Off Minor Traduction : Jean-Paul Gratias

C'est sous l'égide d'un morceau de Theolonius Monk qu'on dirait "joué avec ses coudes" que John Harvey a choisi de placer ce quatrième tome de sa série, qui introduit également un personnage que l'on retrouvera par la suite, Raymond, le jeune marginal acnéïque que tout le monde surnomme "Ray-O."

Le thème principal de l'intrigue, c'est la pédophilie avec la disparition de la petite Gloria Summers, six ans, dont Raymond justement et sa petite amie, Sara, retrouveront le cadavre quelques mois plus tard dans un terrain vague alors que disparaît une autre fillette, sensiblement du même âge, Emily Morrisson.

Thème délicat que Harvey aborde avec autant de délicatesse que de justesse en posant au passage l'éternelle question : "Pourquoi certains agissent-ils ainsi et pourquoi pas les autres ? ..."

La précarité de plus en plus présente dans les quartiers populaires de cette petite ville britannique, la violence qui monte à ses côtés, des policiers qui s'accoutument à porter des gilets pare-balles pour n'importe quelle opération, le problème des communautés qui ne se supportent plus et, bien sûr, les drames intimes des héros et des personnages secondaires : Lynn Kellogg voit les hommes s'enfuir dès qu'elle avoue son métier, Diptak Patel se voit refuser par le citoyen lambda le droit d'être à la fois d'origine pakistanaise ET représentant de l'ordre, Mark Divine est toujours aussi sexiste, Millington se pose soudain des questions sur la fidélité de son épouse, Charlie Resnik va et vient entre les horreurs de son métier, ses chats et son jazz et le pauvre Naylor est bien près de divorcer tandis que le divisionnaire Skelton suspecte sa fille Kate des pires turpitudes.

D'une façon éminemment anglaise, Harvey reprend un peu le flambeau d'un Ed Mc Bain. Mais il le fait dans une décennie où la violence se banalise et où personne, pas même un policier, ne peut s'étonner en conscience de voir un jeune homme trop boutonneux et snobé par les jeunes de son âge, préférer se munir d'un cran d'arrêt pour dissuader ceux qui auraient envie de s'en prendre à son visage.

Un constat inquiétant mais qui demeure humain si l'on excepte le personnage du pédophile ainsi que celui de Geoffrey Morrison, oncle de la petite Emily. Mais je ne vous en dirai pas plus : lisez, vous verrez bien. ;o)