Au contraire, la contre-attaque de Godet-Desmarais sera d'un machiavélisme réfléchi :

"... ... Dès qu'il eut le vent de cette doctrine étrangère, (M. de Chartres) fit en sorte d'y faire admettre deux dames de Saint-Cyr sur l'esprit et le discernement desquelles il pouvait compter, et qui pourraient faire impression sur Mme de Maintenon. Il les choisit surtout parfaitement à lui, et les instruisit bien. Ces nouvelles prosélytes parurent d'abord ravies et peu à peu enchantées. Elles s'attachèrent plus que pas une à leur nouvelle directrice, qui, sentant leur esprit et leur réputation dans la maison, s'applaudit d'une conquête qui lui aplanirait celle qu'elle se proposait. Elle s'attacha donc aussi à gagner entièrement ces filles : elle en fit ses plus chères disciples ; elle s'ouvrit à elles , comme aux plus capables de profiter de sa doctrine et de la faire goûter dans la maison. Elle et M. de Cambray, qu'elle instruisait de tous ses progrès, triomphaient, et le petit troupeau exultait.

M. de Chartres, par le consentement duquel Mme Guyon était entrée à Saint-Cyr et y était devenue maîtresse extérieure*, la laissa faire. Il la suivait de l'oeil : ses fidèles lui rendaient un compte exact de tout ce qu'elles apprenaient en dogme et en pratique ; il se mit bien au fait de tout, il l'examina avec exactitude, et, quand il crut qu'il était temps, éclata. ... ..."

  • : Mme de Maintenon avait bien entendu consulté son confesseur sur l'opportunité de laisser Mme Guyon venir à Saint-Cyr. Et le prélat qui, à l'époque, ne se doutait pas des relations de cette femme avec les théories professées par Molina, avait donné carte blanche à sa pénitente. Quand il s'aperçut que Mme Guyon pouvait être accusée d'hérésie (un crime à l'époque), il comprit tout aussitôt que, s'il voulait lui-même échapper au courroux de Louis XIV, lequel ne manquerait pas de lui demander où il avait eu la tête pour laisser son épouse morganatique s'enticher à ce point d'une prêcheuse hérétique, il lui fallait faire en sorte d'apparaître au Roi comme celui qui avait découvert et dénoncé l'hérésie en question.