Restait maintenant à apprendre la chose à Louis XIV. La chose était délicate mais le maréchal de Villeroy n'était ni sot, ni suicidaire. Voici comment il s'y prit :

"... ... Le maréchal de Villeroy, plus outré que personne, était trop bon courtisan pour s'excuser sur autrui. Content du témoignage de toute son armée, et de ce que toute son armée n'avait que trop vu et senti, et des clameurs dont elle ne s'était pas tenue, il dépêcha un de ses gentilshommes au Roi, à qui il manda que la diligence dont Vaudémont ( 1 ) avait usé dans sa retraite l'avait sauvé de ses espérances ( 2 ), qu'il avait crues certaines, et, sans entrer dans aucun détail, se livra à tout ce qu'il pourrait lui en arriver.

Le Roi qui, depuis vingt-quatre heures, les comptait toutes dans l'attente de la nouvelle si décisive d'une victoire, fut bien surpris quand il ne vit que ce gentilhomme, au lieu d'un homme distingué, et bien touché quand il apprit la tranquillité de cette journée. La cour en suspens, qui pour son fils, qui pour son mari, qui pour son frère, demeura dans l'étonnement, et les amis du maréchal de Villeroy dans le dernier embarras. Un compte si général et si court rendu d'un événement si considérable et si imminent réduit à rien, tint le Roi en inquiétude ; il se contint en attendant un éclaircissement du temps. ... ..."

( 1 ) : le général adverse.

( 2 ) : i.e. : l'espoir qu'avait Villeroy de faire tomber Namur et d'emporter par là les Pays-Bas.

François de Neufville, duc de Villeroy et maréchal de France en 1693