Coldheart Canyon - A Hollywood Ghost Story Traduction : Jean Esch

J'ai longuement hésité à lire Clive Barker en raison, justement, de sa réputation assez sado-masochiste. "Coldheart Canyon" lui-même, je l'ai croisé, il y a de cela deux ou trois ans, sur les présentoirs du rayon Fantastique, à la FNAC de Noisy et, bien que fortement tentée par la quatrième de couverture, je ne l'avais finalement pas acheté parce que j'avais peur d'être déçue. (Et puis, les couvertures étaient vraiment glaçantes et racoleuses ...)

Et puis, à la faveur d'une critique rencontrée sur un blog recommandé par notre ami Yvon, je me suis dit : "Pourquoi pas ? ..." Et j'ai foncé. Et je ne le regrette pas.

Dans ce livre, Barker ressemble aux auteurs que j'aime : il prend son temps pour asseoir son intrigue, il n'exégère pas dans le gore même s'il s'en sert parfois et il sait mener son récit sans que celui-ci s'essouffle. Oh ! il y a certainement quelques petites imperfections mais l'un dans l'autre, cela se tient. Or, jusqu'ici, parmi les auteurs fantastiques que j'ai lus, je n'ai rencontré ces qualités que chez Poe et Lovecraft (lesquels n'ont produit pour le premier aucun roman, pour le second que le très bref "L'Affaire Charles Dexter Ward"), Shirley Jackson (là encore, peu de romans : "Maison Hantée" et "Nous avons toujours habité le château", lequel est plus insolite que fantastique), Stephen King (sans commentaires ::wink:), Graham Masterton bien sûr et, cerise sur le gâteau, Peter Straub. Rien que du beau monde, par conséquent. Mais Barker ne dépare pas parmi eux.

"Coldheart Canyon" est le nom d'une maison construite, dans les environs de Hollywood, par une star de cinéma muet d'origine roumaine : Katia Lupi. Maison somptueuse comme il se doit même si, lorsque Todd Pickett, un acteur en perte de vitesse qui vient de se faire faire un lifting, la prend en location, elle n'a plus été habitée depuis longtemps.

Un soir qu'il rumine des idées noires sur son avenir alors que son agent, Maxine, vient juste de le larguer en lui déclarant qu'il n'avait plus d'avenir cinématographique et que, de toutes façons, elle n'en peut plus de se battre pour lui, un soir donc, Todd fait la rencontre d'une séduisante jeune femme qui lui dit s'appeler Katia Lupi et vivre dans les dépendances de la propriété. Une idylle plutôt torride se noue très vite entre les deux personnages.

Pendant ce temps, Tammy Lauper, une quadragénaire souffrant de graves problèmes de poids et d'une vie sentimentale peu épanouissante, s'introduit dans la propriété. Tammy, qui est présidente du Fan-club de Tod, s'inquiète de la brusque disparition de ce dernier et elle est à la recherche de tout ce qui pourrait lui confirmer que son idole se porte comme un charme. Elle aussi va faire dans le parc une étrange rencontre, celle d'un vieil homme décharné qui lui dit s'appeler Willem Zeffer et être l'agent et secrétaire particulier de la propriétaire des lieux.

Mais bientôt, Tammy se voit attaquée par une bande de créatures monstrueuses, mi-spectres, mi-animaux, douées qui mieux est du sens de la parole ...

Ce n'est là qu'un bref aperçu de la richesse de ce roman édité en deux tomes de près de 400 pages chacun aux éditions J'Ai Lu Millénaire. On y retrouve en outre le thème des univers parallèles saupoudré d'une malédiction lancée non par Satan mais par son épouse, Lilith, le tout recouvrant une satire féroce de la société hollywoodienne qui devrait ravir les cinéphiles.

Certes, quelques petites imperfections peuvent être relevées çà et là : le fait par exemple que Katia qui, à un certain moment, fait tout pour sauver Todd de la Mort soit prête, dès le lendemain, à le poignarder parce qu'il s'oppose à ses volontés ; où encore la question que le lecteur se pose à la fin sur la disparition de tous les spectres qui hantaient la maison : oui, où ont-ils pu aller ? ...

La fin est aussi peut-être un peu "plaquée." Elle m'a fait songer à celle de "Ghost" - le film. Mais enfin, outre que cette vision des choses peut être vraiment celle de Clive Barker, peut-être celui-ci a-t-il voulu aussi se faire un petit plaisir en concoctant une happy end qui réconforte tout le monde.

Et puis, de toutes façons, rien n'est parfait en ce monde. Pour l'essentiel, "Coldheart Canyon" tient son lecteur en haleine tout au long de ses huit cents pages et c'est bien l'essentiel, non ?

PS : dès que je peux, j'achète le Tome 1 de ses "Livres de Sang." ;o)