Pour les amateurs d'Histoire vue par le petit bout de la lorgnette, voici six cents pages intégralement consacrées au renouveau culturel qui, entre les dernières années de la Belle-Epoque et la fin des années trente, émergea à Montmartre avant d'émigrer peut à peu vers Montparnasse.

Autrement dit, des dizaines et des dizaines d'anecdotes sur une faune essentiellement composée de peintres et d'écrivains. La fresque est grouillante de vérité.

Utrillo, qui peignait Montmartre d'après les cartes postales que lui rapportait sa mère, Suzanne Valadon ; Picasso, bien sûr, qui mangea de la vache enragée avant de réserver sa signature à toute une clique de snobs ; Henri Rousseau, dit "le Douanier Rousseau", maître sans prétention d'une peinture naïve qui parlera plus tard au coeur de Frida Kahlo ; Soutine qui transgressa la foi de ses pères pour gagner le droit de peindre, Soutine, toujours affamé et qui eut un jour ce mot sublime : "Je peins mieux quand j'ai faim" ; Modigliani, lui aussi d'origine juive mais italien par son père et qu'emportera la tuberculose ... voilà pour quelques uns des peintres ici rassemblés.

Côté écrivains et poètes, il y a, bien sûr, Guillaume Apollinaire pour qui Dan Franck exprime une tendresse profonde et un peu partiale sur les bords ... (Mais on pense comme Franck quand il affirme que, sans la grippe espagnole qui assassina ce prince des Poètes, Aragon aurait eu beaucoup plus de mal à s'affirmer comme incontournable.) Cocteau ne fait que passer et Max Jacob va de l'un à l'autre en attendant de mourir à Drancy, comme le juif qu'il n'était plus. Proust vit ses derniers étouffements et Alfred Jarry se laisse dévorer par Ubu. Verlaine lui-même fait, au tout début, une petite apparition, comme pour cautionner l'époque "folle" qui se dessine.

Sans oublier Kiki de Montparnasse, le modèle le plus couru de cette époque ;Foujita, le peintre japonais ; Jeanne Hébuterne, qui se jeta par la fenêtre de l'appartement qu'elle occupait avec Modigliani après la mort de celui-ci ; Raymond Radiguet, maussade et chafouin ; Robert Desnos ; les Surréalistes, prêts à emprunter le long et ténébreux couloir du communisme ; la perplexité de Picassolui-même devant ses "Demoiselles d'Avignon" ; les marchands d'art, le vol de la Joconde au musée du Louvre, et bien d'autres encore, êtres et objets qu'on ne peut citer tous tant ils fourmillent et réclament leur part de mémoire ...

Un document riche, joyeux et nostalgique qui vous fera passer un excellent moment en vous restituant un flamboiement culturel qui fut un peu de l'âme du XXème siècle. ;o)