Il Mondo Piccolo de Don Camillo Traduction : Gennie Luccioni

Difficile, en 2008 - et surtout avec pareille couverture - de pénétrer, même pour la première fois, dans "Le Petit Monde de Don Camillo" sans évoquer instantanément Fernandel dans le rôle auprès d'un Gino Cervi plus vrai que nature en Peppone. Pourtant, si l'on ne se soumet pas à cet exercice, on perdra de vue que, dès sa parution en 1948, ce petit recueil de saynettes mettant en scène les deux célèbres opposants connut un très grand succès. Partant, on passera sur les qualités intrinsèquement littéraires de l'oeuvre de Guareschi. Et ce serait dommage, croyez-moi.

Pourtant, ce n'est pas le style qui compte ici. Guareschi a la phrase concise et un peu sèche du journaliste rôdé. Mais son sens de l'humour, sa générosité et son humanité lui permettent, à travers des personnages en principe italiens, de créer des archétypes qui peuvent prétendre à l'universel.

Don Camillo, le curé anti-conformiste, est une espèce de géant "aux poings terribles". Ensoutané de noir, selon l'usage, il n'hésite à retrousser ses manches pas plus pour creuser, maçonner, nourrir des vaches affamées par un piquet de grève ... que pour brandir son fusil (ou une mitraillette) ou se jeter en pleine bagarre.

De l'aspect physique de Peppone, on retient surtout son foulard rouge, insigne de ses conviction politiques et presque de ses fonctions puisqu'il vient d'être élu maire de son petit village. Au "civil", il est garagiste.

Autour d'eux, les villageois, les "Rouges" qui, en cet Après-guerre, tiennent le haut du pavé, et les "Cléricaux", qui entendent bien recouvrer le pouvoir tôt ou tard. Ajoutez à cela que les épouses des premiers veulent toujours faire baptiser leurs enfants et qu'il arrive aux filles des seconds de tomber amoureuses de fils des "Rouges."

De temps en temps, le fleuve pique sa colère et déborde. Ou alors, ce sont les propriétaires fonciers qui refusent de mieux payer leurs ouvriers agricoles. A moins qu'une poule ne ponde, dans le poulailler du presbytère, un oeuf portant en relief une croix finement ciselée ou que Peppone, paniqué à l'idée de voir mourir le plus jeune de ses enfants, ne vienne en catimini déposer un cierge devant l'autel de la Vierge.

On admirera au passage la vivacité des dialogues et l'authenticité des émotions exprimées. Pas une seule fois, Guareschi, au demeurant bon dessinateur, ne cède ici au plaisir de la caricature.

Avec de tels avantages, on comprend qu'il était fatal que le cinéma s'intéressât très vite à ce petit monde niché dans la plaine émilienne, près du Pô. ;o)