Ghost Story Traduction : Franck Straschitz

Encore balbutiant dans "Julia", le style qui fera la renommée de Peter Straub prend ici tout son essor dans ce qu'il faut bien reconnaître, tant sur le plan de la construction que sur celui de l'intrigue, comme une oeuvre majeure de la littérature d'épouvante moderne. "Ghost Story" est également un étincelant hommage à quelques grands mythes du fantastique : les mondes parallèles, l'immortalité, la malédiction, la possession et, bien entendu, les spectres et les hantises.

L'action se situe dans une petite ville américaine bien tranquille, Milburn, et il est à noter que la première édition française de ce roman parut chez Seghers en 1979 sous le titre de "Le Fantôme de Milburn."

En prologue, si l'on peut dire (car une constante de l'oeuvre de Straub est de jongler avec le temps, un peu comme le faisait, dans un autre registre, William Faulkner), la cavale de Don Wanderley, fuyant on ne où, on ne sait qui, avec, à ses côtés dans sa voiture, une petite fille qu'il a visiblement kidnappée. Mais pour quelles raisons, le lecteur l'ignore, puis finit par penser que Don a perdu la raison et qu'il voit en cette enfant la réincarnation d'une femme disparue. Comme Don est aussi le narrateur de ce prologue, on comprend bien vite qu'il ne demanderait pas mieux que de tuer la petite Angie mais que sa qualité d'enfant l'empêche de mener son projet à bien.

Puis, très vite, on se retrouve à Milburn, où quelques notables, Ricky Hawthorne, Sears James, Lewis Benedikt et John Jaffrey ont pris l'habitude, depuis un an que leur ami, Edward Wanderley, a trouvé la mort dans des circonstances assez mystérieuses (il serait mort de peur), de se réunir chaque semaine pour se raconter des histoires de spectres qu'ils ont réellement vécues.

Entre les quatre hommes, la tension est presque palpable. Tous ont peur non d'eux-mêmes mais de quelqu'un ou de quelque chose extérieur à leur cercle, quelqu'un ou quelque chose que tous, tant qu'ils sont, ils se refusent à nommer et qui a réapparu dans leur existence le soir même de la mort d'Edward.

Comme panacée, Rick finit par proposer d'appeler à la rescousse le propre neveu du mort, Donald Wanderley. Pourquoi celui-ci leur apparaît-il comme un recours ? C'est qu'il est écrivain et a fait paraître un livre reprenant des thèmes surnaturels ...

Comme toujours chez Straub, l'intrigue est touffue et le style, dense. Comme toujours encore, il faut lire ce roman à tête reposée et ne pas hésiter à revenir en arrière. Straub fait en effet confiance à son lecteur et à son sens de l'observation et de la déduction. De plus, comme je l'ai déjà signalé, il aime bien jongler avec la chronologie. Et puis, il a un faible pour un nombre assez élevé de personnages et de sous-intrigues, lesquelles n'ont rien à voir en apparence avec l'intrigue centrale - mais en apparence seulement ...

L'un des meilleurs romans d'épouvante - et aussi l'un des plus novateurs - du XXème siècle. ;o)