Le Thème :

Les robots vivent au milieu des humains, et ont enfin réussi à obtenir cette qualité trouble que l’on appelle l’intelligence. Oui mais, intelligence n’implique pas émotions, et ces créatures de métal ont le coeur frigide. Ce coeur, Théodore est parvenu à le rendre sensible. Il possède deux prototypes qui ressentent, et se prépare à annoncer en grande pompe sa découverte, quand on lui demande de détruire le résultat de ses recherches. Mortifié, il refuse et cache Gaïa, une femelle. Mais l’horloge tourne, et la jeune androïde découvre peu à peu des sentiments qu’elle n’est pas autorisée à connaître ...

Poétique et romanesque, avec cette très mince pellicule d'humour que Quentin Ochem aime à poser sur ses textes comme on ajoute un glaçage subtil à une pièce montée, "Neuro-Mime" est probablement la pièce de théâtre la plus achevée que j'ai lue de lui jusqu'à ce jour. (Il m'en reste quelques autres à lire sur Alexandrie et je m'en régale à l'avance.)

Sous ses apparences futuristes et derrière ses personnages d'androïdes, se dissimule une double réflexion : a) d'abord, après tout, un jour ou l'autre, il y aura des androïdes et que se passera-t-il ? b) et puis, bien sûr, question qui taraude les imaginatifs de tous poils, qu'est-ce que l'âme ? pré-existe-t-elle ? peut-elle s'imposer à des corps non-organiques ? c) ergo, des sentiments aussi complexes que la souffrance, l'amour, la haine ... que deviennent-ils dans tout cela ?

On m'objectera sans doute que le thème est loin d'être neuf. Pour ne citer que l'un de ses meilleurs traitements littéraires, on se reportera au "Frankenstein" de Mary W. Shelley - qui apparaît d'ailleurs, si mes souvenirs sont exacts, dans "Même plus peur" de Quentin Ochem. Soit, ce n'est pas neuf : mais la manière qu'a l'auteur de la traiter, avec une délicatesse et une cruauté qui m'ont évoqué à la fois Anouilh et Giraudoux, séduit et attire.

Bien que ce texte soit prévu pour être dit par des comédiens, on se laisse prendre à sa profondeur, à sa tendresse, à la curiosité intense qu'il révèle envers notre univers (notre univers extérieur et aussi notre univers à nous, celui qu'on ne voit jamais, l'infiniment intangible des sentiments), à son humanisme et aussi, bien sûr, à son humour.

Evoquer les grandes questions existentielles en s'autorisant quelques clins d'oeil et sourires, c'est la meilleure manière de provoquer la réflexion du lecteur et du spectateur lambda. Quentin Ochem l'a compris et c'est sans doute - avec également des dialogues vifs, virevoltants, aiguisés ... - l'une de ses marques de fabrique. ;o)

A télécharger sur Alexandrie.