Soul Music Traduction : Patrick Couton

"Accros du Roc", seizième opus de l'infernale saga de Terry Pratchett, est un volume dont on ne saisit pleinement la teneur véritable qu'à la relecture. Déjà, le titre original est "Soul Music" et pour le lire, mieux vaut s'y connaître un peu en matière de rock dans notre monde sphérique car les clins d'oeil et les jeux de mots faisant référence aux rockers et aux titres de chansons célèbres y sont légion.

Un exemple entre autres qui prouve combien Patrick Couton prend son travail au sérieux : l'un des personnages principaux du livre, un jeune barde originaire de Ker Gselzehc et qui vient de remporter un prix - une harpe - à un concours bardique, s'appelle Kreskenn Kelen. Or, en breton, "kreskenn" signifie "jeune pousse" et "kelen" : houx.

Tout comme en anglais, "bud" signifie : "bouton, jeune pousse" et "Holly" : houx.

Ceux qui ont entendu parler d'un certain Buddy Holly - antérieur à Elvis, eh ! oui ! - ont compris. Pour les autres, prière de jeter un coup d'oeil ici.

Avec la guitare magique qu'il achète dans un étrange magasin situé dans une venelle non moins étrange de la toujours étrange Ankh-Morpork, Kreskenn Kelen constitue l'un des pôles de ce roman basé sur l'idée que la Musique est éternelle, qu'elle ne mourra jamais. Jamais.

Parce qu'elle était là dès le Commencement. Avant même le Commencement.

A ses côtés, constituant le "Groupe des Rocs", le troll Magma et le nain Nore - que l'inusable Planteur J.M.T.L.G. trouvera le moyen de "lancer" tout d'abord au "Tambour Rafistolé" et surtout à "La Caverne" (!!!).

Et tout de suite, c'est la folie ! Personne n'a jamais entendu une musique comme celle-là. Même les mages viennent l'écouter (Cogite Stibon tentera même de la capturer dans des "pièges à son" ;o)) et tandis que le doyen se confectionne une robe en cuir clouté et se coiffe en banane avec tout plein de gomina (ou de ce qui en tient lieu sur le Disque-Monde), Mme Panaris, la très digne et très réservée intendante de l'UI, n'hésite pas à lancer ses sous-vêtements à la tête de Kreskenn qui, comme le souligne Nore, "tortille bizarrement du bassin."

Mais est-ce vraiment Kreskenn qui joue ? Ne serait-ce pas plutôt la guitare, et elle seule, qui joue ? ...

C'est ce que la petite-fille de la Mort, Suzanne - dont nous faisons ici la connaissance - finit par se demander lorsque, attirée à la première représentation du groupe au "Tambour ..." justement parce que Kreskenn doit y mourir dans un accident bête - une hache de jet lancée par un spectateur enthousiaste, qui rebondit sur un mur et lui troue le thorax - elle constate que le sablier du jeune homme, arrivé à extinction, repart de plus belle, désormais animé par une étrange lueur bleue ...

Avec ça, l'autre pôle du roman, la Mort, qui n'est pas là ! Une fois encore, torturé par des angoisses quasi métaphysiques, il a pris quelques vacances. Il en a assez de ne pas pouvoir oublier. C'est vrai, ça, personne ne se rend compte mais lui, la Mort, il n'oublie jamais rien et pire : il n'oublie pas un futur qui ne s'est pas encore produit, un comble, tout de même ! D'accord, il y a le Service, le sens du devoir et tout ça mais tout de même ...

Pour tenter d'"oublier", la Mort ira jusqu'à s'engager dans la Légion étrangère klatchienne.

Sans succès. ;o)

Aidé par la Mort aux Rats (qui date du "Faucheur"), Albert, le fidèle serviteur de la Mort et ex-Alberto Malik, fondateur de l'UI, s'en va donc à la recherche de son maître tandis que, vaille que vaille, Suzanne tente d'assurer un "Service" que la "musique de Roc" fait dérailler.

C'est finalement la Mort aux Rats qui retrouvera la Grande Mort ... sous les ponts d'Ankh-Morpork où il partage (en toute simplicité et sous le surnom de "Monsieur Chétif") le couvert avec la fameuse bande de mendiants et accessoirement indicateurs que sont : le Canard (ainsi nommé parce qu'il porte un vrai canard sur la tête mais chut ! ne le lui faites pas remarquer, merci), Ron l'Infect et son Odeur, Henri Cercueil et un petit chien qui ressemble terriblement à Gaspode.

Et tout rentrera dans l'ordre. Forcément.

Quant à la musique de Roc, on affirme qu'elle aurait émigré sur un autre monde du Multivers où elle aurait fait d'ailleurs un authentique tabac.

Un livre qui apparaîtra mineur à certains mais qui est en fait d'une tendresse et d'une poésie aussi redoutables que la "musique de Roc." ;o)