Il s'agit du portrait de Komako, l'héroïne de "Pays de Neige." Je ne sais trop si c'est parce qu'elle est évidemment japonaise ou si c'est dû au seul talent de l'auteur mais quand je lisais ce texte d'un érotisme délicat, je croyais voir une peinture ancienne :

... ... Son nez délicat et haut, avec un petit air d'orphelin dans son visage, vous émouvait avec un rien de mélancolie, qu'effaçait aussitôt la fleur de ses lèvres en leur bouton tantôt serré, tantôt épanoui par un chaud mouvement qui avait une grâce de vie animale et gourmande. Même alors qu'elle ne disait rien, ses lèvres vivaient et se mouvaient, semblait-il, par elles-mêmes. Craquelées ou ridées, ou seulement d'un vermillon moins vif, ces lèvres eussent pu avoir quelque chose de morbide ; mais leur couleur avait tout le velours de la douceur et tout l'éclat de la belle santé. La ligne de ses cils, ni incurvée, ni relevée, lui coupait les paupières d'un trait si droit qu'il eût paru bizarre, humoristique même, s'il n'avait pas été, comme il l'était, délicatement contenu et presque enveloppé par la soie courte et drue de ses sourcils. Le volume de son visage un peu aquilin et très arrondi n'avait, en soi, rien de remarquable. Mais avec sa carnation de porcelaine, exquisement teintée de rose, avec sa gorge virginale et ses épaules juvéniles qui allaient prendre encore un rien de plénitude, elle produisait une telle et si pure impression de fraîcheur qu'elle avait tout le charme de la beauté, même si elle n'était pas absolument une beauté. Pour une femme généralement serrée dans le large obi que portent les geishas, elle avait une poitrine assez développée. ... ...

Pays de Neige - Kawabata Yasunari - Pochothèque.