Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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Policiers, romans noirs & C°.

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dimanche, mars 2 2008

Scalpel - John Harvey

Cutting edge Traduction : Jean-Paul Gratias

Troisième tome des aventures de Charlie Resnik, le policier britannique d'origine polonaise qui, après son divorce, se consacre à ses quatre chats auxquels il a donné les prénoms des grands jazzmen qu'il aime écouter à ses heures de répit, "Scalpel" débute sur un parking d'hôpital où le jeune interne, Tim Fletcher, réintégrant ses pénates après vingt-et-une heures de travail non-stop, se fait sauvagement agresser par un inconnu. Bilan : de nombreuses blessures au visage, aux mains et au jarret. C'est comme si on avait voulu lui enlever son physique et ses brillantes possibilités professionnelles puisqu'il a choisi la chirurgie.

Le Dr Fletcher sortait depuis peu avec Karen Archer, une jeune étudiante en lettres anglaises avec laquelle il avait rendez-vous le soir de l'agression. La jeune fille sortait avec lui depuis qu'elle avait rompu avec un étudiant en médecine et fils à papa du nom de Ian Carew.

Très vite, l'agent Lynn Kellog sent que la personnalité de Carew n'est pas très claire. Est-ce pour autant qu'il faut lui imputer l'agression de l'infirmier Karl Dougherty dans des toilettes publiques alors qu'il sortait d'un bar d'habitués, puis le meurtre d'Amanda Hooson, ex-stagiaire à l'hôpital ?

Une intrigue rondement menée où Harvey, une fois de plus, fait preuve d'une efficacité "simenonienne" pour dépeindre ses personnages, aussi bien ses policiers que ses victimes et ses assassins dans leur vie de tous les jours. Le mobile des crimes est à la fois original et terriblement vraisemblable - surtout à notre époque - même si en France, ce genre d'affaires est en général étouffée par le Conseil de l'Ordre. Glaçant par conséquent pour le lecteur qui finit par se dire : "Et si c'était à moi que ... ?"

Lisez "Scalpel" de John Harvey : vous ne serez pas déçu. ;o)

Coeurs Solitaires / Les Etrangers dans la Maison - John Harvey

Lonely Hearts Rough Treatment Traduction : Jean-Paul Gratias

Auteur britannique publié chez "Rivages Noirs," on lui doit le personnage de Charlie Resnick, policier d'origine polonaise que sa femme quitte pour suivre un agent immobilier et qui, comme ils n'ont pas eu d'enfant, consacre désormais sa vie à son travail et à ses quatre chats.

Resnick est un aficionado de jazz (il a d'ailleurs donné à chacun de ses chats le prénom d'un "grand" jazzman, dont Dizzy Gillepsie.) Comme la majeure partie des policiers connus et moins connus de la littérature mondiale, il se nourrit très mal, la plupart du temps de sandwichs bien gras et bien dégoulinants qui débordent de cornichons. Il est aussi amateur de vins.

La "saga" de Resnik débute avec "Coeurs Solitaires", histoire d'un tueur en série qui recrute par petites annonces. Harvey en profite pour nous brosser le portrait de l'équipe qui, au fil des ouvrages, continuera à entourer son héros : Lynn Kellog, seule femme de l'équipe, engagée pour satisfaire aux "quotas" britanniques, qui vit en ménage avec une espèce de cycliste-fantôme, plus préoccupé à se raser soigneusement les poils des jambes qu'à toute autre chose ; Dispatk Patel, d'origine pakistanaise, jeune homme courtois mais efficace, qui a pu trouver sa place dans la police, son rêve de toujours, justement parce que lui aussi, comme Lynn, appartenait à une minorité, celle-là ethnique ; Mark Divine, qu'on pourrait surnommer "le beauf de service", officier efficace bien qu'assez brutal, que seul sa qualité de policier empêche d'adhérer à l'équivalent britannique du F.N. ; Kevin Naylor, jeune marié dont le premier-né crée certaines tensions dans le couple et Graham Millington, le plus âgé de la bande, qui, lui, n'a pas d'enfant mais une épouse toujours occupée à courir les "cours du soir" des MPT. Millington est un fan de Petula Clark.

"Coeurs Solitaires" permet aussi à Harvey d'introduire le personnage de Marian, amie d'enfance de Resnick, elle aussi issue du milieu des émigrés polonais mais qui, contrairement à Resnick, se veut avant tout et exclusivement "polonaise" bien que, pour sa part, elle soit née à Londres.

Ce n'est guère par le style que Harvey évoque Simenon. Et pourtant, pierre par pierre, il nous restitue la société qu'il connaît, la société anglaise des années 80/90, rongée par les méfaits du Thatcherisme, par les inégalités sociales de plus en plus importantes, le chômage qui s'étend comme une nappe de poison et la violence qui monte : tueurs en série qui n'ont rien à envier à leurs homologues américains (même si Harvey se défie du "gore"), pédophiles parfois incestueux, drogués de plus en plus nombreux et même, ici et là, hooligans enragés.

Harvey est donc une atmosphère dont on s'imprègne et où s'animent des personnages rarement manichéens. Le personnage de Jerzy-Jerry, dans le second volume de la série, "Les Etrangers dans la maison", le démontre amplement : au départ, deux "casseurs" qui, aidés par une source dont l'identité se dévoile progressivement au fur et à mesure que progresse l'ouvrage, ne s'attaquent qu'à des maisons riches et vidées de leurs occupants et dont le système d'alarme est toujours pris en défaut.

Chez les Roy, ils tombent sur l'épouse et aussi sur un coffre-fort recelant un kilo d'héroïne. Mais une idylle va se nouer entre Jerzy-Jerry, le plus anticonformiste des deux braqueurs et Mrs Roy, que son mari délaisse plus ou moins. Et puis, bien entendu, le dealer qui avait confié son héroïne à Harold Roy le temps pour lui de se trouver une nouvelle planque, va venir réclamer son dû.

Prochain épisode : "Scalpel." ;o)

Le Vilain Petit Canard - Martha Grimes

The Dirty Duck Traduction : Philippe Rouard

Afin de parer aux sombres manoeuvres de sa tante Agatha, avide de lui imposer pour les vacances et, si possible, à Ardry End, toute une nichée de cousins américains répondant au nom poétique des "Randolph Bigget", Melrose Plant s'est offert une villégiature à Stratford-on-Avon, ville natale du Grand Will. Il s'y rend avec d'autant plus d'empressement qu'il compte y retrouver Richard Jury, à nouveau dépêché par Scotland Yard sur une nouvelle affaire. Malheureusement, c'est une affaire qui, il faut bien le dire, regorge de touristes américains.

La première victime, Gwendolyne Bracegirdle, a été retrouvée égorgée et éventrée dans l'une des rues paisibles de Stratford. Elle participait à un voyage organisé par la Compagnie du Chèvrefeuille, initialement basée à Atlanta et orientée vers les clients très, très riches. Et, pendant que Gwendolyne se faisait assassiner, le fils de James Farraday, autre membre de ce voyage, était kidnappé.

C'est d'ailleurs sur les instances de Farraday Père, convaincu qu'il n'existe que deux polices valables de par le monde, le FBI et Scotland Yard, que Jury s'est vu refiler l'affaire, au grand déplaisir de son éternel supérieur hiérarchique, le commissaire Racer. Mais, bien qu'il soit, comme d'habitude, assez content de jouer un mauvais tour à son chef, Jury se serait bien passé de pareille faveur. Enfin, heureusement, il a réussi à se faire adjoindre le sergent Wiggins et puis, bien sûr, il sait qu'il pourra compter sur l'aide de Melrose Plant ...

Avec le talent unique qui est le sien pour entrer en contact avec les protagonistes d'une affaire criminelle avant que Jury lui-même les ait interrogés, Plant a été le premier à faire connaissance avec les voyages du Chèvrefeuille, en la personne de Harvey L. Schoenberg - Harve pour les intimes - jeune célibataire littéralement obsédé par son bébé "Ishi" (= son ordinateur portable) et le livre qu'il prépare sur la mort de Cristopher Marlowe, relation de Shakespeare qui mourut assassinée dans une taverne à l'âge de 24 ans.

La théorie de Harvey, c'est que Shakespeare en personne, horriblement jaloux de Marlowe, a payé des sbires pour le tuer à coup de dague. Théorie qu'il étaye à grand renfort de citations élisabéthaines - manie qui énerve prodigieusement Melrose Plant, touché ici dans sa qualité même de concitoyen du Grand Will et profondément agacé toutes les fois que Harvey l'appelle : "Mel."

Quant au "Vilain Petit Canard", vous aurez deviné sans peine qu'il s'agit d'un énième pub, se dressant donc à Stratford et possédant la particularité d'une double enseigne : le Canard, c'est la partie bar mais le restaurant s'appelle "Le Cygne Noir."

Le moins que l'on puisse écrire, c'est que la ville shakespearienne par excellence ne portera bonheur ni aux Farraday (encore que ...) ni aux voyages du Chèvrefeuille.

Un roman allègre où des morts guère sympathiques s'effondrent dans un jeu de quilles sanglant et où l'assassin se révèle capable d'un amour aussi profond que les héros de Shakespeare. Le tout parsemé de remarques pleines d'humour sur les tics des Américains en voyage. ;o)

samedi, mars 1 2008

Le Collier Miraculeux - Martha Grimes

The Anodyne Necklace Traduction : Didier Sénécal

Martha Grimes poursuit sa tournée des pubs anglais aux noms insolites puisque, ainsi qu'elle nous en fait part dans une petite note placée en tête de ce roman et avec fac-similé à l'appui, la City a réellement abrité un débit de boissons portant le nom qui donne son titre à l'ouvrage. Pour les besoins de l'action, elle l'a simplement déménagé jusqu'à l'East End, quartier évidemment infiniment moins reluisant.

Car c'est dans le métro londonien que débute "Le Collier Miraculeux", à la station Stepney Green où la toute jeune Kathie O'Brien (16 ans) joue un ou deux airs de violon afin de se faire un peu d'argent pour s'acheter ces robes à la mode qu'elle aime tant mais que sa mère lui refuse. Hélas ! Concentrée sur son instrument, elle ne remarque pas une silhouette menaçante et s'effondre, victime de ce que l'on appelle "le coup du lapin."

Kathie était originaire de Littlebourne, un "village assez banal situé à une soixantaine de kilomètres de Londres." Un village tranquille également où la présence du Yard, en la personne du commissaire Richard Jury et du fidèle sergent Wiggins, est cependant requise afin d'enquêter sur le corps d'une femme découvert par un chien dans les bois de Horndean. Détail macabre et en apparence incompréhensible : deux des doigts de la malheureuse avaient été sectionnés, puis rejetés sur l'herbe.

Ajoutez à cela une curieuse histoire de lettres anonymes écrites aux crayons de couleur, puis expédiées en vrac dans un grand sac plastique à la poste du coin afin que la préposée les distribue sans autre forme de procès aux habitant de Littlebourne et vous aurez une idée assez exacte de l'intrigue.

S'étant débarrassé non sans ruse de sa tante Agatha, Melrose Plant débarque à Littlebourne pour y donner un coup de main à son vieil ami Jury. Ce sera pour lui l'occasion d'y croiser une foule de personnages pittoresques : la tribu Bodenheim, une famille de hobereaux horriblement snobs qui tiennent absolument à demeurer les seuls "aristocrates" du coin ; Polly Pread, écrivain spécialisée dans les romans policiers et dont l'un des passe-temps favoris est de s'exercer à ce dur métier en couchant sur le papier les mille-et-une morts qu'elle imagine justement pour les Bodenheim ; les soeurs Craigie, Ernestine, ornithologue distinguée et tyranneau en jupons, qui a découvert le corps, et sa soeur Augusta, "grise comme une souris," dont l'existence est si morne qu'elle se glorifie de l'unique lettre anonyme qui lui a été adressée ; et bien sûr la petite Emily Louise Perk, authentique garçon manqué et lad unique et favori des Bodenheim, qui n'a pas son pareil avec les chevaux et qui occupe ses rares moments de loisirs à consommer citronnade sur citronnade et à colorier ses albums de dessins.

Face à ce déploiement rural, les personnages londoniens appelés à jouer un rôle déterminant dans l'affaire ne sont pas en reste, qu'il s'agisse des habitués qui se réunissent au "Collier Miraculeux" pour jouer au jeu "Sorciers & Guerriers" ou encore de Ash Cripps (dit "Ash le Flash") et de sa famille.

L'un des meilleurs livres de Grimes : contrairement à "L'Inconnue ..." et à "L'Auberge ...", tout s'y tient, du début jusqu'à la fin. Le rythme ne faiblit pas et même sans Agatha mais grâce à la triple performance des Bodenheim (les parents, notamment), de Polly Pread et de la petite Emily-Louise, on s'amuse bien.

La note romantique est superbement assurée par Cyril Mecenary, le professeur de musique de Kathie, lorsqu'il apprend la mort de la jeune fille.

L'assassin enfin est vraiment insoupçonnable jusqu'au chapitre ...

Non, je ne vous dirai pas le numéro : achetez "Le Collier Miraculeux", vous verrez bien. ;o)

L'Inconnue de la Crique - Martha Grimes

The Lamorna wink Traduction : Alexis Champon

Ca débute sur des chapeaux de roue avec un Melrose Plant décidé à acquérir ou louer une résidence en Cornouailles et une Agatha Ardry bien résolue à se faire agent immobilier (oui : inutile de rire, cette femme est imperméable à l'humour !)

Finalement, Melrose jette son dévolu sur le manoir de Seabourne, somptueuse demeure des Bletchley, lesquels ont renoncé à y vivre après qu'on eût retrouvé sur la plage, noyés, les deux jeunes enfants de la famille : Noah et Esmé. Le crime n'avait jamais été résolu, au grand dam de l'inspecteur Macalvie, autre personnage récurrent de l'univers de Martha Grimes qui a planté quelques unes de ses intrigues dans ces Cornouailles anglaises qui inspirèrent à Agatha Christie ce chef-d'oeuvre absolu qui s'appelle : "Dix Petits Nègres."

La tragédie qu'a vécue Seabourne pèse encore sur le village où le grand-père, Morris Betchley, s'est retiré après la mort des enfants pour y fonder une institution pour vieillards. Américain et bussinessman redoutable ayant bâti un véritable empire de fast-foods où l'on mange bien (Grimes est elle-même américaine et émet ici un voeu pieux que partagent nombre d'Européens), Betchley est l'une des figures les plus sympathiques du roman.

Bien sûr, toute cette histoire intrigue Melrose qui entreprend de faire son curieux. Pour une fois, Richard Jury, retenu en Irlande par une mission spéciale ayant trait aux agissements de l'IRA, n'arrivera pour le soutenir qu'à la toute fin du livre. Fort heureusement, Plant s'entend plutôt bien avec Macalvie.

Il flâne donc de-ci, de-là dans le village qui est bientôt à nouveau troublé par l'annonce de la découverte d'un corps de femme dans une petite crique. Chris Wells, propriétaire du restaurant du coin, s'est en effet évanouie dans la nature il y a quelques jours, laissant son neveu, Johnny, dans le plus grand désarroi : se pourrait-il que ce nouveau cadavre et Chris ne fissent qu'un ... ?

Il y a une chose qu'on ne peut nier : c'est que l'intrigue est bien enlevée et titille en abondance la curiosité du lecteur. J'ai cependant trouvé, là encore, que la fin où interviennent les snuff movies, péchait par son invraisemblance.

Mais, une fois de plus, c'est l'atmosphère et la chaleur des personnages familiers qui priment. Je vous recommande tout particulièrement les passages londoniens où l'on voit les collègues de Jury et le chat Cyril se morfondre dans l'attente de son retour.

Ceci ne reste bien évidemment qu'un avis personnel. Si vous lisez "L'Inconnue de la Crique", peut-être ne le partagerez-vous pas. N'hésitez donc pas à venir en faire part ici. ;o)

L'Auberge de Jérusalem - Martha Grimes

Jerusalem Inn Traduction : Dominique Wattwiller

Encore un nom de pub pour un roman à mon avis mineur. Pourtant, ce n'est pas là mais dans un cimetière enneigé, à l'époque de Noël, que Richard Jury, en partance pour Newcastle où il compte faire acte de présence auprès de sa cousine pour les fêtes de fin d'année, rencontre Helen Minton, une jeune femme "(évoquant) les figures longilignes sur les affiches des années 20."

Toujours célibataire mais toujours gentleman, notre inspecteur de Scotland Yard est bien décidé à la revoir après les vacances. Mais si son souhait se réalise, ce sera de manière bien cruelle car, quand il la revoie, elle est morte. Empoisonnée.

Bien que non concerné, territorialement parlant, par ce décès abrupt, Jury fait des pieds et des mains pour que l'inspecteur Cullen, en charge de l'affaire, admette qu'il vienne marcher sur ses plates-bandes. Indice par indice, il va s'apercevoir qu'une piste intéressante mène tout droit au manoir de Charles Seaingham, célèbre critique d'art londonien.

Je ne vous conterai pas par le menu comment Melrose Plant et son épouvantable tante par alliance, Agatha Ardry, flanqués de Vivian Revinton, finiront par se retrouver aussi chez Charles Seaingham, en compagnie de Jury. L'intrigue est copieusement alambiquée et, bien qu'on sourie souvent, paraît parfois un peu trop artificielle. La fin d'autre part m'a parue tirée par les cheveux.

Malgré tout, l'univers créé par Martha Grimes tient toujours la route. Il se trouve simplement que, comme toujours avec des personnages récurrents, surtout dans un roman policier, l'inégalité soit au rendez-vous.

Que cela ne vous détourne pas de Grimes : je compte relire tous ses romans et en parler régulièrement sur ce blog et je vous assure qu'il y en a quelques uns (comme le "Vilain Petit Canard") qui valent vraiment le détour. ;o)

Le Mauvais Sujet - Martha Grimes

The Man with a load of Mischief Traduction : Didier Sénécal

Martha Grimes est, avec Elisabeth George, la plus british des romancières américaines. Si vous ne connaissez pas encore son univers, procurez-vous "Le Mauvais Sujet", premier volume des aventures de son tandem fétiche : l'inspecteur principal Richard Jury et l'aristocrate oisif Melrose Plant.

Beaucoup de ses intrigues se déroulent à Long Piddleton, village perdu du nord de l'Angleterre qui n'en regorge pas moins de personnalités pittoresques . Première d'entre elles, Melrose Plant, châtelain d'Ardry End qui, pour avoir refusé de siéger à la Chambre des Lords, a renoncé du même coup à son titre nobiliaire. Séduisant et célibataire, Melrose est aussi, ce qui ne gâte rien, d'une intelligence aiguë doublée d'un sens de l'humour typiquement britannique. Petit détail révélateur : il est capable de trouver les solutions des mots croisés du Times en 15 minutes.

Dans son orbite, traîne presque toujours sa tante par alliance, Agatha Ardry. Née américaine, la malheureuse n'a pas été gâtée par sa créatrice qui, avec une bonne humeur contagieuse, l'a chargée de défauts impardonnables : vulgarité de parvenue, degré zéro de l'humour, snobisme enragé, obsessions de pique-assiette, orgueil de dindon se rengorgeant en pleine basse-cour, etc, etc ... Sans oublier une curiosité de pie voleuse qui lui vaudra parfois pas mal de désagréments.

Son neveu ne la supporte absolument pas et l'une de ses distractions favorites est de la faire tourner en bourrique.

Autre personnage récurrent : Marshall Trueblood, l'antiquaire, dit "Marsha", qui se veut homosexuel même si, laissé à lui-même, il pratique plutôt une bisexualité bien comprise.

Enfin, c'est dans "Le Mauvais Sujet" (qui n'est autre que l'enseigne d'une auberge) qu'apparaît pour la première fois le grand amour de Richard Jury, Vivian Rivington.

Signalons encore Mrs Withersby, "cas social" de service, qui a un faible pour les proverbes sentancieux et pour le gin.

Dans ce petit monde, débarquent un jour, en provenance de New Scotland Yard, Richard Jury et le sergent Wiggins (grand hypocondre devant Esculape), venus résoudre ce qui ressemble fort aux agissements déments d'un tueur en série aux mobiles indéchiffrables.

Un premier cadavre, celui d'un client de passage nommé William Small, vient en effet d'être découvert dans la cave à vins du "Mauvais Sujet." L'homme avait été étranglé avec un morceau de fil de fer, puis on lui avait enfoncé la tête dans un tonneau plein.

Peu après, le corps d'un autre client, également de passage mais cette fois-ci à "La Forge", avait été déposé en lieu et place du pantin de bois figurant un forgeron qui forme la moitié de l'enseigne de cette auberge. Etranglé lui aussi selon le même modus operandi. Dans son lit, on avait trouvé le pantin.

L'arrivée du Yard ne mettra pas fin à l'hécatombe. Mieux : on découvrira le corps, cette fois-ci enterré, de l'employée de maison du pasteur et on acquerra vite la preuve que la mort de la malheureuse avait précédé les autres meurtres. Mais que sont devenus le bracelet dont elle ne se séparait jamais et le journal intime auquel elle confiait ses multiples exépériences sexuelles ?

Bref, un roman alerte, sans prétention, où le lecteur s'amuse tout en se creusant les méninges. Que demande le peuple ? ;o)

vendredi, février 29 2008

Les Morts de la Saint-Jean - Hennig Mankell

Steget Efter Traduction : Anna Gilson

Voilà un roman absolument désespéré - ce qui ne l'empêche d'ailleurs pas d'être passionnant. Il débute sous la pluie, le jour même de la Saint-Jean, sous les yeux d'un homme dont le lecteur comprend immédiatement qu'il va tuer. De fait, après avoir joué au voyeur pendant leur pique-nique, il abat trois jeunes gens avant de se verser un verre de vin, puis de prendre les cadavres en photo. Nous sommes le 22 juin 1996.

Un mois et demi plus tard à peu près, nous retrouvons le commissaire Kurt Wallander qui vient d'enterrer son père. A la brigade, la routine suit son train. Sauf que deux petits détails vont vite tracasser Wallander : tout d'abord la visite de Mme Hillström, dont la fille est censée être partie sans prévenir dans un grand tour d'Europe en compagnie d'une bande de copains, et qui s'incruste dans le bureau de Hansson, affirmant que la carte qu'elle vient de recevoir n'est pas, en dépit de l'écriture et de la signature, de la main d'Astrid ; puis le téléphone qui sonne à vide chez leur collègue Svendberg, homme pourtant connu pour ses habitudes quasi maniaques de ponctualité.

Wallander et ses hommes vont découvrir Svendberg abattu de deux balles dans la tête dans son appartement. Seul indice qu'ils auront un peu de mal à découvrir : la photo d'une femme prénommée "Louise." Plus il la regarde et plus Wallander se dit d'ailleurs qu'un détail ne lui revient pas : mais que diable cela peut-il bien être ?

Et puis, bien sûr, on retrouve le cadavre d'Astrid et des amis avec lesquels elle était soi-disant partie en voyage : habillés, emperruqués, réunis autour d'un pique-nique en pleine putréfaction. La police scientifique conclut très vite que les corps ont été immédiatement enterrés après leur mort et protégés dans des sacs-poubelles, de façon à les conserver dans un bon état relatif. N'empêche : ils ont souffert car il a fallu un certain temps avant que des promeneurs ne tombent sur la macabre mise-en-scène.

__Ce qu'il y a de plus désespéré sans doute dans ce livre, c'est que l'auteur nous dépeint un tueur qui ignore en fait pourquoi il tue. Parce qu'il a été rejeté ? Parce qu'il n'aime pas les gens heureux, comme le suggère l'un des collègues de Wallander ? Parce qu'il est complètement fou ? Outout simplement parce qu'il est la proie d'un mal innommable qui dévore la société suédoise ?

Au lecteur de tirer ses propres conclusions. ;o)

L'Homme Qui Souriait - Hennig Mankell

Mannen som log Traduction : Anna Gilson

Hennig Mankell, c'est avant tout une tristesse indéfinie et tout un cortège d'angoisses brumeuses qui chuchotent et se traînent sur les routes de Scanie, au sud de la Suède contemporaine. Angoisses existentielles du héros, le commissaire Kurt Wallender, toujours à se poser des questions sur son père, lequel n'a jamais fait que peindre et repeindre le même tableau, un soleil couchant qui ne se couchait jamais (où était-ce un soleil levant qui ne ... ?) Angoisses profondes d'un pays où l'insécurité monte en flèche et où la violence s'est banalisée en même temps que s'installait la haine des forces de l'ordre. Angoisses aussi d'un monde où tout va désormais beaucoup plus vite sans que l'on puisse rien y faire.

Alors, bien sûr, il faut aimer parce que, surtout dans certains ouvrages de l'auteur (je conserve le souvenir d'un "Meurtriers sans visages" qui m'avait vraiment semblé tourner en rond sur lui-même dans son nihilisme), c'est très difficile à supporter.

Cependant, si vous avez déjà fait connaissance avec la Suède peinte par Walhöö et Sjöwall dans leurs romans des années soixante, cette Suède désespérément grise et ouatineuse, où les cris des assassinés s'étouffent dans la neige, la pluie et le brouillard, où le suicide reste toujours une éventualité acceptable pour échapper à un hiver qui dévore le soleil, vous ne serez pas tout à fait dépaysé : finalement, la Suède de Mankell, ce n'est que le cran au-dessus.

Bien que Mankell ne soit pas à lire en toutes circonstances - si vous comptez faire un court séjour à l'hôpital pour un check-up ou une intervention bénigne, n'emportez rien de lui, fiez-vous plutôt à Wentworth ou à Perry - il n'en demeure pas moins un romancier habile, pas toujours où on l'attend d'ailleurs. Une histoire de meurtre bien sanglante telle que "La Cinquième femme", a quelque chose de morne alors que, avec "La Muraille Invisible", il signe un polar centré sur l'informatique qui non seulement peut être lu par le profane mais accomplit le rare tour de force d'entraîner le lecteur dans une aventure fascinante.

Dans "L'Homme qui souriait", il n'y est absolument pas question d'informatique mais de meurtres maquillés en accidents sur fonds de malversations et de traffics inavouables et c'est l'un des meilleurs Mankell que j'aie lus : sombre (ces paysages du début, avec leurs dunes sous la pluie, alors que Wallander se demande si, oui ou non, il va démissionner), amer, suintant la peur et le désenchantement. La fin est "heureuse". Enfin, disons qu'elle est morale puisque le Grand Méchant - qui est vraiment un Grand Méchant - finit par tomber et on le regrette car elle fait un peu appliquée, elle ne colle pas avec ce que nous savons de ces hommes de pouvoir qui se livrent à des actes peu recommandables, se font parfois piéger par des policiers ou des juges extrêmement habiles et concernés et qui, cependant, finissent par échapper à un châtiment mérité.

Et comme toujours chez Mankell, il y a "le" petit détail fantastique, presque expressionniste : les peintures de guerre du "Guerrier solitaire", les corps enterrés puis déterrés des "Morts de la Saint-Jean" ... et, pour "L'Homme qui souriait", une chaise abandonnée au beau milieu d'une route solitaire, avec un mannequin assis.

Un polar honorable donc qui devrait vous faire passer un excellent moment. ;o)

Et Tombent les Filles - James Patterson

Kiss the girls Traduction : Philippe R. Hupp

Pour être franche, j'ai d'abord ignoré ce livre : je m'imaginais - à tort - qu'il ne s'agissait que d'une énième variante sur le thème du tueur en série obsédé par le sexe.

Et puis, finalement, poussée par un profond désir de polar (ça ne vous arrive jamais, à vous ? ;o)), je l'ai lu de bout en bout et finalement ... ce n'est pas si mal troussé.

Les faiblesses: le style qui est parfois un peu trop ... comment dire ? ... bourré de clichés, notamment sur l'univers familial des Noirs américains - un peu trop sirupeux en fait ; j'ai jugé également que la fin, fort bien amenée au demeurant, faisait un peu "plaquée" ; quant à la survie de Kate, elle me paraît douteuse et digne d'un feuilleton style "Dallas."

Les forces : une rigueur exemplaire dans la construction de l'intrigue proprement criminelle ; une originalité certaine dans la psychologie des tueurs - parce qu'ils sont deux ; bref, quelque chose d'immensément glauque et pervers qui, en revanche, n'a pas été exploité jusqu'au bout (homosexualité latente du "Gentleman" par exemple).

N'empêche, le tueur principal, "Casanova", paraît tout de même inachevé : il est noir, il est complètement fou et probablement shizophrène mais, s'il fait montre parfois d'un certain panache, il n'a pas ce "plus" qui crée l'archétype. Et pourtant, il en avait le potentiel - et c'est ça qui est rageant.

En dépit de tout, ces insuffisances m'ont incitée à racheter un autre roman de James Patterson ... dès que je le pourrai. Hier, je pensais en trouver chez Auchan : évidemment, il n'y en avait plus un seul !!!!

La Mue du Serpent - T. Jefferson Parker

Where Serptent lies Traduction : Dominique Wattwiller

Voici un auteur sur lequel je suis tombée tout à fait par hasard au supermarché et dont j'ai acheté le roman également par hasard, plus par désoeuvrement que par réelle conviction.

Eh ! bien, j'ai été très agréablement surprise, à un point tel que j'espère me procurer les autres ouvrages de l'auteur, à commencer par "Coup de Blues", également paru chez Pocket.

"La Mue du Serpent" se déroule dans le comté d'Orange, en Californie et met en scène l'inspecteur Terry Naughton, chef de la toute neuve brigade des Crimes contre les Mineurs. Un pédophile qui enlève des fillettes et les abandonne ensuite en liberté, sans les avoir violées ou torturées mais en leur ayant passé des vêtements démodés, se trouve dans le collimateur de la brigade. Sur une bande adhésive utilisée lors de l'un des rapts, l'individu s'est surnommé lui-même "Horridus", par référence vraisemblable à l'espèce du serpent à sonnettes qui faillit devenir l'emblème des Etats-Unis avant que l'aigle américain ne le coiffe au poteau.

C'est l'histoire de cette traque qui constitue le pivot central du roman. En arrière-plan, la vie affective plutôt agitée de Naughton et une sombre manipulation qui vise à le faire passer lui-même pour pédophile. Et puis, bien sûr, des flashs sur la personnalité de Horridus ainsi qu'une réflexion (parfois pénible parce que détaillée) sur la façon dont la pédophilie est traitée par la société américaine, si protectionniste en matière de famille. L'ombre caricaturale de la Mère américaine castratrice plane là-dessus de façon oppressante - plus terrifiante en elle-même par ses agissements dénués de tout amour envers sa progéniture mâle que, sans excuser un seul instant les horreurs dont Horridus s'est rendu coupable, on ne peut dissocier un seul instant les premiers des secondes.

Côté style, ça ne casse sans doute pas des briques - Lehane a plus de recherche. Mais le rythme est bien soutenu et le lecteur captif d'un bout à l'autre du roman. Si vous avez envie d'essayer ...

Le Sang du Renard - Minette Walters

Fox Evil Traduction : Odile Demange

Inférieur de beaucoup à "La Disparue ..." ou encore à "Un serpent dans l'ombre", "Le Sang du Renard" ressemble à un ouvrage de commande, bouclé pour répondre aux pressions de l'éditeur.

Histoire alambiquée, là encore : les Jolly-Renard ont négligé leurs deux enfants, Leo et Elizabeth, qui, devenus adultes, n'en finissent pas de faire des bêtises. Leo est un joueur invétéré et Elizabeth, une espèce de nymphomane. A 17 ans, elle a d'ailleurs eu une petite-fille que sa grand-mère, Aysla, s'est empressée de confier aux services d'adoption. L'enfant s'en est d'ailleurs fort bien sortie puisqu'elle est devenue officier de l'armée britannique.

Mais voilà que Aysla Jolly-Renard est retrouvée morte sur la terrasse de la demeure qu'elle partage avec le colonel, son époux. Des rumeurs courent : ne serait-ce pas celui-ci qui l'aurait enfermée dehors, afin qu'elle y pérît de froid ? En parallèle, le vieil homme commence à recevoir une foule de coups de fil l'accusant d'être le père de l'enfant abandonné par sa fille. Venu passer la Noël chez son client, Mark Ankerton, le notaire du colonel Jolly-Renard, va tenter de résoudre l'intrigue où se trouvent désormais mêlés une bande d'itinérants bien décidés à réclamer une parcelle de terrain attenante à la propriété des Jolly-Renard.

Pendant les deux premiers tiers du livre, tant bien que mal, on suit, et plutôt avec plaisir. On échafaude des hypothèse, on frissonne volontiers, on se dit que ... mais aussi que, pourtant ... etc, etc ... L'intensité dramatique atteint même un tel degré entre l'enfant dénommé Petit Loup et le terrible itinérant surnommé Renard et qui affirme être son père que, lorsque la situation se met à se décanter, on comprend tout de suite que la solution proposée par Minette Walters ne saurait convenir. C'est du bâclé, bourré de bons sentiments, qui efface en quelques chapitres peu crédibles l'assassinat d'une mère et d'un petit-frère sans oublier une petite enfance placée sous le signe de la terreur quotidienne.

Bref, si vous voulez lire Minette Walters, ne commencez pas par "Le Sang du Renard", qui vous décevrait. ;o)

La Disparue de Collinton Park - Minette Walters

Disordered Minds Traduction : Odile Demange

Minette Walters, auteur anglaise éditée chez Pocket, a autant d'admirateurs que de détracteurs. Les premiers sont sensibles à l'art d'une intrigue souvent alambiquée et qui, par l'insertion de coupures de journaux ou de mails, tend à donner à ses romans une tournure assez spéciale. Les seconds la trouvent justement trop alambiquée, voire fumeuse.

Je l'avoue, j'aime trop le complexe pour ne pas savourer la plupart de sa production - à quelques rares exceptions près. "La Disparue de Collinton Park" - en anglais : "Esprits dérangés" - est à mon avis l'un de ses meilleurs opus.

Jonathan Hughes est un brillant anthropologue qui n'a jamais accepté d'avoir un père de race noire et une mère asiatique. Ce "roman familial" l'a donc poussé à s'intéresser à tout ce qui est ou passe pour marginal et, au tout début du roman, il vient d'écrire un livre - un succès de librairie d'ailleurs - traitant de certaines affaires criminelles ayant mis en cause des êtres "différents."

Dans cet ouvrage, il a pris très nettement position pour la révision du procès de Howard Stamp, un jeune homme non mature émotionnellement parlant et doté d'un bec-de-lièvre qui le faisait repousser par tous, sauf par sa grand-mère, Grace Jaffries. Il se trouve que Grace a été découverte assassinée et que l'enquête - fort mal menée, avec des zones d'ombre - a conclu à la culpabilité du jeune homme qui finit par se suicider en prison.

Le succès du livre a attiré l'attention d'une conseillère municipale de la ville où a eu lieu le meurtre, George Gardener. Or, Miss Gardener, pas plus que Jonathan, ne croit à la culpabilité de Stamp. Ensemble, après bien des péripéties - à leur première entrevue, on ne peut vraiment pas dire qu'ils étaient destinés à faire équipe - il vont dévoiler une vérité aussi complexe que dérangeante.

En dépit d'un début un peu brouillon, un livre qui se lit avec un plaisir croissant. En un mot comme en cent : un bon roman policier, à lire pendant un week-end pluvieux, bien au chaud chez soi. ;o)

Koko - Peter Straub

Koko Traduction : Bernard Ferry

Je me suis procuré "Koko" qui paraît chez Pocket mais que j'ai déniché dans une librairie d'occasion seulement - chez Gibert-Jeune pour ne pas la citer. Il s'agit du premier tome de la trilogie "Blue Rose" et, contrairement à "La Gorge", l'ouvrage est rédigé à la troisième personne.

Si "Ghost Story" est bien un récit d'horreur qui reprend les codes habituels à ce type de récit et rend hommage à quelques maîtres, "Koko", lui, tient bien plus du thriller classique avec tueur en série complètement fêlé. (C'est la raison pour laquelle ce fil se retrouve ici.)

Le roman débute par un rassemblement officiel de vétérans du Viêt-Nam qui permet aux survivant d'une compagnie de se retrouver et de se pencher sur une série de meurtres particulièrement sanglants commis récemment en Thaïlande. Le modus operandi est toujours le même : la victime est mutilée (oreilles et yeux) post mortem et l'on retrouve dans sa bouche une carte à jouer qui porte au verso le mot "Koko" en guise de signature.

C'est l'ancien lieutenant Harry Beevers - personnage au demeurant des plus antipathiques, je vous laisse le découvrir - qui propose à ses anciens camarades - Michael Poole, un pédiatre en renom, Tina Pumo, un restaurateur connu et Conor Linklater, simple ouvrier - de se lancer à la poursuite du tueur. Pour Beevers, reconverti dans le civil en qualité d'avocat et exemple-type de l'arriviste à l'américaine, il n'y a pas de doute : Koko n'est autre que leur ancien camarade, Timothy Underhill. Après la déroute, Underhill était devenu écrivain mais s'était installé à Bangkock.

Comme j'avais déjà lu "La Gorge", je savais déjà que Tim Underhill ne pouvait être Koko. Mais j'ajouterai que, dès le départ, Straub nous fait comprendre que, à l'exception du détestable Harry Beevers, personne ne croit Tim capable de telles horreurs.

Je précise aussi que Harry Beevers n'est pas Koko - même s'il porte une lourde part de responsabilité dans l'émergence du tueur.

Malgré quelques longueurs - Straub aime à raconter et a du mal à quitter ses personnages - "Koko" demeure un roman passionnant, à recommander à tous les amateurs de polars dits "psychologiques", surtout s'ils apprécient les "pavés." La richesse des personnages et la façon tout à fait exceptionnelle, à la fois pleine de tendresse et d'une incommensurable tristesse, avec laquelle Straub décortique leurs labyrinthes comportementaux ainsi que la guerre du Viêt-Nam et l'intolérable pression de la religion aux USA ne peuvent que retenir l'attention. ;o)

La Vallée des Ténèbres - Peter Robinson

The Hanging Valley Traduction : Henri Yvinec

Le temps me pressant un peu ce soir (ou ce matin, comme vous voulez ;o) ), je ne vous dresserai pas un résumé très détaillé de "The Hanging Valley" (littéralement : la vallée suspendue) que les éditeurs français ont cru bon de rebaptiser assez conventionnellement "La Vallée des Ténèbres."

Grosso modo, il s'agit d'un cadavre masculin en piteux état qu'un randonneur découvre dans une "vallée suspendue" proche du petit village de Swainshead, paisible village du Yorkshire. Il s'avère que le cadavre n'est autre que celui d'un enfant du pays que la croissance inquiétante du chômage dans l'Angleterre thatcherienne avait poussé à s'expatrier au Canada, d'où il revenait de temps en temps prendre un peu de vacances dans son pays d'origine.

Cet assassinat - le cadavre a été défiguré à coups de pierre avant d'être abandonné et le ou les meurtriers ont pris soin de faire disparaître toutes les étiquettes attachées à ses vêtements ainsi que le sac à dos dont il s'était muni - rouvre le dossier de la disparition d'Ann Raslston, une jeune femme dont on n'a plus de nouvelles depuis à peu près une dizaine d'années ...

Bien sûr, même si ce roman est loin d'égaler la fabuleuse "Saison Sèche"ou encore "Beau Monstre", du même auteur, le lecteur y trouve son compte. C'est pour lui l'occasion de croiser la route d'un Alan Banks (l'inspecteur divisionnaire récurrent de ces enquêtes, amateur d'opéra et de pop anglaise) dont les enfants sont encore assez jeunes.

Mais c'est aussi, pour l'aficionado de romans policiers, toutes branches confondues, de se demander si Robinson n'est pas en effet, à sa manière, une espèce de Simenon britannique.

On le sait, le grand auteur belge privilégiait l'atmosphère et ces touches quasi impressionnistes qui fixent la psychologie des personnages, avec ce qu'ils avouent mais aussi ce qu'ils se refusent à dire, bien mieux qu'une description en long et en large de leur apparence physique et vestimentaire. Simenon a au reste écrit bien des romans qui relèvent plus du roman "psychologique" pur et dur que du policier.

Avec Robinson, c'est un peu la même chose. Le crime n'est pour lui qu'un prétexte à raconter une histoire qui aurait pu s'achever autrement que dans le sang. Dans ses oeuvres (toutes éditées au Livre de Poche), il n'y a pas cette fatalité qui suit, par exemple, les héros d'un Ellroy. Le meurtre est ici toujours affaire de choix et non de destinée.

La chose est particulièrement sensible dans "Saison Sèche" - le premier Robinson que j'ai lu et qui m'avait enthousiasmée. On la retrouve dans "Beau Monstre" - même si l'identité du coupable est ici assez prévisible - ou encore dans "Le Sang à la racine" et le fascinant "Un goût de brouillard et de cendres." Dans cette "Vallée des Ténèbres", le personnage qui symbolise cette particularité demeure la touchante Kathie Greenock.

Pour en savoir un peu plus, allez ici.

Et bonne lecture ! ;o)

mardi, février 12 2008

Le Village aux Huit Tombes - Yokomizo Seishi

Yatsuhakamura Traduction : René de Ceccatty & Ryôji Nakamura

Ecrit à la diable et alignant avec une implacable régularité un nombre respectable d'empoisonnements spectaculaires, ce roman policier japonais produit une drôle d'impression.

D'abord agacé, le lecteur se dit que ce n'est pas possible, qu'un romancier ne peut pas procéder ainsi, surtout s'il fait dans le policier, qu'il se moque de lui. Il est alors tenté de laisser tomber l'ouvrage mais ... insidieusement, une petite voix le convainc de continuer et d'aller jusqu'au bout où, effectivement, même s'il avait deviné l'identité du coupable un peu trop tôt, il n'est pas vraiment déçu du voyage.

Après réflexion, j'en suis venue à penser que le roman policier japonais étant tributaire, tout comme son homologue chinois, des modèles classiques, mieux valait l'aborder avec un regard et une sensibilité dépourvus de tout cartésianisme occidental. Si on y parvient, alors, on prend un réel plaisir à sa lecture et l'on retrouve même une certaine candeur, égarée dans trop de romans noirs et moins noirs depuis notre tout premier roman policier.

L'histoire ? ... En gros, c'est un jeune homme, orphelin de mère et qui ne sait rien de son père, qui, presque du jour au lendemain, découvre qu'il est l'héritier d'une riche famille paysanne. Malheureusement, son père, en une crise de démence (due à la malédiction lancée par les huit samouraïs qui, dans les temps anciens, furent lâchement assassinés dans ce village), s'était rendu coupable de ce que nous appellerions aujourd'hui - le roman se déroule dans les années 50 - un mass murder. On imagine la honte de la famille ...

Mais à peine le jeune homme, Tajimi, a-t-il reçu la bonne nouvelle des lèvres de M° Suwa que son grand-père maternel, venu le chercher à la ville pour le ramener au village où se meurt son demi-frère (!!!), décède. Comme ça, boum ! Il s'effondre, il ne se relève pas ...

... il a été empoisonné ! ... ( Ben oui ... ;o) )

Et ce n'est que le début ! ...

Bonne lecture ! ;o)

jeudi, octobre 4 2007

Le Cercle Celtique - Björn Larsson.

Den Keltiska Ringen Traduction : Christine Hammarstrand

Comme il est paru chez Folio-Policiers et qu'il compte bel et bien deux meurtres dans son intrigue, je place ce roman dans la case "Policier" mais sans conviction aucune.

Pour être franche, à mes yeux, c'est surtout une histoire de bateau et d'océan. L'auteur, qui a vécu de longues années sur son propre navire, tout comme d'ailleurs le narrateur de ce roman, est un passionné de la mer et cela nous donne droit à quelques beaux passages que je placerai plus tard dans notre "Dictionnaire."

Mais alors, question crimes ... Qu'est-ce qu'on s'ennuie ! C'est d'une lenteur, mes bons amis ! Tout au long du récit, une épée de Damoclès - celle d'une mort horrible - semble peser sur tout les protagonistes mais plus on avance dans l'histoire et moins on comprend le comment du pourquoi (ou le pourquoi du comment, comme vous voulez : de toutes façons, vous n'en saurez pas plus).

Au départ, Ulf, le narrateur, un navigateur suédois, qui, comme tous les marins, entretient une liaison passionnelle avec son bateau, le iRustica/i, rencontre un Ecossais nommé Mc Duff (oui, comme dans "Macbeth"). Il comprend vite que celui-ci est à la recherche d'un Finlandais nommé Pekka, qui se serait enfui avec une certaine Mary, elle-même écossaise. Poussé par une curiosité légitime, lorsque - par le plus grand des hasards - Ulf croise Pekka, il n'hésite pas à lui parler de Mc Duff. Et Pekka lui fait don de son livre de bord, en l'incitant à le cacher ...

Voilà, en gros, l'intrique. Le reste ... Le reste est vraiment littérature et, à la fin du roman, on n'en sait pas plus qu'au début. (Signalons cependant que j'ai trouvé certaines théories "celtiques" avancées dans ce livre assez grotesques.)

Une lecture vraiment étrange, avec de belles pages, des réflexions intéressantes mais qui, en fait, n'a rien d'un roman policier. Si l'aventure vous tente cependant ... ;o)

mercredi, septembre 5 2007

Complicité - Francis Iles. (U. K.)

Malice aforethought Traduction : Rebecca Satz

Francis Iles est l'un des pseudonymes qu'utilisa l'un des maîtres de la crime-story : Anthony Berkeley.

Pour peu que vous vous débrouilliez suffisamment en anglais (car, comme de juste, Iles est moins connu des sites français, ce qui est bien ennuyeux), vous saurez tout sur lui ici.

Pourtant, tout comme Patricia Highsmith ou Daphné du Maurier, Francis Iles a inspiré ce maître du suspens cinématographique que fut Alfred Hitchcock. "Souçons", avec la scène fameuse de Cary Grant montant l'escalier qui mène à la chambre de son épouse (interprétée par Joan Fontaine), porteur d'un verre de lait sur un plateau, n'est en autre que l'adaptation de "Complicité" (en anglais : Malice aforethought = avec préméditation).

De physique ingrat mais riche héritière, Lina Mc Laidlaw se laisse séduire, lors d'une réception, par le charmant Johnny Aysgarth qu'elle épouse en dépit des conseils de sa famille - notamment de son père, le général. Au début, bien entendu, tout roule. Mais peu à peu, la jeune femme découvre que Johnny est un joueur invétéré qui, pour satisfaire sa manie, est prêt à escroquer tous ceux qui l'entourent, elle la première. L'intrigue va crescendo jusqu'à la scène finale, un sommet de tendresse, de férocité et de cynisme que peu d'écrivains ont atteint.

Bien avant que l'inspecteur Columbo débarquât sur nos petits écrans, Anthony Berkeley-Francis Iles s'attachait à dépeindre le crime "de l'intérieur." Il le fit magistralement par exemple dans "Préméditation", avec son singulier anti-héros, le petit Dr Bickleigh - j'y reviendrai un jour, dès que j'aurai retrouvé mon exemplaire. ;o)

Dans "Complicité", tout est vu par contre du point de vue de la victime potentielle. Ce qui permet à l'auteur d'entretenir le doute dans l'esprit de son lecteur : Lina se fait-elle oui ou non des idées quand elle finit par considérer son mari comme un assassin ? Et ceci en dépit de cette entrée en matière glaçante :

... ..."Les criminels ont des mères, des maîtresses, voire des femmes légitimes. Lyna Aysgarth vécut près de huit ans avec son mari avant d'apprendre qu'elle avait épousé un assassin. ... ..."

Sur ces paroles on ne peut plus exactes, je vous souhaite une bonne lecture ! ;o)

mercredi, août 29 2007

Jonathan Stagge/Patrick Quentin/Q. Patrick.

L'histoire des pseudos utilisés par ces auteurs est un peu compliquée.

Ces trois pseudonymes sont les noms de plume de Hugh Wheeler, Richard W. Webb, Martha Mott Kelley et Mary-Louise Aswell. Mais l'essentiel de la production répertoriée sous ces pseudos est dûe au duo Wheeler-Webb. (En particulier, la série des "Puzzle.")

1) En 1931, formation du premier duo entre Richard Webb, un anglais installé à Philadelphie, et Martha Kelley. Leur premier livre "Cottage Sinister", paraît sous le pseudo "Q. Patrick", la contraction des diminutifs qu'ils utilisaient : Patsy et Rick. La lettre "Q" n'est là que pour intriguer le public.

2) Mais Martha Kelley se marie et Webb, rendu à lui-même, continue sous le pseudo de "Q. Patrick" tout en se cherchant un nouveau partenaire. Ce sera tout d'abord Mary-Louise Aswell, journaliste de profession et puis, Hugh Wheeler.

3) En 1936, Webb et Wheeler font paraître la première aventure du Dr Westlake. A nouvel héros, nouveau pseudo : celui de "Jonathan Stagge." Tous les romans mettant en scène le Dr Westlake et sa fille Dawn paraîtront d'ailleurs sous ce nom.

La même année, sous le pseudo de "Q. Patrick", sort "Death goes to school" , avec l'inspecteur Trant et aussi "Puzzle pour Fous" qui introduit les Duluth. Mais à la fin des années 40, la maladie de Webb va ralentir le rythme de ses contributions au duo et l'on peut dire que Hugh Wheeler devient le seul à écrire sous le nom de Patrick Quentin.

Il y a toujours eu un fond de noirceur chez ces romanciers, surtout à mon sens quand ils écrivaient en tant que Jonathan Stagge. Ainsi, dans "Chansonnette funèbre" ("Death's Old Sweet Song"), ils amènent le lecteur à se féliciter de la mort de deux enfants. Dans "Pas de Pitié pour la Divine Daphné" ("The Three Fears"), la description de l'ego de deux comédiennes rivales et leurs conséquences sur la vie de leur entourage ont de quoi faire frémir. Dans "Death and my darling daughters" ("La Mort et les Chères Petites"), on finit par plaindre l'assassin qui, finalement, est la vraie victime. "The Yellow Cab" ("Le Taxi Jaune") est une peinture féroce d'une certaine jeunesse dorée. Etc ...

Bref, bien que ces ouvrages soient tombés en défaveur auprès du public américain - trop peu gore, sans doute - ils sont à redécouvrir en tant que "whodunits" particulièrement efficaces même si, bien entendu, comme toujours dans une production importante, on puisse relever çà et là certaines inégalités de rythme. ;o)

Puzzle pour Fous - Patrick Quentin. (USA)

Patrick Quentin est, avec Q. Patrick et Jonathan Stagge, l'un des pseudonymes de deux maîtres américains du roman à énigme d'humour : Richard Webb et Hugh Wheeler.

Si le premier des "Puzzle", à savoir "Puzzle pour Fous", n'est pas le premier des ouvrages qu'ils co-écrivirent, il est en tous cas le premier roman à voir apparaître entre ses pages le couple formé par Iris et Peter Duluth, lequel rappelle beaucoup celui de Twopence et de Tommy Beresford que créa en Angleterre l'incontournable Agatha Christie.

Jaquette non répertoriée Puzzle for Fools Traduction : Maurice-Bernard Endrèbe

"Puzzle pour Fous", qui date de 1936, raconte précisément leur rencontre dans la clinique haut de gamme dirigée par le Dr Lenz. Peter, célèbre producteur de Broadway, y est arrivé pour se désintoxiquer de l'alcool dans lequel il a sombré depuis la mort de sa femme dans un incendie. Iris, elle, y soigne la grave dépression qu'a engendrée en elle le suicide de son père, un financier ruiné par la crise de 1929 et ses conséquences.

Dès le premier chapitre, le décor est planté et le mystère s'installe : seul dans sa chambre, Peter entend une voix lui conseiller de se sauver au plus tôt et, alors qu'il ose en parler avec le Dr Lenz, celui-ci lui apprend qu'un certains nombre d'incidents similaires se sont produits dans l'établissement. Par l'une de ces improbabilités qui font le charme de la série et qui sera d'ailleurs très habilement escamotée à la fin du roman, le pyschiatre demande à Peter de se faire son oreille parmi les malades et de lui signaler tout autre fait suspect.

Quelques jours après, Peter rencontre Iris Patterson.

Quelques jours après aussi, Fogarty, l'infirmier, est retrouvé mort dans la salle de massage, attaché de telle façon dans une camisole de force qu'on ne peut douter qu'il n'ait accepté de bonne grâce de la passer.

En dépit de quelques faiblesses ici et là, ce livre est un petit régal d'humour. L'action y est menée tambour battant et on ne s'ennuie pas un seul instant. En outre, la chute est de qualité.

Donc, si vous ne connaissez pas encore les Duluth, essayez de vous procurer "Puzzle pour Fous." Je l'ai moi-même relu dans son édition Omnibus que j'ai dénichée chez un bouquiniste. ;o)

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