Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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Epouvante, Terreur & Insolite.

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lundi, novembre 24 2008

Les Contes Noirs du Golf - Le Carrousel des Maléfices - Le Grand Nocturne - Jean Ray

Lire Jean Ray, c'est se plonger dans un univers très particulier, aux règles glauques et souvent distordues, où les aberrations spatiales et/ou temporelles (dont "La Ruelle Ténébreuse", qui figure en bonne place dans "Le Grand Nocturne", demeure l'exemple le plus énigmatique et le plus techniquement parfait) sont choses banales et où les thèmes chers à la littérature d'épouvante ont trouvé, avant le prodige Stephen King et sur un mode strictement européen, une forme de renaissance.

Ces trois volumes sont tous trois des recueils de nouvelles d'un auteur qui, à vrai dire, écrivit fort peu de romans - "Malpertuis" et "La Cité de l'Indicible Peur" sont tout de même très connus.

Le premier est axé sur le golf, l'humour noir et le whisky. Car c'est une autre constante chez l'auteur belge : ses héros, bons et mauvais, ont souvent un faible accentué pour le liquide ambré et celui-ci - ou alors, quand il n'est pas en cause, le rhum ou le gin, solides boissons de marins et d'hommes à la dérive - fournit par ailleurs un excellent prétexte à mettre en doute, en une chute narquoise, la réalité des choses étranges vues ou entendues tout au long du récit. Pour le reste, ces nouvelles golfiques contiennent tout ce qu'il faut pour créer le frisson : meurtres, spectres, parfois les deux, etc ... Des trois ouvrages, c'est sans doute le plus faible mais à cheval donné ...

Le second est un peu un fourre-tout où figurent pêle-mêle des titres véritablement angoissants comme les "Têtes-de-Lune" ou "La tête de M. Ramberger" et des textes beaucoup moins réussis ou, à tout le moins, beaucoup moins imaginatifs comme "Puzzle."

Mais c'est dans le dernier, "Le Grand Nocturne", que Ray donne le meilleur de son noir génie. La nouvelle qui donne son titre au recueil, pleine d'une poésie lovecraftienne, "La Ruelle Ténébreuse" - on est tenté d'ajouter "bien sûr" - "La Scolopendre" et enfin "Le Psautier de Mayence", autant de récits qui, pour un initié, évoquent la peur, à la fois délicieuse et horrifianteEvid.

Evidemment, Jean Ray applique à la plupart de ses histoires un style qui m'a toujours semblé l'hybride des feuilletons du XIXème et du journalisme à sensation du XXème. emment, ses phrases sont courtes, ses descriptions renvoient des échos à la Gaston Leroux et il n'y a pratiquement pas d'analyses intérieures. Mais le romancier flamand a cette truculence, cette imagination débordante que l'on croise aussi sur les gravures des danses macabres moyenâgeuses et l'ensemble crée quelque chose d'unique dans la littérature fantastique européenne. On n'imite pas Jean Ray pas plus qu'on imite Lovecraft - et c'est tout dire. ;o)

vendredi, novembre 14 2008

Le Triomphe de La Nuit - Edith Wharton

The Ghost Stories of Edith Wharton Traduction : Florence Lévy-Paolini

Comme "Grain de Grenade" (pas encore lu pour l'instant), "Le Triomphe de la Nuit" regroupe les nouvelles fantastiques ou, à tout le moins, insolites de la romancière américaine. Wharton a en effet produit quelques histoires de fantômes d'assez haut niveau comme "La Sonnette", laquelle ouvre d'ailleurs ce volume sous le titre : "La cloche de la Femme de Chambre."

Wharton pratique la suggestion et le non-dit un peu à la manière d'Henry James. Aussi ne faut-il pas s'étonner si deux au moins des nouvelles ici rassemblées, "Les Yeux" et "Le Triomphe de la Nuit", ne nous présentent pas des fantômes, dans l'acception habituelle du terme.

Dans la première, un charmant vieux monsieur raconte à des amis comment, en des circonstances bien précises et que je vous laisse découvrir, il s'est réveillé la nuit pour contempler deux yeux rouges et gonflés, pleins d'une méchanceté indicible, qui luisaient dans l'ombre de sa chambre. Dans "Le Triomphe de la Nuit", c'est un meurtre que Wharton met en scène avec cette différence que l'un des témoins, probablement doué de capacités extra-sensorielles, parvient à "voir" à l'oeuvre le double, l'ombre, l'esprit du meurtrier - évidemment bien vivant - alors que, pour la galerie, son visage et son attitude affichent une sollicitude qu'il est bien loin d'éprouver.

En revanche, il y a bien fantômes dans "La Sonnette" - celui d'une femme de chambre dévouée - "Plus tard" - le spectre revient se venger - et "Kerfol", dont l'action se situe en Bretagne et qui évoque lui aussi une vengeance occulte.

L'habileté de Wharton, c'est de maintenir son lecteur sur le fil. Jusqu'au bout, il espère qu'il a mal lu, mal vu, mal compris et qu'il existe une explication logique même s'il ne s'agit en l'espèce que d'une manie hallucinatoire. En ce sens, il n'y a ici ni sang (ou très peu), ni épouvante, ni horreur véritables. L'atmosphère par contre est souvent lourde, angoissante, presque poisseuse - mais on ne parvient pas à mettre un nom exact sur ce qu'elle exsude. Tout cela rappelle ces dessins où un monstre se dissimule mais où il faut chercher et fouiller avant de le repérer ; le perd-on de vue un seul instant que tout est à recommencer.

L'ensemble est subtil - un peu trop parfois - raffiné et fortement intellectuel. Peut-être un peu trop, diront certains. Mention spéciale aux "Yeux" dont la chute a quelque chose d'hallucinant : on doute vraiment de ce que l'on comprend. ;o)

mardi, juillet 15 2008

L'Intercepteur de Cauchemars - Graham Joyce

The Tooth Fairy Traduction : Michel Pagel

Curieux et déconcertant roman que celui-ci. Il ne fait jamais peur - j'ai passé trois-cent-dix-huit pages à espérer un monstre qui n'est jamais venu - et tient à vrai dire beaucoup plus du roman initiatique que du roman de terreur.

A la base, la Fée des Dents*, cette petite créature qui remplace, chez nos amis anglo-saxons, notre Petite Souris amatrice de dents de lait. Il s'avère que le jeune Sam Southall, probablement medium sur les bords, parvient à la voir quand elle se présente dans sa chambre pour accomplir son travail. __Seulement, à la place de la Fée, c'est une espèce de petit monstre aux dents limés en pointe qu'il découvre.

Surnommé "Quenotte" faute de mieux, le bizarre personnage ne cessera de se manifester auprès de Sam, à une fréquence telle que ses parents jugeront utile de l'envoyer chez un psychiatre.__ (Je vous rassure : le psy en question boit comme une outre et s'imaginera toujours qu'il s'agit là d'un avatar de plus du fameux "compagnon de jeux invisible" typique de l'enfance.)

Le seul détail qui éveillera un tant soit peu l'intérêt du psy, ce sera le changement de sexe de Quenotte le jour où Sam ressentira de son côté ses premiers émois charnels. Devenue une fille supposée de la non moins supposée Eve, Quenotte se cantonnera à ce sexe et accompagnera Sam jusqu'à l'âge adulte. Et puis, sur une dernière pirouette, elle (il ?) rejoindra les limbes.

Bien entendu, Sam mène aussi une vie non onirique, avec ses copains, leurs parents, etc ... Tout cela meuble, dirai-je. Mais de là à faire peur ... Certes, quelque chose d'épouvantable, avec cadavre en décomposition dissimulé dans un chêne, se produit lors du passage-éclair de Sam et de ses meilleurs amis dans une troupe de scouts mais ce qui avait pris de faux airs à la Stephen King s'évapore, là aussi, comme s'évapore nos derniers rêves au matin.

"L'Intercepteur de cauchemars" se lit cependant avec beaucoup de plaisir. Il faut simplement se faire une raison et se dire que l'auteur possède une conception très particulière de l'épouvante. Jusqu'ici, ce que j'ai lu de plus ressemblant, c'est Walter de La Mare. La première fois, La Mare ne m'avait pas convaincue. La seconde, ça allait déjà mieux - il est vrai que j'avais relu son admirable "Tante de Seaton" entretemps. Par conséquent, je donnerai une seconde chance à Graham Joyce - d'autant que l'on vient de me prêter un autre de ses livres.

Je vous tiens au courant. ;o)

  • : c'est Terry Pratchett qui, dans "Le Père Porcher", a créé la plus extraordinaire Fée des Dents qui soit. Ce volume des Annales du Disque-Monde, ne le ratez pas !

mardi, juillet 1 2008

Salem - Stephen King

'Salem's Lot Traduction : Christiane Thiollier et Joan Bernard

King s'attaque ici au vampirisme en l'associant au thème de la maison hantée. La sauce toutefois, en ce qui me concerne, a toujours autant de mal à prendre.

Ce roman souffre d'un déséquilibre flagrant dans la construction. La première partie, qui s'étend à peu près jusqu'à ce que Mike, le fossoyeur, cherche refuge chez le Pr Burke, est royale : elle pose avec efficacité l'action, les personnages ainsi que les histoires qui courent sur Marsten House. Malheureusement, à partir du moment où le Pr Burke appelle Ben Mears en catastrophe, à deux ou trois heures du matin, pour lui relater tout ce qu'il a vu et entendu dans la chambre où il avait abrité Mike pour la nuit, il y a, pour moi, comme une rupture : dans le ton mais aussi dans la trame des faits.

Plus grave encore : la facilité avec laquelle les personnes à qui se confient Burke et Mears acceptent l'idée que plusieurs morts-vivants rôdent le soir dans leur ville est confondante. Il est difficile d'y croire. Personnellement, il m'a été impossible de le faire. Et je me rends compte que j'ai lâché le mot "facilité" alors que King est à mes yeux synonyme de difficulté et de complexité. C'est là, j'en ai peur, que le bât blesse.

De surcroît, les vampires qui s'installent peu à peu à Salem's Lot apparaissent comme des caricatures sans réelle profondeur. Le "seigneur" qu'ils servent lui-même n'a pas plus de consistance : censé incarner le Mal, il ressemble à un pantin qui répèterait, en tentant de les mettre au goût du jour, les pires dialogues des films de série B sur le vampirisme.

Dans "Christine", dans "Shining", il n'y a pas un seul personnage, de premier ou de second plan, "bon" ou "mauvais", qui ne jouisse d'une dimension psychologique finement travaillée. Dans "Salem", seul Ben Mears - prototype de cet écrivain hanté qui suivra King dans tant de ses romans - est le seul à tirer son épingle du jeu avec, peut-être, le jeune Mark : l'homme et l'enfant, un binôme qu'on retrouvera très souvent chez le romancier car quand il écrit, King gère à la fois l'enfant qu'il fut et l'adulte qu'il est devenu, personnalité double perpétuellement "branchée" sur ses ténèbres intérieures. Et ce n'est pas un hasard si Ben et Mark sont les seuls survivants sains de Salem, si ce sont eux qui, au final, se résolvent solennellement à éradiquer toutes les cachettes où les vampires ont pu trouver refuge.

A tort ou à raison, je vois dans "Salem" le brouillon encore assez balourd de l'un des grands livres de King : "Bazaar." Mais les défauts de l'oeuvre ne sont pas rhédibitoires au point de m'empêcher de la relire de temps à autre ...

... Et puis, comment ne pas fermer les yeux sur les inégalités de tel ou tel roman de King quand on sait que c'est lui qui, avec Lovecraft, Machen, Jean Ray et quelques autres, vous a donné la clef de quelques uns de vos plus extraordinaires cauchemars ? ... ;o)

Shining - Stephen King

The Shining Traduction : Joan Bernard

En matière de maisons hantées, les références de Stephen King sont impressionnantes : "Maison Hantée" de Shirley Jackson ; "La Maison d'A-côté" d'Ann Rivers Siddons et "Dis-moi qui tu hantes" de James Herbert. On connaît aussi sa volonté de façonner à son échelle les mythes de l'épouvante. Avec "Shining", on n'est pas déçu.

A la classique maison hantée, King substitue un palace cinq étoiles, le légendaire Overlook Hotel qui, perdu dans les montagnes du Colorado et souvent livré au blizzard, n'ouvre qu'au printemps et en été pour accueillir célébrités et grosses fortunes. Dès sa création, diverses histoires ont couru sur l'Overlook mais à partir du moment où le richissime Horace Derwent (personnage visiblement inspiré de Howard Hughes) le racheta, dans les années trente, il est passé à la vitesse supérieure.

Tout cela, Jack Torrance, le nouveau gardien de l'hôtel pendant la saison morte, va l'apprendre en partie dans un mystérieux album relié en cuir blanc, abandonné dans la chaufferie où son travail l'amène régulièrement. Pour le reste, il mène sa petite enquête personnelle dans les archives du journal local de la petite ville de Boulder, lorsqu'il y descend pour faire d'ultimes provisions avec sa femme, Wendy, et son fils, Danny.

Par nature, Jack est curieux - écriture oblige. Pour l'instant, à peine sorti d'un alcoolisme qui a miné sa vie sociale et grandement menacé sa vie familiale, il travaille sur une pièce de théâtre qu'il désigne simplement sous le nom de "la Pièce." Mais l'idée d'écrire un livre sur l'Overlook vient peu à peu parasiter sa volonté, réelle, de travailler.

C'est que, des parasites, il y en a un nombre impressionnant, à l'Overlook. Enfant medium que son "compagnon imaginaire", Tony, a déjà mis en garde contre l'hôtel, Dany s'en est rendu compte dès l'instant où il est entré dans la première chambre, à la suite d'Ullman, le gérant qui, conformément à l'usage, faisait visiter les lieux à la famille Torrance avant de les abandonner à leur solitude pour tout l'hiver. Taches de cervelle sur le mur, taches de sang, cadavres depuis longtemps emportés qui encombrent encore les tapis, etc, etc ...

Le gore est pourtant peu présent dans "Shining." King n'y a mis que le nécessaire, se sentant probablement incapable de ne pas s'attarder aux horreurs de la chambre 217.

Mais la puissance du livre, c'est dans l'exposition des caractères, la complexité du triangle père-mère-fils, la trame serrée de l'intrigue et enfin dans la maestria avec laquelle King taille, recoud et renouvelle des thèmes aussi vieux que l'espèce humaine, qu'elle réside. Bien plus dangereux que les spectres entrevus dans les chambres, l'ascenseur, etc ..., un malaise, glauque, épais, étouffant, rampe vers le malheureux lecteur avec des sournoiseries dignes de l'énigmatique extincteur placé dans le couloir de la chambre hantée. On ne saura jamais si Horace Derwent était le mal incarné pas plus qu'on ne saura quelles cérémonies il a pu ordonnancer à l'Overlook - en admettant qu'il l'ait fait. On ne saura pas non plus ce qu'il se passe ou s'est passé sur le terrain de roque, avec les animaux de buis et la maison de poupées réplique exacte de l'Overlook. Il y aura en fait beaucoup de choses qu'on ne saura pas mais c'est bien ça qui fait la grandeur du livre. En ce sens, Stephen King s'est élevé aussi haut que Shirley Jackson - et n'est-ce pas le meilleur compliment qu'on puisse lui faire sur son "Shining" ? ;o)

Christine - Stephen King

Christine Traduction : Marie Milpois

Il était une fois, dans la petite ville de Libertyville, en Pennsylvanie, deux amis d'enfance qui avaient traversé ensemble la maternelle, le primaire et le collège et qui, selon toute vraisemblance, s'achemineraient ensemble sur la voie de l'Université. Le premier, Dennis, vivait dans une famille soudée et, malgré les problèmes de l'adolescence, était plutôt bien dans sa peau. Le second, Arnold, dit Arnie, était fils de profs, (de ces profs qui avaient milité activement contre la guerre au Viêt-nam et prônaient encore la non-ingérence des USA dans les affaires de la planète même si, chez eux, leur fils unique n'avait pas le droit de faire un pas de travers sans leur assentiment), un couple où la mère dominait en menaçant de dévorer tous ceux qui faisaient mine de s'opposer à elle.

Dennis et Arnie étaient comme les deux doigts de la main. Dennis était introverti et Arnie, tout le contraire. Dennis était un crack au base-ball, Arnie restait toujours sur le banc de touche. Dennis était populaire et aucun malabar ne se serait risqué à l'attaquer, Arnie avait servi et servait encore de punching-ball à certains si l'occasion s'en présentait. Dennis ne savait pas encore très bien quelle carrière il choisirait, Arnie, bien sûr, ses parents voulaient le voir prof, comme eux mais lui, son plaisir, il le prenait surtout quand il réparait les moteurs cassés des automobiles.

Car Arnie, en mécanique, était un vrai génie : il avait le Don.

Evidemment, comme tout jeune de 17/18 ans, Arnie rêvait d'avoir sa voiture à lui. Evidemment, ses parents étaient contre : "L'argent, c'est pour tes études, Arnold ..."

... Et arriva le jour où, se promenant avec son vieux copain Dennis, Arnie LA vit : elle, Christine.

D'abord, il ne sut pas qu'elle avait un prénom. Il ne l'apprit que lorsqu'il eut versé les arrhes à Roland D. LeBay, le septuagénaire crasseux qui vendait sa voiture, une antique Plymouth Fury 1958. Mais quand il le sut, Arnie sut aussi qu'il était tombé amoureux de Christine et que, entre Christine et lui, ce serait à la vie, à la mort ...

Avec un génie unique, Stephen King a consacré toute sa vie d'écrivain spécialisé dans le fantastique à reprendre les vieux thèmes du genre et à en donner sa version personnelle. Rarement, celui de la possession, combiné avec celui de la hantise, aura atteint le niveau qui est celui de "Christine", histoire d'amour, d'amitié et de mort à la progression implacable dont la modernité, aussi rutilante que la carrosserie de Christine, se vit pourtant comme une tragédie grecque.

"Christine" ...Son obstination ... Sa fureur sans fin ... Elle vous hantera jusque dans la tombe, les amis ...

L'Historienne & Drakula - Elisabeth Kostova

The Historian Traduction : Evelyne Jouve

Avant tout, un petit conseil : si vous entreprenez de lire ce roman, arrangez-vous pour le faire en deux, au maximum trois jours. Si, en effet, vous comptez vous ménager plus de pauses, il y a de fortes chances pour que vous n'en voyiez jamais le bout, et ceci même si vous êtes un lecteur chevronné.

Alors, d'où vient le problème ? ...

Personnellement, je suis toujours aussi consternée à l'idée que "deux millions d'exemplaires" de ce livre ont été vendus lors de la première édition de ce récit poussif, qui alterne les scènes dans les bibliothèques poussiéreuses et les descriptions de villes et de paysages européens, tout cela à un rythme qui, je le réitère, ferait passer une tortue asthmatique pour un Fangio de la carapace.

__L'idée de départ pourtant était bonne : un étudiant en Histoire - le père de la narratrice - découvre un jour, sur sa table de travail, dans une antique bibliothèque oxfordienne, un curieux petit volume aux pages intégralement blanches, sauf en son centre où se trouve reproduite l'image d'un dragon dont la couronne est un château. L'étudiant le dépose à l'accueil mais le lendemain, rebelote, voilà le livre à nouveau sur son pupitre ! Cette fois, l'étudiant manque se fâcher. Mais, faisant contre mauvaise fortune bon coeur, il décide de faire voir l'étrange ouvrage à son directeur de thèse, le Pr Rossi.--

... Et - tenez-vous bien ! - il se trouve que Rossi, lorsqu'il était lui-même étudiant, était tombé sur un exemplaire similaire - exemplaire qu'il a conservé d'ailleurs. La preuve : il le montre à son disciple ...

La narratrice raconte une histoire en intégrant dans son récit celui de son père (l'étudiant) qui, à son tour, insère dans son propre récit celui du Pr Rossi. A partir de là, le pli est pris et d'autres personnages viendront, eux aussi, raconter leur affaire. Or, pour utiliser pareil procédé sans lasser le lecteur, il faut vraiment être un maître - et surtout ne pas fractionner trop souvent l'ensemble. Elisabeth Kostova l'a bien senti puisque, à peu près au milieu du premier tome, elle nous donne les lettres de Rossi tout à trac, sans recourir au protocole habituel. Mais c'est trop tard : le lecteur, qui attend depuis longtemps que l'action se déclenche vraiment, ne lui en saura aucun gré.

Outre ce rythme trop cassé, le style est ... plat. Il n'y a aucune passion, là-dedans - enfin, je n'en ai senti aucune mais il est vrai que je suis une nature excessive et peut-être aurez-vous plus de chance si vous ne vous endormez pas avant la fin du premier chapitre. Ce dont je suis sûre par contre, c'est que le nom de Drakula fait vendre et que, du coup, on s'imagine trop souvent pouvoir ficeler n'importe quelle intrigue autour du patronyme fameux : après, le Diable fera le reste. A la décharge de l'auteur, il faut tout de même mentionner que le titre original ne fait pas mention au célèbre aristocrate roumain.

Mais des perforations sur le cou de tel ou tel personnage, quelques traînées de sang sur le plafond de telle ou telle bibliothèque, les apparitions chaotiques d'individus au teint très pâle et aux lèvres très, très rouges (mais qu'est-ce qu'ils peuvent avoir, à votre avis ? ... ;o) ), les angoisses d'une héroïne évanescente et les silences de son père, qui se la joue un peu trop tragique pour espérer récolter jamais un prix d'interprétation, rien de cela n'est suffisant pour ressusciter la magie immémoriale du Vampire.

Comble du comble, la prétendue historienne nous sort la légende noircissime de Vlad Tepès alors que les études dont elle se réclame, justement, devraient l'avoir mise en garde contre la très mauvaise réputation que ses éclatants succès contre les Ottomans devaient lui valoir après sa mort, lorsque la Valachie tomba aux mains de la Sublime Porte. Cruel, Vlad III ne le fut pas plus que bien des chefs ennemis ou alliés de son époque. Et si les Turcs le redoutaient tant, c'est parce qu'ils savaient très bien que, élevé à la cour du sultan, il était parfaitement à même d'utiliser les mêmes méthodes qu'eux pour réduire ses adversaires.

Quant aux personnages, ah ! mes aïeux ! ils sont mous, fades, sans réelle profondeur. Les vampirisés ne sont pas mieux servis d'ailleurs : on se demande où ils trouvent la force de sévir. Et leur Maître lui-même ... Pour les adorateurs du mythe, pour les amateurs de littérature fantastique, l'ersatz de Drakula que nous sert Elisabeth Kostova est, j'ai le regret de le dire, une imposture manifeste.

En d'autres termes, "L'Historienne et Drakula" est tout le contraire de ce que fut et demeure l'éblouissant conte gothique de Bram Stoker. Une bonne raison de lire - ou de relire - celui-ci, sur la plage ou en vacances. Mais "L'Historienne ...", non, franchement, laissez tomber.

Sauf si vous avez des insomnies, bien sûr ... ;o)

dimanche, juin 15 2008

Histoires d'Océans Maléfiques - Collectif

Publié, à la fin des années soixante-dix, à la Librairie des Champs-Elysées, ce volume est assurément un livre de collection. Malheureusement, c'est aussi une grosse déception. En tous cas, de mon point de vue personnel.

Seuls sortent du lot l'excellent "L'Epave", de l'incontournable William Hope Hodgson, maître incontesté du récit d'horreur marin, et, mais à un niveau de beaucoup inférieur : "Le Fantôme de la Mer", d'Allison V. Harding, dont l'ambiance rappelle vaguement un conte de Jean Ray.

Dans le premier, un équipage tombe sur une épave de bateau, apparemment recouverte d'une mousse caoutchouteuse. Poussés par la curiosité et le désir de la dépeindre avec un maximum de détails dans leur journal de bord, le capitaine et son second montent à bord en compagnie de deux marins. L'un des quatre ne reviendra pas ...

La seconde nouvelle, moins lovecraftienne, raconte le calvaire angoissé d'un ancien capitaine hanté par le fantôme de l'un de ses hommes d'équipage. Mais tout se passe à terre.

A part ces deux textes, il n'y a pas grand chose. Grand chose de réellement horrifique, s'entend. Dans les autres nouvelles - même dans "L'Union", d'Algernon Blackwood, qui ouvre le bal - c'est l'allégorique qui l'emporte. Il y a certainement un public pour ce fantastique plus merveilleux qu'autre chose et, par voie de conséquence, beaucoup plus doux et policé. On ne peut nier non plus l'aspect poétique de ces nouvelles - je pense surtout à "La Mer de Marbre" de l'Espagnol José-Maria Ginorella. Mais cela ne suffit pas.

Dommage. ;o)

mardi, juin 3 2008

La Maison d'A-côté - Ann Rivers Siddons

The House Next Door Traduction : Philippe Rouard

Désormais, "La Maison d'A-côté" trônera pour moi auprès de la "Maison Hantée" de Shirley Jackson car, bien que Rivers Siddons ait adopté une approche beaucoup moins classique que Jackson, les deux livres atteignent à la même puissance.

Jackson partait d'une maison déclarée hantée, Rivers Siddons opte pour une maison en devenir. Tout commence en effet par un terrain nu, celui des Mc Intyre, qui jouxte la propriété d'un couple de sybarites bien sympathiques et peu enclins à croire aux phénomènes surnaturels, Walter & Colquitt Kennedy.

D'abord peu heureux de voir des vis-à-vis s'installer près de chez eux, les Kennedy font contre mauvaise fortune bon coeur et finissent, hospitalité sudiste oblige, à lier des relations avec le jeune couple qui fait construire. Mais c'est surtout avec leur architecte, Kim Dougherty, qu'ils sympathisent. Pour Kim, ce contrat est une opportunité décisive, qui va lui permettre de faire ses preuves, surtout face à son père, qui l'a encouragé dans ses études mais qui ne le voyait pas forcément en architecte - Kim est un enfant adopté.

Pour les Harralson, le jeune couple fortuné qui a commandé la maison, le drame commence par une chute de l'épouse, alors enceinte de six ou sept mois, dans les fondations. Bien entendu, elle perd l'enfant. Notez que, tête de linotte et narcissique comme l'est Pie, ça n'a pas l'air de lui faire beaucoup d'effet. Mais de l'effet, ça en fait par contre à son père - une relation malsaine semble exister entre eux - et, bien entendu, à son mari.

Mais ils ne sont évidemment pas au bout de leurs peines ...

... comme vous vous en doutiez. ;o)

Après le départ en catastrophe des Harralson, deux autres familles se succéderont dans la nouvelle maison, si belle, si harmonieuse - extérieurement en tous cas. Que ses membres s'aiment ou se détestent, qu'ils aient ou non des enfants, le scénario sera, sur le fond, le même pour tous : avec une malveillance démoniaque et une volonté farouche, l'étrange demeure les privera de tout ce qui, pour eux, est le plus précieux.

Le pire, c'est que cela ne lui suffira pas. Avec une sûreté insidieuse, elle commencera à étendre sa toile aux maisons - et aux familles - voisines ... Et même si elle périt dans les flammes, n'allez pas surtout pas croire, naïfs que vous êtes, que tout est fini ...

Un roman que Stephen King considère comme capital dans l'Histoire de la littérature d'horreur moderne. Et qui l'est, à mon humble avis. ;o)

Le Cadran Solaire - Shirley Jackson

The Sundial Traduction : Dominique Haas

Paru un an avant "Maison Hantée", "Le Cadran Solaire" risque de perturber le lecteur avide d'horreur pure. A moins qu'il ne songe à une histoire de hantise imaginée par Ionesco.

"Le Cadran solaire" reprend un thème cher à Jackson et qu'elle exploitera encore, par exemple, dans "Nous avons toujours habité le château", son dernier roman. __Il s'agit de la famille, une famille dont les membres sont soit désagréables, soit un peu (ou complètement) excentiques, parfois les deux, et qui, par la vision paranoïaque qu'ils ont de l'extérieur, finissent par basculer dans la folie et par vivre en autarcie.--

C'est ce qui va arriver peu à peu à la famille Halloran, retour des obsèques de son chef, Lionel, fils d'Orianna et de Richard. Selon son épouse, Maryjane, ce serait sa propre mère, Orianna, qui aurait poussé le malheureux dans l'escalier afin d'hériter de la maison et de la fortune. Pourtant, ainsi qu'elle le rappelle à sa petite fille, Fancy, en bonne logique, c'est à elles seules que la maison doit revenir. Et le lecteur sent d'ores et déjà que Mrs Halloran Senior se place au-dessus des lois.

Comme Hill House dans "Maison Hantée", la maison Halloran a été construite à la fin du XIXème siècle par un premier Mr Halloran, soucieux d'y amener sa jeune épouse. Et, comme dans "Maison Hantée", la jeune femme y est morte très vite. L'arrière-grand-père Halloran s'est donc remarié et, de ce second mariage, il a eu Richard, actuellement cloué dans un fauteuil roulant par la maladie.

Depuis de longues années, les Halloran vivent entre eux. Frances, la fille du premier mariage, est devenue, au fil des ans, "tante Fanny", bien qu'elle n'ait, quand début l'histoire, que quarante-huit ans. Vieille fille refoulée et un peu folle, elle redoute de devoir quitter la maison, maintenant qu'Orianna, sa belle-soeur, détient tous les pouvoirs.

Et elle n'a pas tort d'avoir peur car Mrs Halloran annonce sa décision d'habiter désormais la maison, seul à seule avec son mari.

Sous le choc, Tante Fanny se réfugie dans le vaste parc, dans le labyrinthe édifié autour du cadran solaire, et est assaillie par une vision : celle de son père défunt qui lui annonce, ni plus ni moins, que la fin du monde est proche et que seuls les Halloran seront sauvés pourvu qu'ils prennent la peine de se regrouper tous dans la maison et de s'y barricader ...

A partir de là, la folie s'installe crescendo, faisant alterner scènes de malaise (la poupée piquée d'épingles, la fuite avortée de Julia ...) et scènes satiriques (Tante Fanny rameutant des espèces de témoins de Jéhovah persuadés eux aussi de la fin de l'univers, les plaisanteries d'Essex, etc, etc ...)

Quant à la fin ... Eh ! bien, elle soulève beaucoup de questions, ce qui est souvent le cas dans les nouvelles et les romans de Jackson.

Menés tambour battant, les dialogues recèlent de véritables morceaux d'anthologie, dignes des meilleurs humoristes anglo-saxons. Moins noire - en apparence tout au moins - que celle de "Maison Hantée" ou de "La Loterie", l'intrigue évoque surtout, pour les connaisseurs, "Les Gens de l'Eté", qu'écrivit également Jackson, mais en moins glauque et en plus acerbe, en plus ironique. Un roman curieux, déroutant, qui tient plus de la pathologie mentale que de l'horreur classique et qui est superbement construit. A réserver peut-être aux inconditionnels de la romancière. ;o)

mercredi, avril 30 2008

Tout est fatal - Stephen King

Everything's eventual Traduction : William Olivier Desmond

]Bon, eh ! bien, je me lance : je suis assez déçue. Bien sûr, dans un recueil de nouvelles, on s'attend bien à en trouver quelques unes d'un niveau moindre mais là, ça fait trop fourre-tout pour moi, surtout si je me rappelle "Brume" et "La Faucheuse" qui m'avaient révélé un Stephen King aussi bon en nouvelles qu'en romans.

J'ai beaucoup aimé "1408", histoire glaçante et superbement amenée d'une chambre d'hôtel réputée "hantée." Un écrivain spécialisé dans les récits d'épouvante veut à tous prix la louer pour la nuit : il n'y restera qu'une heure. C'est du bon King, bien ficelé, solide, et entraînant.

"Quand l'auto-virus met cap au nord" m'a rappelé la grande époque des "Creepies" : le lecteur sait, dès le départ, à quelle chute veut le mener l'écrivain mais c'est si bon de se faire peur ... L'intrigue tourne autour d'une toile - un séduisant jeune homme blond au volant d'une décapotable, filant sur un pont vers ... vers où, déjà ? - achetée par le héros dans un vide-grenier. L'auteur s'est suicidé et, avant son suicide, il a brûlé toutes ses toiles sauf, apparemment, celle-là qui est parvenue à lui échapper. En regardant mieux, le héros finit par voir les dents taillées en pointe du personnage et ...

D'accord, d'accord, c'est du Grand-Guignol. Et alors ? Où est le mal si c'est bien fait ? ;o)

"Déjeuner au Gotham Café" est certainement plus subtil, d'autant que le massacreur est visiblement pris d'une crise de folie. C'est une nouvelle grinçante et moqueuse, plus proche de l'insolite que du fantastique, mais elle fonctionne très bien et l'on perçoit la jubilation ressentie par King lors de sa rédaction.

"Cette impression qui n'a de nom qu'en français" mérite également qu'on s'y attarde : c'est l'idée que King se fait de l'Enfer - enfin, l'une de ses nombreuses idées sur la question.

"Un tour sur le Bolid'" tient à la fois de l'épouvante pure et de la réflexion sur la lâcheté humaine. Elle est peut-être la nouvelle la plus puissante du volume.

Pour le reste ... Ben, il y a le monsieur piqué par un serpent et que l'on croit mort. On envoie son présumé cadavre à l'autopsie - mais je vous rassure : il s'en sort. Il y a aussi "Les Petites soeurs d'Eluria", qui appartient au genre heroic-fantasy et encore quelques autres texes dont je ne me souviens déjà plus.

Désolée.

Allez, relisez donc "Brume" et "La Faucheuse" - ou alors "Christine" et "Shining" ... ;o)

... Quoi ? Vous ne les avez pas encore lus ? :? Alors, raison de plus, petits veinards. ;o)

mercredi, avril 16 2008

Sang d'Encre - Poppy Z. Brite

Drawing Blood Traduction : Jean-Daniel Brèque

La romancière américaine Poppy Z. Brite se fait volontiers le chantre des amours homosexuelles et lesbiennes, ce qui, en soi, n'est pas un mal tant qu'on reste entre adultes consentants. Comme beaucoup d'écrivains obsédés par un thème bien précis et qui s'imaginent, à tort ou à raison, qu'ils ont un "message" à délivrer au reste de l'humanité, elle se sert de genres littéraires bien précis pour distiller son credo. Là encore, c'est son droit. A une condition toutefois : en parallèle de ses revendications personnelles, elle se doit de respecter les règles du genre qu'elle a choisi.

J'ignore ce qu'elle a produit lorsqu'elle s'est attaquée au thriller - et, franchement, je n'irai pas voir. Mais en ce qui concerne le récit d'épouvante, je puis vous certifier que son entreprise est un échec sur toute la ligne.

En effet, si l'on excepte le tout début du livre, où l'on voit un dessinateur de BD des années 80, William McGee, tuer sa femme et son plus jeune fils à coups de marteau dans une petite maison un peu bizarre que le couple avait louée au coeur d'un patelin de l'Amérique profonde appelé (voyez l'astuce qu peut suggérer à l'amateur l'idée d'une dimension manquante ou perdue) : "Missing mile", RIEN, absolument RIEN ne relève de l'étrange et encore moins de l'épouvante dans "Sang d'Encre."

Certes, lorsque - après bien des longueurs - les deux héros, Zach et Trevor (lequel n'est autre que le fils aîné du dessinateur, mystérieusement épargné par son père), se retrouvent dans la fameuse maison du crime, il semble bien se produire quelques phénomènes "psychiques" : matérialisation d'un marteau qui, évidemment, ne peut pas être l'arme du crime et pourtant ... ; robinet qui débite du sang, etc, etc ...

... Mais vu que les deux jeunes gens ont un faible manifeste pour la marijuana corsée et les champignons hallucinogènes, qu'ils prennent de l'Exédrine et que, pour l'un d'entre eux en tous cas, le café est une espèce de drogue, le lecteur est naturellement amené à se demander si, avec une bonne cure de désintoxication et une vie un peu mieux réglée ...

Bref, Poppy Z. Brite utilise ici le prétexte de la maison soi-disant hantée pour offrir un écrin à la révélation des beautés homosexuelles à son couple de héros. Je précise que les pages réservées à cette révélation sont sans fard et que cela peut toujours choquer les puritains.

Personnellement, ça ne m'a pas choquée. Simplement, je voulais une histoire d'horreur, j'ai attendu pendant 190 pages et n'ai rien vu venir. Consciencieuse, j'ai persévéré et, à la page 265, lassée par l'intrigue parallèle (une histoire de piratage informatique à laquelle est mêlée Zach), j'ai laissé tombé les longueurs et ai feuilleté le reste (en broché, le livre fait 395 pages).

Toujours rien. Il y a même une happy end.Dans un livre présenté comme une histoire d'horreur ! Vous imaginez un peu ? ... :o<

Du coup, j'ai acheté "Tout est fatal" de Stephen King. Enfin, quelque chose de normal au beau pays de l'Epouvante ! ... ;o)

mardi, mars 25 2008

Les Yeux de la Momie - Robert Bloch

Anthologie établie par François Truchaud Comprend : The Shambler from the Stars/The Eyes of the Mummy/Beetles/The Strange Flight of Richard Clayton/The Cloak/House of the Hatchet/Almost Human/Sweets to the Sweet/The Shadow from the Steeple/Notebook found in a Deserted House Traduction : ?

Il est rare que les nouvelles constituant une anthologie soient d'une valeur égale. Celle de Bloch par François Truchaud ne fera pas mentir la règle même si elle réserve au lecteur quelques authentiques petits bijoux.

Le recueil s'ouvre très classiquement sur "Le Visiteur des Etoiles", texte dédié, comme on le sait, par un Bloch débutant au Maître de Providence. La nouvelle finale, "Le Manuscrit trouvé dans une maison déserte" - ainsi d'ailleurs que "L'Ombre du Clocher" - sont un peu de la même veine et se contentent de souligner tout ce que Bloch, comme tant d'autres, doit à Lovecraft. Quant aux deux nouvelles "égyptiennes" du lot, "Les Yeux de la Momie" et "Scarabées", elles sont honnêtes et font honneur au genre mais sans plus.

En revanche, les cinq autres nouvelles sortent du lot même si "L'Etrange voyage de Richard Clayton" louche ouvertement du côté de Richard Matheson - avec une roublardise d'ailleurs plus ou moins affichée.

"La Cape", où Bloch reprend, en l'imbriquant dans celui du vampire, le thème du magasin magique surgi de nulle part et où il ne fait pas bon acheter quoi que ce soit, reste l'une des meilleures productions du romancier américain. Net, de facture impeccable, dégoulinante d'humour noir, c'est un petit chef-d'oeuvre. On peut en dire autant de "La Maison du Crime", texte un chouïa plus lourd cependant mais où Bloch promène son lecteur avec une jubilation féroce et iconoclaste.

Mais les deux nouvelles les plus inquiétantes sont, à mon avis, "Presque Humain", où un robot devient terriblement humain - et dans le mauvais sens, vous pensez bien - et "Irma-la-Douce" qui, parce qu'elle met en scène une enfant acculée par les adultes à se transformer en monstre, laisse au lecteur l'impression durable que Bloch dépasse ici l'épouvante classique.

A lire. ;o)

jeudi, janvier 17 2008

La Chambre des Curiosités - Douglas Preston & Lincoln Child

The Cabinet of Curiousities Traduction : Sébastian Danchin

Preston & Child ont rencontré le succès. Alors, par la force des choses, il leur faut produire, produire, produire ... Et la belle inspiration de "Relic" s'évanouit. De lassitude, je suppose. Dans le domaine délicat de la terreur et de l'épouvante, on peut toujours reprendre les vieux épouvantails mais il faut les habiller d'originalité. Sinon, ils ne font plus peur à personne.

Notez bien que ses carences n'empêchent pas de lire "La Chambre des Curiosités" jusqu'aux petites heures du matin. Le lecteur lambda et facile à contenter attend la fin d'une intrigue un peu longuette à planter son décor mais abondamment servie en rebondissements. Le lecteur fin gourmet, lui, trouve que, si ça démarre fort avec la découverte de trente-six corps murés dans des niches, au fond d'un souterrain sur lequel tombent par hasard (semble-t-il en tous cas :wink:) les pelleteuses des promoteurs, très vite, ça fait du surplace avant de sombrer sans espoir dans un mélange abracadabrant d'intrigue à la Fu-Manchu ou à la Harry Dickson (et encore, pas les meilleures productions de Sax Rohmer ou de Jean Ray) et de scénario de série Z des années 50.

Si la fin de "Relic" relance la partie avec brio, celle de "La Chambre ..." est lamentable et l'on n'y croit pas une seule minute. On suit cependant, avec un amusement profond, rien que pour voir comment diable les deux auteurs vont s'en tirer. La formation scientifique de Preston continue à les soutenir du mieux qu'elle peut mais il est des cas où cela ne suffit pas, surtout si elle gomme au final toute trace de surnaturel.

En outre, on a du mal - enfin, j'ai eu du mal - à croire au personnage de l'inspecteur Pandergast. Je le regrette d'autant plus que ce dandy esthète dont on ne sait trop pourquoi il est entré au FBI promettait somme toute beaucoup. Simplement, déjà qu'il est difficile de s'imaginer un type du FBI roulant en Rolls et habitant l'immeuble new-yorkais du Dakota - le même où fut assassiné John Lennon et qui avait auparavant inspiré Ira Levin pour "Rosemary's baby" - il est pratiquement impossible de participer sans sourire aux espèces de voyages astraux auxquels se livre fréquemment Pandergast et qui lui permettent de recréer sans coup férir le New-York des années 1880.

Si encore un certain humour englobait le tout. Mais non : pas une seule miette ...

Bref, lisez "Relic" mais oubliez "La Chambre des Curiosités." ;o)

samedi, septembre 29 2007

Livre de Sang - T. 1 - Clive Barker.

Clive Barker"s Blood Book - Volume One Traduction : Jean-Daniel Brèque

Au tout début de ce recueil de nouvelles, axé sur les fantômes, Barker imagine un faux médium, le jeune Simon Mc Neal, qui, un peu pour faire parler de lui, un peu par jeu, se prête à des expériences dans une maison où il se passe d'étranges phénomènes. Au début, tout se passe bien, puis ...

Cela va ouvrir la voie à toute une série de nouvelles de valeur évidemment inégale.

J'ai personnellement préféré :

1) "Jack et le Cacophone" où un démon habilité à rendre fou de malheureux humains voit la situation se retourner contre lui et qui fait montre de beaucoup d'humour dans le traitement ;

2) "La Truie", histoire gore certes mais non dépourvue - à mon sens - d'une certaine originalité : on y croise une truie dans laquelle s'est incarné un jeune adolescent malfaisant ;

3) et enfin "Les Feux de la Rampe", classique histoire de fantômes se déroulant dans un vieux théâtre qui va bientôt être désaffecté.

Trois bons moments d'épouvante sur cinq donc puisque ce premier "Livre de Sang" comporte en tout cinq nouvelles. ;o)

vendredi, septembre 28 2007

Le Visage de l'Autre - Thomas Tryon.

The Other Traduction : Colette-Marie Huet

"Le Visage de l'Autre" se présente sous la forme d'un journal tenu par un pensionnaire d'asile psychiatrique. Ce narrateur évoque son enfance et en particulier les faits qui ont marqué sa famille après la mort accidentelle de son père. A partir de là, tout semble être allé à vau-l'eau, comme si une étrange malédiction s'abattait sur les survivants.

Nous entrons de plein pied dans le vaste domaine familial où errent et s'amusent Niles et Holland, les fils jumeaux du disparu et où résident par ailleurs leur oncle George, leur tante maternelle, Vee, leur cousin, Russell, leur demi-soeur Torrie et son mari, Rider, et, bien entendu, leur grand-mère, Ada. Leur mère, Alexandra, vit pratiquement recluse dans sa chambre depuis le décès de leur père - le lecteur le comprendra assez vite, la malheureuse s'est mise à boire.

Il apparaît bientôt que, en dépit de leur bonne entente, les deux jumeaux possèdent des personnalités très différentes l'une de l'autre. Celle de Holland présente des coins d'ombre inquiétants. Mais Niles, bien entendu - et comme tout le monde - adore son frère, même si celui-ci tire trop souvent la couverture à lui ...

Et puis, soudain, les accidents reprennent : le cousin Russell tombe en jouant sur une fourche qui traînait dans une meule de foin, la vieille voisine a une crise cardiaque alors qu'elle recevait un visiteur dont on ignorera toujours l'identité ...

... et, ce qui est peut-être pire, Eugénie, le bébé que vient d'avoir Torrie, disparaît aussi ...

Le climat de ce roman évoque un curieux mélange d'après-midis dorés et insouciants et de forêts singulièrement oppressantes. Ou encore un paysage bien vaste, bien net dans lequel, inexplicablement, le spectateur perçoit quelque chose qui se déplace sans cesse mais sur quoi il a bien du mal à mettre le doigt.

Au contraire de Robert Bloch dans "Psychose", l'auteur ne triche pas /bet nous révèle bien des choses sur son narrateur avant la chute finale. En ce sens, "Le Visage de l'Autre" est largement supérieur à l'oeuvre de Bloch et on ne peut que regretter qu'Hitchcock n'ait jamais eu l'occasion d'en tirer un film.

Un livre incontournable, à mon sens, pour tous ceux qui aiment les histoires horribles. (Et de plus, ce n'est vraiment pas gore ... ;o))

dimanche, septembre 2 2007

Ghost Story - Peter Straub.

Ghost Story Traduction : Franck Straschitz

Encore balbutiant dans "Julia", le style qui fera la renommée de Peter Straub prend ici tout son essor dans ce qu'il faut bien reconnaître, tant sur le plan de la construction que sur celui de l'intrigue, comme une oeuvre majeure de la littérature d'épouvante moderne. "Ghost Story" est également un étincelant hommage à quelques grands mythes du fantastique : les mondes parallèles, l'immortalité, la malédiction, la possession et, bien entendu, les spectres et les hantises.

L'action se situe dans une petite ville américaine bien tranquille, Milburn, et il est à noter que la première édition française de ce roman parut chez Seghers en 1979 sous le titre de "Le Fantôme de Milburn."

En prologue, si l'on peut dire (car une constante de l'oeuvre de Straub est de jongler avec le temps, un peu comme le faisait, dans un autre registre, William Faulkner), la cavale de Don Wanderley, fuyant on ne où, on ne sait qui, avec, à ses côtés dans sa voiture, une petite fille qu'il a visiblement kidnappée. Mais pour quelles raisons, le lecteur l'ignore, puis finit par penser que Don a perdu la raison et qu'il voit en cette enfant la réincarnation d'une femme disparue. Comme Don est aussi le narrateur de ce prologue, on comprend bien vite qu'il ne demanderait pas mieux que de tuer la petite Angie mais que sa qualité d'enfant l'empêche de mener son projet à bien.

Puis, très vite, on se retrouve à Milburn, où quelques notables, Ricky Hawthorne, Sears James, Lewis Benedikt et John Jaffrey ont pris l'habitude, depuis un an que leur ami, Edward Wanderley, a trouvé la mort dans des circonstances assez mystérieuses (il serait mort de peur), de se réunir chaque semaine pour se raconter des histoires de spectres qu'ils ont réellement vécues.

Entre les quatre hommes, la tension est presque palpable. Tous ont peur non d'eux-mêmes mais de quelqu'un ou de quelque chose extérieur à leur cercle, quelqu'un ou quelque chose que tous, tant qu'ils sont, ils se refusent à nommer et qui a réapparu dans leur existence le soir même de la mort d'Edward.

Comme panacée, Rick finit par proposer d'appeler à la rescousse le propre neveu du mort, Donald Wanderley. Pourquoi celui-ci leur apparaît-il comme un recours ? C'est qu'il est écrivain et a fait paraître un livre reprenant des thèmes surnaturels ...

Comme toujours chez Straub, l'intrigue est touffue et le style, dense. Comme toujours encore, il faut lire ce roman à tête reposée et ne pas hésiter à revenir en arrière. Straub fait en effet confiance à son lecteur et à son sens de l'observation et de la déduction. De plus, comme je l'ai déjà signalé, il aime bien jongler avec la chronologie. Et puis, il a un faible pour un nombre assez élevé de personnages et de sous-intrigues, lesquelles n'ont rien à voir en apparence avec l'intrigue centrale - mais en apparence seulement ...

L'un des meilleurs romans d'épouvante - et aussi l'un des plus novateurs - du XXème siècle. ;o)

samedi, septembre 1 2007

Suspicion - David Ambrose.

A Memory of Demons Traduction : Daphné Bernard

Disons-le d'emblée : après l'éblouissement de "Superstition", la déception fut rude. L'intrigue, pourtant, est habile. Jugez-en :

Tom Freeman, réalisateur de télévision accro aux drogues et plus encore à l'alcool, sort indemme mais à demi amnésique d'un grave accident de voiture. Alors qu'il est encore en soins à l'hôpital, il rencontre Clare, qui lui donne envie de se fixer et de renoncer à ses mauvaises habitudes. Ils se marient et ont une petite fille, Julia.

Dès que celle-ci commence à parler, elle prétend s'appeler Melanie et avoir "une autre maman et un autre papa." Consultés, les psychologues de service, dont le Dr Brandan Hunt, ne voient là-dedans qu'une manifestation normale, du même type que celle de l'"ami imaginaire." De fait, les manifestations s'estompent et disparaissent.

Cinq ans plus tard par contre, elles refont surface et, à la suite de certaines péripéties, Julia mène ses parents droit chez son "autre maman", laquelle est morte. Ils y rencontrent la soeur de "Melanie", Jennifer Sawyer, qui leur confirme que sa soeur adolescente a disparu il y a de cela plus de dix ans.

Du coup, Tom et Clare font appel à un psy qui ne récuse pas les théories de "réincarnation." Reste cependant la question : pourquoi cette Melanie a-t-elle élu Julia ? ...

Sous peine de vous révéler toute l'intrigue, je n'irai pas plus loin dans mon résumé. Sachez seulement que ce qui m'a vraiment déçue dans ce livre, c'est son abence totale de finitions, l'air de bâclage qu'il donne au lecteur un tant soit peu exigeant. En d'autres termes, "Suspicion", qui promet beaucoup, est l'antithèse de "Superstition."

La chute elle-même est totalement abracadabrante. Peut-être, si l'intrigue avait été menée de manière plus posée, peut-être y aurait-on adhéré. Mais l'auteur donne l'impression d'avoir été écrit à la va-vite, pour combler un trou quelconque dans un contrat d'édition.

Dommage. Vraiment. ;o)

jeudi, août 30 2007

Accros du Roc - Terry Pratchett.

Soul Music Traduction : Patrick Couton

"Accros du Roc", seizième opus de l'infernale saga de Terry Pratchett, est un volume dont on ne saisit pleinement la teneur véritable qu'à la relecture. Déjà, le titre original est "Soul Music" et pour le lire, mieux vaut s'y connaître un peu en matière de rock dans notre monde sphérique car les clins d'oeil et les jeux de mots faisant référence aux rockers et aux titres de chansons célèbres y sont légion.

Un exemple entre autres qui prouve combien Patrick Couton prend son travail au sérieux : l'un des personnages principaux du livre, un jeune barde originaire de Ker Gselzehc et qui vient de remporter un prix - une harpe - à un concours bardique, s'appelle Kreskenn Kelen. Or, en breton, "kreskenn" signifie "jeune pousse" et "kelen" : houx.

Tout comme en anglais, "bud" signifie : "bouton, jeune pousse" et "Holly" : houx.

Ceux qui ont entendu parler d'un certain Buddy Holly - antérieur à Elvis, eh ! oui ! - ont compris. Pour les autres, prière de jeter un coup d'oeil ici.

Avec la guitare magique qu'il achète dans un étrange magasin situé dans une venelle non moins étrange de la toujours étrange Ankh-Morpork, Kreskenn Kelen constitue l'un des pôles de ce roman basé sur l'idée que la Musique est éternelle, qu'elle ne mourra jamais. Jamais.

Parce qu'elle était là dès le Commencement. Avant même le Commencement.

A ses côtés, constituant le "Groupe des Rocs", le troll Magma et le nain Nore - que l'inusable Planteur J.M.T.L.G. trouvera le moyen de "lancer" tout d'abord au "Tambour Rafistolé" et surtout à "La Caverne" (!!!).

Et tout de suite, c'est la folie ! Personne n'a jamais entendu une musique comme celle-là. Même les mages viennent l'écouter (Cogite Stibon tentera même de la capturer dans des "pièges à son" ;o)) et tandis que le doyen se confectionne une robe en cuir clouté et se coiffe en banane avec tout plein de gomina (ou de ce qui en tient lieu sur le Disque-Monde), Mme Panaris, la très digne et très réservée intendante de l'UI, n'hésite pas à lancer ses sous-vêtements à la tête de Kreskenn qui, comme le souligne Nore, "tortille bizarrement du bassin."

Mais est-ce vraiment Kreskenn qui joue ? Ne serait-ce pas plutôt la guitare, et elle seule, qui joue ? ...

C'est ce que la petite-fille de la Mort, Suzanne - dont nous faisons ici la connaissance - finit par se demander lorsque, attirée à la première représentation du groupe au "Tambour ..." justement parce que Kreskenn doit y mourir dans un accident bête - une hache de jet lancée par un spectateur enthousiaste, qui rebondit sur un mur et lui troue le thorax - elle constate que le sablier du jeune homme, arrivé à extinction, repart de plus belle, désormais animé par une étrange lueur bleue ...

Avec ça, l'autre pôle du roman, la Mort, qui n'est pas là ! Une fois encore, torturé par des angoisses quasi métaphysiques, il a pris quelques vacances. Il en a assez de ne pas pouvoir oublier. C'est vrai, ça, personne ne se rend compte mais lui, la Mort, il n'oublie jamais rien et pire : il n'oublie pas un futur qui ne s'est pas encore produit, un comble, tout de même ! D'accord, il y a le Service, le sens du devoir et tout ça mais tout de même ...

Pour tenter d'"oublier", la Mort ira jusqu'à s'engager dans la Légion étrangère klatchienne.

Sans succès. ;o)

Aidé par la Mort aux Rats (qui date du "Faucheur"), Albert, le fidèle serviteur de la Mort et ex-Alberto Malik, fondateur de l'UI, s'en va donc à la recherche de son maître tandis que, vaille que vaille, Suzanne tente d'assurer un "Service" que la "musique de Roc" fait dérailler.

C'est finalement la Mort aux Rats qui retrouvera la Grande Mort ... sous les ponts d'Ankh-Morpork où il partage (en toute simplicité et sous le surnom de "Monsieur Chétif") le couvert avec la fameuse bande de mendiants et accessoirement indicateurs que sont : le Canard (ainsi nommé parce qu'il porte un vrai canard sur la tête mais chut ! ne le lui faites pas remarquer, merci), Ron l'Infect et son Odeur, Henri Cercueil et un petit chien qui ressemble terriblement à Gaspode.

Et tout rentrera dans l'ordre. Forcément.

Quant à la musique de Roc, on affirme qu'elle aurait émigré sur un autre monde du Multivers où elle aurait fait d'ailleurs un authentique tabac.

Un livre qui apparaîtra mineur à certains mais qui est en fait d'une tendresse et d'une poésie aussi redoutables que la "musique de Roc." ;o)

lundi, août 27 2007

Coldheart Canyon - Clive Barker.

Coldheart Canyon - A Hollywood Ghost Story Traduction : Jean Esch

J'ai longuement hésité à lire Clive Barker en raison, justement, de sa réputation assez sado-masochiste. "Coldheart Canyon" lui-même, je l'ai croisé, il y a de cela deux ou trois ans, sur les présentoirs du rayon Fantastique, à la FNAC de Noisy et, bien que fortement tentée par la quatrième de couverture, je ne l'avais finalement pas acheté parce que j'avais peur d'être déçue. (Et puis, les couvertures étaient vraiment glaçantes et racoleuses ...)

Et puis, à la faveur d'une critique rencontrée sur un blog recommandé par notre ami Yvon, je me suis dit : "Pourquoi pas ? ..." Et j'ai foncé. Et je ne le regrette pas.

Dans ce livre, Barker ressemble aux auteurs que j'aime : il prend son temps pour asseoir son intrigue, il n'exégère pas dans le gore même s'il s'en sert parfois et il sait mener son récit sans que celui-ci s'essouffle. Oh ! il y a certainement quelques petites imperfections mais l'un dans l'autre, cela se tient. Or, jusqu'ici, parmi les auteurs fantastiques que j'ai lus, je n'ai rencontré ces qualités que chez Poe et Lovecraft (lesquels n'ont produit pour le premier aucun roman, pour le second que le très bref "L'Affaire Charles Dexter Ward"), Shirley Jackson (là encore, peu de romans : "Maison Hantée" et "Nous avons toujours habité le château", lequel est plus insolite que fantastique), Stephen King (sans commentaires ::wink:), Graham Masterton bien sûr et, cerise sur le gâteau, Peter Straub. Rien que du beau monde, par conséquent. Mais Barker ne dépare pas parmi eux.

"Coldheart Canyon" est le nom d'une maison construite, dans les environs de Hollywood, par une star de cinéma muet d'origine roumaine : Katia Lupi. Maison somptueuse comme il se doit même si, lorsque Todd Pickett, un acteur en perte de vitesse qui vient de se faire faire un lifting, la prend en location, elle n'a plus été habitée depuis longtemps.

Un soir qu'il rumine des idées noires sur son avenir alors que son agent, Maxine, vient juste de le larguer en lui déclarant qu'il n'avait plus d'avenir cinématographique et que, de toutes façons, elle n'en peut plus de se battre pour lui, un soir donc, Todd fait la rencontre d'une séduisante jeune femme qui lui dit s'appeler Katia Lupi et vivre dans les dépendances de la propriété. Une idylle plutôt torride se noue très vite entre les deux personnages.

Pendant ce temps, Tammy Lauper, une quadragénaire souffrant de graves problèmes de poids et d'une vie sentimentale peu épanouissante, s'introduit dans la propriété. Tammy, qui est présidente du Fan-club de Tod, s'inquiète de la brusque disparition de ce dernier et elle est à la recherche de tout ce qui pourrait lui confirmer que son idole se porte comme un charme. Elle aussi va faire dans le parc une étrange rencontre, celle d'un vieil homme décharné qui lui dit s'appeler Willem Zeffer et être l'agent et secrétaire particulier de la propriétaire des lieux.

Mais bientôt, Tammy se voit attaquée par une bande de créatures monstrueuses, mi-spectres, mi-animaux, douées qui mieux est du sens de la parole ...

Ce n'est là qu'un bref aperçu de la richesse de ce roman édité en deux tomes de près de 400 pages chacun aux éditions J'Ai Lu Millénaire. On y retrouve en outre le thème des univers parallèles saupoudré d'une malédiction lancée non par Satan mais par son épouse, Lilith, le tout recouvrant une satire féroce de la société hollywoodienne qui devrait ravir les cinéphiles.

Certes, quelques petites imperfections peuvent être relevées çà et là : le fait par exemple que Katia qui, à un certain moment, fait tout pour sauver Todd de la Mort soit prête, dès le lendemain, à le poignarder parce qu'il s'oppose à ses volontés ; où encore la question que le lecteur se pose à la fin sur la disparition de tous les spectres qui hantaient la maison : oui, où ont-ils pu aller ? ...

La fin est aussi peut-être un peu "plaquée." Elle m'a fait songer à celle de "Ghost" - le film. Mais enfin, outre que cette vision des choses peut être vraiment celle de Clive Barker, peut-être celui-ci a-t-il voulu aussi se faire un petit plaisir en concoctant une happy end qui réconforte tout le monde.

Et puis, de toutes façons, rien n'est parfait en ce monde. Pour l'essentiel, "Coldheart Canyon" tient son lecteur en haleine tout au long de ses huit cents pages et c'est bien l'essentiel, non ?

PS : dès que je peux, j'achète le Tome 1 de ses "Livres de Sang." ;o)

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