppression des Blancs, revient ici dans une armoire achetée pour trois fois rien par Neil Fenner. L'armoire meuble la chambre du petit garçon de Neil, Toby, une dizaine d'années à peu près. Et, au bout de quelque temps, il commence à se passer des choses, dans cette armoire : une voix désincarnée supplie un certain "Allen" d'aller chercher du renfort ... Pour parachever le tout, bientôt, le jeune Neil semble possédé par l'esprit de Misquamacus, qui s'exprime par sa bouche.

Mais le pire, c'est que, dans la classe de Toby, placée sous la férule de Mme Novato (la malheureuse connaîtra une fin atroce), tous les enfants font des cauchemars similaires mettant en scène des Indiens et des Blancs dans une embuscade particulièrement sanglante. Neil, qui n'en peut plus de voir son fils dans cet état et que tout le monde, y compris sa propre épouse, prend pour un père qui a des hallucinations, décide de mener sa propre enquête.

De fil en aiguille, il apprend qu'il serait le descendant direct du fameux Allen que suppliait la voix spectrale, dans l'armoire. Masterton suggère - très légèrement - que Allen aurait eu une part de sang indien. Par contre, ce qui est sûr, c'est que cet homme a toujours joué double jeu, changeant de camp en fonction de son profit personnel. Le responsable de l'embuscade vue en rêve par les enfants, c'est lui : il avait trahi une trentaine de colons, leurs femmes et leurs enfants, pour les mener droit dans un traquenard où ils furent massacrés par les Indiens ...

L'ensemble est non pas incohérent mais très brouillon. Cà et là, des passages étranges et même choquants dans lesquels Masterton, Celte bon teint - cet Ecossais vit depuis de longues années en Irlande - par la voix de Neil et du vieil ennemi de Misquamacus, Harry Erskine, trompette à tous vents la supériorité des Blancs sur les Indiens : si ceux-ci ont été vaincus par l'envahisseur blanc, c'est parce qu'ils étaient moins volontaires, moins braves (!!!), moins intelligents, etc ... Dans une petite phrase, toute perdue au milieu de ce pathos pseudo-américanouillard, il s'arrange tout de même pour préciser que l'avidité des Blancs dépassait, et de très loin, celle des Indiens. Mais enfin, cela, je le répète, ne concerne qu'une seule phrase et risque de passer inaperçu pour le lecteur moyen, surtout désireux de parvenir à la fin de l'intrigue fantastique.__

Masterton reprend le thème lovecraftien des Anciens dieux, que Misquamacus souhaite appeler des étoiles afin qu'ils massacrent tout ce qui n'est pas indien. Mais il le fait plus gauchement qu'à l'habitude : ce n'est pas un hommage, tout juste une tentative d'adaptation. Je le répète, "Revenge of the Manitou" laisse une impression décevante : l'auteur n'est visiblement pas inspiré et l'on peut voir ici un ouvrage de commande - une oeuvre mineure qu'on gagnera à oublier.

lundi, février 13 2012

Compagnon de Nuit - Lisa Tuttle

The Pillow Friend Traduction : Alain Dorémieux

Extraits

Sous les voiles du fantastique et plus encore de l'insolite insidieux, "Compagnon de Nuit" traite de la relation mère-fille et tout particulièrement du cheminement qu'elles partagent lorsque la seconde grandit et s'éveille peu à peu à la sensualité et à la sexualité.

On peut aussi voir, en la figurine remise par sa "tante" à la jeune Agnes au tout début du roman et que lui subtilise sa "mère" à la fin de la première partie, le témoin d'une sorte de course magique ou d'un parcours initiatique réservé aux impétrantes dans les anciens rites exclusivement féminins que les religions monothéistes devaient par la suite recouvrir du sombre manteau de la sorcellerie.

A un moment donné, soit par peur de ce tout ce que symbolise ce témoin à double tranchant (toute connaissance suppose sa part d'ombre et de souffrance), soit par jalousie et refus de voir la fillette, puis l'adolescente accéder à un savoir similaire à celui qu'elle détient (et qui passe par la sexualité), la tante-mère pose des obstacles et suscite des retards sur la voie empruntée par la fille. Mais elle ne saurait s'opposer éternellement à l'acquisition de la Connaissance, tout d'abord parce qu'elle même vieillit et que, au-delà de ses propres intérêts, domine en elle la nécessité de passer le relais pour assurer la pérennité de cette Connaissance - et la survie de l'Univers.

Lisa Tuttle dissimule cette histoire de femmes, où les hommes, fût-ce le premier d'entre eux, l'Initiateur, n'ont droit qu'à des rôles secondaires, dans une intrigue très moderne, avec la petite ville américaine traditionnelle, les parents qui s'entre-déchirent, la mère ayant sacrifié son avenir de comédienne à la naissance de ses enfants, et une tante mystérieuse qui évoque de son côté les femmes libérées des années soixante-dix.

L'ensemble est trouble, nimbé de brumes qui s'élèvent ici et là pour mieux dissimuler quelque chose que le lecteur impatient tente en vain d'apercevoir avec clarté - et dont il ne prendra vraiment conscience qu'après avoir refermé le livre et pris un peu de recul par rapport à ce qu'il paraît raconter. C'est un art subtil, parfaitement maîtrisé, qui tient plus de la vieille magie - celle-là même qui protégeait le nourrisson Harry Potter de l'énergie meurtrière de Voldemort - que de l'histoire d'horreur ou du fantastique classique. C'est aussi et c'est surtout une histoire de femmes et peut-être parlera-t-elle beaucoup moins, voire pas du tout, à des lecteurs masculins. Mais qu'ils prennent tout de même le risque d'autant que Lisa Tuttle a tout prévu : si ça les arrange, ils peuvent aussi s'imaginer que Agnes souffre simplement du même mal que sa mère ...

... Cependant, ils n'en seront jamais sûrs ... ;o)

dimanche, février 12 2012

Sur le Seuil - Patrick Sénécal

Les USA ont Stephen King et Peter Straub, la Grande-Bretagne, Graham Masterson.

Au Québec, ils ont Patrick Sénécal. Assez difficile à se procurer en librairie sauf si vous le commandez.

Je vous recommande tout particulièrement "Sur le seuil" bien que le style de ce dernier m'ait un peu surprise au début, et même déstabilisée. En effet, l'auteur y utilise beaucoup le passé composé, dont nous n'avons pas tellement l'habitude à l'écrit.

L'intrigue est simple et, sauf peut-être à l'extrême-fin, ne sombre jamais dans le "gore." Un écrivain québéquois spécialisé dans le roman d'horreur, Thomas Roy, est retrouvé chez lui dans un état catatonique. Après s'être coupé les dix doigts avec un massicot, il a songé à se défenestrer mais a raté son coup.

Le revoilà transporté en urgence dans une clinique psychiatrique où il devient le patient des Dr Lacasse (le narrateur, âgé de la cinquantaine et mal dans son métier et dans son couple) et Marcoux (la trentaine,enceinte, épanouie et grande lectrice des oeuvres de Roy).

Bien entendu, la police enquête mais finit par conclure à la crise de démence ayant poussé au suicide. Un cahier dans lequel Roy collait des articles de journaux retraçant des drames horribles dont il devait s'inspirer se retrouve à la clinique afin que les psychiatres puissent y puiser et voir ce qui pourrait les aider à soigner leur patient.

Très vite, Lacasse & Marcoux en arrivent à l'étrange conclusion que, bien loin de s'inspirer de ces tristes faits divers, Roy au contraire en écrivait la trame avant qu'ils se concrétisent ...

Si vous n'avez jamais lu Sénécal, commencez par "Sur le seuil" : vous ne serez pas déçus. J'ajouterai qu'il a aussi écrit un curieux polar : "Les 7 Jours du Talion" où un tueur et agresseur d'enfant se voit appliquer la loi du Talion par le père de l'une de ses victimes. Très éprouvant mais fort bien mené et loin de tout sensationnalisme. ;o)