L’armée l’ayant toujours attiré et comme il avait très vite compris que la poésie, surtout quand elle est débutant, ne nourrit guère son homme, Edgar s’engagea comme artilleur dans l’armée fédérale. Pour ce faire, il est admis qu’il tricha sur son âge réel et qu’il prit un pseudonyme dont il se resservit plus tard pour publier ses premiers contes.

Mais le 28 février 1829, Frances Allan, sa mère adoptive à laquelle il n’avait cessé de porter une véritable adoration, décédait.

         
               Frances Allan

Prévenu trop tard, il ne put assister aux obsèques mais John Allan l’accueillit assez aimablement et accepta même de lui faire une lettre de recommandation pour l’académie militaire de West-Point.

Assez aimablement, soit mais pas suffisamment pour que le jeune homme ne comprît qu’il n’était plus persona grata chez son père adoptif. Aussi demanda-t-il asile à sa tante, Maria Clemm. La brave dame, qui avait déjà aidé son propre père à élever William, le frère d’Edgar, accepta et Poe devint un commensal de sa maison où il noua ses premiers liens avec sa cousine Virginia, alors âgée de sept ans.

Admis à West Point en juin 1830, Edgar y poursuivit ses études de la manière la plus brillante qui fût. Ses excellentes notes n’empêchèrent cependant pas John Allan, qui venait de se remarier, de lui refuser tout subside. Poe prit donc une résolution extrême : il refusa de se rendre au réfectoire et rechercha le passage en cour martiale. Il fut renvoyé dans les règles mais avec les recommandations enthousiastes de ses maîtres.

Revenu à Baltimore chez sa chère tante Clemm, il tenta, mais en vain, de faire publier ses premiers contes. Partout, il essuya des refus plus ou moins jusqu’au jour où le « Saturday Courrier » eût l’idée de publier « Metzengerstein. » Le nom de Poe n’était pas clairement mentionné et le salaire était maigre. Mais cela pouvait constituer un début. Afin de ne pas parasiter sa tante, le jeune homme se fit pigiste et « nègre » pour des auteurs bien moins doués.

Deux ans plus tard, en 1833, le « Manuscrit trouvé dans une bouteille » allait renverser la vapeur en éveillant l’intérêt du célèbre romancier John P. Kennedy. Appuyé par celui-ci, Poe put enfin devenir critique au « Southern Literary Messenger ». En 1835, il en fut nommé directeur de la section littéraire. Bref : ses finances s’assainissaient. Ce fut sans doute ce qui le poussa à épouser Virginia en tout petit comité et de façon quasi clandestine. Les lois des états du sud des Etats-Unis ont toujours été très coulantes avec l’âge auquel une femme peut prétendre à trouver un époux mais Virginia n’avait tout de même que 13 ans. Il fallut attendre un an de plus pour annoncer officiellement ce mariage si peu conformiste.

Décidé à voler de ses propres ailes et en bisbille avec le directeur du « Southern … » - qui lui reprochait déjà son goût pour l’alcool - Poe émigra au « New-York Review » en février 1837. Ou plutôt il tenta de le faire car, lorsqu’il arriva à New-York avec sa femme et sa belle-mère, il apprit que le journal convoité avait cessé de paraître. La tante Clemm, qui était femme de tête, décida d’ouvrir une pension de famille à Manhattan et ses deux premiers locataires furent Edgar et Virginia.

            
                  Maria Clemm.

Cela allait permettre à Poe de survivre – et plus encore d’écrire – jusqu’à ce qu’il obtienne, deux ans plus tard, le poste de rédacteur en chef du « Burton’s Gentleman’s Magazine ».

Comme son nom l’indique, ce journal était la propriété de William Burton qui, s’il retint Poe sur la voie des critiques littéraires, lui laissa en revanche carte blanche pleine et entière pour ses contes. C’est dans ce journal que parut entre autres « La Chute de la Maison Usher » et, de conte en conte, le mensuel devint le périodique le plus populaire de Philadelphie.