Les Manuscrits Ne Brûlent Pas.

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Tag - littérature autrichienne

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lundi, novembre 19 2012

Un Meurtre Que Tout Le Monde Commet - Heimito von Doderer (Autriche)

Ein Mord den jeder begeht Traduction : Pierre Deshusses

ISBN : 9782869303058

Extraits Personnages

Voici un roman hybride, qui tient à la fois du roman d'apprentissage, du conte philosophique et du livre policier. Le style en est riche, choisi, avec des digressions qui paressent sans honte au gré de la vie du héros, Conrad Castiletz, une première et une seconde parties qui pourront paraître interminables ou bourrées de trop d'anecdotes sans importance - erreur : de l'importance, l'une d'entre elles au moins en a énormément - suivies par une troisième et une quatrième parties où tout s'emballe mais à l'allemande, si j'ose dise, c'est-à-dire que l'on passe du pas au simple trot.

Il faut dire que Castiletz est un homme pondéré. Enfant, adolescent et jeune homme, il est hanté en permanence par l'idée de "mettre tout en ordre." A-t-il pour projet de jouer un peu plus tard par un certain après-midi que, la veille, il prend de l'avance dans ses devoirs. Ressent-il ses premiers besoins sexuels qu'il trouve normal de visiter les prostituées tout en prenant, bien sûr, ses précautions. Sa première vraie maîtresse, une jeune couturière tuberculeuse, tombe-t-elle amoureuse de lui qu'il met froidement fin à cette liaison qu'il savait vaine dès le début mais dont il n'a pas hésité un instant à profiter sans vergogne. A-t-il un examen à passer qu'il potasse absolument tout ce qui lui est nécessaire. Une certaine diplomatie s'impose-t-elle lorsqu'il prend son premier poste chez les Veik qu'il fait des courbettes sans aucun état d'âme. La jeune fille qu'il doit épouser est de six ou sept ans son aînée, qu'importe : de toutes façons, il préfère les femmes plus âgées et c'est donc mieux comme ça. Ce mariage sera sans amour ? Peut-être mais ce sont ceux-là qui tiennent le plus longtemps.

Tout, absolument tout chez Conrad Castiletz, est ainsi : posé, ordonné, équilibré. Nul romantisme ici, rien que du pragmatisme : Conrad représente à merveille la classe sociale dans laquelle il est né, la bonne bourgeoisie industrielle.

Ce n'est pas qu'il soit entièrement dépourvu de sensibilité. Seulement, il s'en défend avec vigueur et tient avant tout à mener une vie tranquille et confortable. Il faut tout le talent poétique, toute la vive intelligence de von Doderer et son questionnement incessant sur l'Etre et son destin pour que le lecteur, lassé, n'abandonne pas trop tôt ce personnage à qui la Vie va jouer un très mauvais tour.

En entrant dans la famille Veik, Conrad apprend que Louison, la soeur cadette de sa future épouse, est morte mystérieusement assassinée dans un train. Le vol - la jeune fille adorait les bijoux de prix et les emportait toujours avec elle - serait le motif de cet assassinat perpétré, semble-t-il, avec un grand sang-froid, par un ou plusieurs inconnus. Pour des raisons inexpliquées - une sorte de fascination pour la beauté de la disparue, peut-être, voire un sentiment amoureux larvé envers elle - Conrad décide de résoudre cette affaire. Son motif avoué est le soulagement que cela apporterait à la famille : on sait bien que rien n'est pire que l'incertitude - enfin, c'est ce que l'on aime à croire. Mais sa femme, Marianne, n'est pas dupe et la mésentente comme la froideur s'installent très tôt dans le ménage.

On le sait depuis pratiquement le début du livre : lorsque Conrad décide d'accomplir quelque chose, il va toujours jusqu'au bout. Il reprend donc ici tous les éléments de l'enquête, opportunément débattus devant lui lors d'une réunion entre hommes, chez son ancien propriétaire, M. de Hohenlochen, réunion à laquelle assiste le Dr Inkrat, qui fut jadis chargé de l'affaire. Il va jusqu'à faire lui-même le trajet qui fut fatal à sa belle-soeur et inspecte la voie à un certain endroit, lieu présumé de l'assassinat, pour tenter d'y découvrir une trace des bijoux envolés que le ou les meurtriers y auraient jetés. Lors d'un voyage d'affaires à Berlin, il reprend contact avec un ami d'enfance qui, par l'une de ces coïncidences dont le Hasard se montre toujours généreux, connaît Henry Peitz, celui qui fut soupçonné du meurtre mais qu'on fut obligé de relâcher, faute de preuves.

... Ainsi, à sa manière lente, calme, raisonnable, avec seulement, ici et là, une petite pointe d'excitation qu'il aurait honte de laisser voir, Conrad Castiletz se hâte à la rencontre de son Destin. Car le but du livre, c'est bien cela : prouver que, qui que nous soyons, à quelque niveau de la société que nous nous trouvions, le Destin nous attend. Il nous surveille depuis l'enfance, pauvres idiots que nous sommes. Il nous accompagne comme une ombre fidèle que nous ne discernons pas et quand le moment est venu, il se dévoile. Et nous comprenons. Mais c'est trop tard : il n'est donné à personne de pouvoir revenir en arrière pour "mettre de l'ordre."

Amateurs de textes courts ou de romans simples, qui appellent un chat un chat et ne s'embarrassent pas de subtilités philosophiques, "Un Meurtre Que Tout Le Monde Commet" n'est pas pour vous : il prend trop son temps pour atteindre ce qui apparaît trop longtemps comme une nébuleuse informe. Si vous recherchez le roman social, ne vous attardez pas non plus : l'action se situe en Allemagne dans les années vingt mais le contexte social et politique n'y est jamais évoqué. Maintenant, si vous aimez les auteurs à questionnements philosophiques, sachez aussi que von Doderer diffère sensiblement de son compatriote Musil : la poésie de son style, l'adresse avec laquelle il complète peu à peu le puzzle qu'il a, tout construit, dans la tête, ces qualités relèvent plus de la littérature que de la philosophie - et c'est sans doute pour cela que nous sommes arrivés au bout de son roman. Quoi qu'il en soit, armez-vous de patience pour appréhender ce livre, n'hésitez pas à relire certains passages - voire à les lire à haute voix - et surtout, faites attention aux moindres détails : Heimito von Doderer sait très bien où il va même si vous, vous vous sentez en droit d'en douter.

vendredi, novembre 16 2012

Le Régiment des Deux-Siciles - Alexander Lernet-Holenia (Autriche)

Beide Sizilien Traduction : Bruno Weiss

ISBN : 9782742706761

Extraits Personnages

Sous couvert d'une enquête plus ou moins policière, ce livre est une méditation sur la Mort : mort de l'individu bien sûr, mais aussi mort d'une époque, mort d'une civilisation et même mort d'un régiment. Il n'est donc pas d'une lecture facile. Sans atteindre les complexités philosophiques - et pour nous hélas ! somnifères - de "L'Homme Sans Qualités" de Musil, il promène cependant le lecteur dans un paysage où l'onirisme grignote avec vigueur une réalité de plus en plus chancelante et où les doubles et les reflets trompeurs ou tronqués deviennent monnaie courante.

A l'origine donc, la mort ou la disparition inexpliquée des membres survivants du régiment des Deux-Siciles, régiment dissous depuis la fin de la Grande guerre mais dont ceux qui en ont fait partie, appliquant un strict esprit militaire, ne parviennent pas à se désolidariser. Le premier décès, l'assassinat d'Engelshausen, compromet plus ou moins Gabrielle, la fille du colonel von Rochonville, qui commandait jadis le fameux régiment. Comme un seul homme, les officiers qui restent décident alors de mener leur propre enquête afin de rétablir la réputation de la jeune fille. (L'un d'entre eux, von Sera, lui proposera même de l'épouser afin de rétablir l'honorabilité de sa situation.)

Le mystère planant sur la mort brutale d'Engelshausen est renforcé par la présence sur les lieux d'un curieux personnage, Gasparinetti, lui-même ancien officier ayant, semble-t-il, été fait prisonnier par les Russes alors qu'il combattait dans les rangs autrichiens durant la Grande guerre. Chez lui, tout est étrange : son comportement, sa façon de s'exprimer et plus encore les histoires qu'il raconte. C'est d'ailleurs lui qui, dès les premières pages, donne au roman la connotation onirique, à la limite du fantastique, qui le caractérise.

Autre détail bqui relève du fantastique - même si Lernet-Holenia lui prévoit en parallèle une explication logique : la blessure de Silverstolpe qui le conduit à une mort lente mais paisible. Silverstolpe décède d'un empoisonnement du sang qu'il aurait contracté en se piquant à la pointe d'une épingle de sûreté ayant servi à rajuster la tunique d'uniforme d'Engelshausen alors que celui-ci se trouvait exposé sur son lit de mort. On saisit tout de suite le rapport entre cet empoisonnement issu d'un corps en train de se corrompre et le cadavre, jamais clairement évoqué mais toujours présent, de la société austro-hongroise d'avant-guerre, en pleine décomposition de ses us et coutumes.

Si tous les personnages parlent de la Mort, c'est Silverstolpe qui l'évoque de la façon la plus subtile et la plus profonde. Sa fin s'inscrit dans un été finissant, au coeur d'une nature qui se prépare elle-même à mourir pour un temps avant de renaître au printemps. La partie qui lui est consacrée est d'une saisissante beauté poétique.

En ce qui concerne le prétexte du livre, l'intrigue policière par elle-même, elle se trouve résolue à la toute fin du volume et, comme d'habitude, cette élucidation déçoit le lecteur plus qu'elle ne satisfait sa curiosité. On s'en accommode sans problème pour peu que l'on ait saisi - ce qui se devine très vite - qu'elle ne constituait pas le thème majeur du roman - loin s'en faut.

Tant par ses buts que par son style, riche et soutenu, "Le Régiment des Deux-Siciles" est à réserver aux lecteurs qui apprécient les méditations philosophiques. Précisons toutefois que l'ouvrage reste abordable. Il révèle en outre un auteur certes difficile mais d'une grande sensibilité et d'une intelligence aiguë. A découvrir donc mais quand on se sent dans la disposition d'esprit adéquate.

lundi, juin 18 2012

Le Cabinet de Curiosités - Alfred Kubin (Autriche)

Aus meiner Werkstadtt Traduction : Christophe David

Extraits Personnages

Ce tout petit ouvrage, qui n'excède pas quatre-vingt-et-un page, est bâti carrément à l'envers. Son auteur tira de sa production dix dessins qui, sur le moment, l'inspiraient particulièrement et, autour de chacun d'eux, imagina une histoire, souvent de type philosophique comme "Le Franchissement du Col" ou "Le Sultan Fatigué", parfois fantastique ou mystérieuse comme "La Chasse au Vampire", plus rarement absurde comme "Un Pari" ou encore simplement humoristique comme "Deux Anglaises" - humour normal - ou "Le Dernier Vagabond" - humour noir.

Curieux exercice de style, réalisé en un style poétique et très fluide, par phrases courtes et simples, d'un étonnant naturel. Bien entendu, le lecteur comprend vite que l'histoire racontée n'est qu'une parmi les multiples qu'auraient pu inspirer encore la gravure à son auteur. L'imagination de Kubin s'est fixée sur celle-là plutôt que sur celle-ci mais on ne saura jamais pour quelles raisons exactes et l'auteur invite en quelque sorte son lecteur à plonger lui-même au coeur de l'image et à imaginer encore autre chose. En ce sens, le titre français est double puisqu'il fait référence à l'aspect insolite et curieux que revêtent certains de ses récits mais aussi aux "curiosités" que le lecteur, fouillant dans son imagination, pourrait à son tour dénicher et mettre en forme.

A lire pour le plaisir de découvrir le talent de Kubin - et par curiosité.

samedi, février 25 2012

Les Exclus - Elfriede Jelinek (Autriche)

Die Augesperrten Traduction : Yasmin Hoffmann et M. Litaize Présentation : Nicole Bary

Extraits Personnages

Je suppose qu'Elfriede Jelinek n'apprécierait pas ce que je vais écrire mais elle est, avec Céline et, dans un autre registre, James Joyce, l'un des rares écrivains dont le style et/ou l'univers m'ont porté, dès la première lecture, un coup que je ne pense pas pouvoir oublier. Il faut dire que le premier ouvrage de l'auteur autrichien que j'ai lu était "La Pianiste", l'un des romans les plus terribles à lire, à mon avis, pour celles et ceux qui ont eu une mère abusive - et plus particulièrement pour les femmes puisque, que nous le voulions ou non, nous partageons avec notre mère haïe/adorée une féminité qui nous enchante et/ou nous répugne.

"Les Exclus" est, précisons-le tout de suite, moins éprouvant pour les nerfs - ouf ! Attention : l'histoire n'en est pas pour autant plus gaie ! Chez Jelinek en effet, la Haine règne en maîtresse sur un univers tordu où se meuvent des personnages soit d'une médiocrité honteuse, soit d'une méchanceté et d'une mesquinerie absolues. Chez Jelinek, souvenez-vous-en bien, l'espoir n'existe pas.

Née en 1946 dans un milieu familial qu'elle qualifiera un jour de "démoniaque", l'Autrichienne n'a survécu que par la Haine et par l'Ecriture. Impitoyable, elle dénonce, sans se lasser et avec une rage jouissive, les faux-semblants de son pays natal et de la société où elle a vu le jour. Evoque-t-on la dénazification rapide de l'Autriche ? Elle explique avec jubilation que cette rapidité est normale pour un pays traditionnellement catholique : après tout, les catholiques, c'est bien connu, se confessent chaque vendredi pour communier le dimanche et n'en retournent qu'avec plus d'ardeur à leurs péchés rituels et hebdomadaires.

Tape-t-on sur l'Allemagne nazie ? Elle rappelle avec un malin plaisir que, toutes proportions gardées, il y a eu plus de vrais Nazis en Autriche qu'en Allemagne : normal, le dénommé Hitler était bien autrichien, non ? ...

S'opposant avec violence au régimes totalitaires de type fasciste et national-socialiste et se positionnant, en principe, à gauche, voire à l'extrême-gauche, Jelinek porte par ailleurs en elle un si grand désir de clamer haut et fort sa souffrance d'appartenir à un peuple qui donna naissance à l'un des plus terribles dictateurs du XXème siècle qu'il lui devient impossible de fermer les yeux sur la sottise et l'étroitesse d'esprit des classes sociales converties au communisme et, partant, susceptibles, elles aussi - elles l'ont d'ailleurs prouvé - de permettre à un dictateur "de gauche" d'arriver lui aussi au pouvoir.

Et, comme si ça ne suffisait pas, Jelinek claironne partout qu'elle ne supporte pas Mozart. Elle le juge sirupeux, mièvre ... si terriblement, si autrichiennement autrichien, en somme.

Forte de toutes ces haines, la romancière base "Les Exclus" sur un fait divers qui en contient au moins les principales : haine de la famille d'abord, haine de la société ensuite, haine du corps et de la sexualité et, pour terminer, haine de soi. En 1965, un adolescent qui s'apprêtait à passer son bac massacre les membres de sa famille : le père, la mère et sa soeur. Comme ça, sans grandes explications. L'Autriche entière est sous le choc.

Jelinek reprend l'idée centrale et la replace en 1959. Mais elle va s'attacher à personnaliser les quatre adolescents qui mènent ce bal de mort et de nihilisme : Rainer, l'"intellectuel", le "chef", pour qui la violence est une fin et qui cite Sartre et Camus à tire-larigot ; sa soeur jumelle, Anna, personnage par qui Jelinek s'introduit dans le récit, personnage très intelligent, lui aussi, mais qui se détruit totalement de l'intérieur en sacrifiant notamment à l'anorexie ; Sophie, leur seule camarade au lycée, une Sophie "von", issue d'un milieu très favorisé et qui, à la fin du roman, envoie ni plus ni moins bouler le frère et la soeur, provoquant la crise finale ; et enfin Hans, un jeune ouvrier, fils d'ouvriers, esprit plutôt primaire mais avide d'arriver, qui cognerait sur n'importe qui pourvu que Sophie le veuille.

Rainer et Hans sont tous deux amoureux de Sophie. D'abord fascinée par les beaux discours de Rainer, Sophie finira par comprendre qu'il s'agit là de mots, et rien que de mots et se tournera vers Hans, qu'elle est sûre et certaine de pouvoir dominer. Si jeune qu'elle soit, Sophie est un parfait prototype de garce qui ne s'est donné que le mal de naître avec une cuillère d'argent dans la bouche.

Renvoyant dos à dos deux idéologies qui s'opposent bien qu'elles puissent aboutir au même résultat sur le plan de la répression des masses, Jelinek a fait de Rainer le fils d'un ancien SS obsédé sexuel et unijambiste et, de Hans, celui d'un communiste déporté et mort à Malthausen. Certains diront que ce n'est vraiment pas sympa, d'autres savoureront en connaisseurs.

Anti-héros principal, Rainer est évidemment le personnage le plus intéressant. On retrouve en lui - dans le contexte, par la faute de son père, qui prend des photos pornographiques de sa mère et les lui montre - la peur du corps et de la sexualité, ce sujet cher à l'auteur de "La Pianiste". Si Anna l'exprime par une anorexie galopante qui la fait maigrir au fil des pages, Rainer, en qualité de membre du sexe mâle, n'a d'autre solution que d'intellectualiser à mort - la Mort, une fois encore - son propre désir pour Sophie.

Ce personnage étrange, toujours vêtu de noir et les cheveux gras en bataille, qui comprend de travers les théories de Sartre aussi bien que celles de Camus, qui se vante auprès des autres élèves d'avoir un père qui roule en Porsche, qui proclame que la violence pour la violence doit seule finir par dominer le monde, est celui qui interpelle le plus le lecteur. Non pas tant, curieusement, par l'horreur de son crime mais parce qu'on approuve toute la haine qu'il porte à son père, parce qu'on comprend la profondeur de son refus de s'identifier à cette brute dont la cervelle ne dépasse pas le bas-ventre et aussi parce que, à un certain moment, il songe vraiment à sauver sa mère des griffes du monstre.

Evidemment, nous sommes dans un livre de Jelinek : alors, on ne va pas s'apitoyer sur un meurtrier qui préfigure d'ailleurs, par son rejet des structures sociétales, les terroristes de la Bande à Baader et autres jeunes exaltés en rupture de tout. N'empêche que l'auteur elle-même déclare en toutes lettres qu'Anna est en train de perdre la raison tandis que son frère court le même danger.

Tordus, Rainer et Anna ? Oui. Complètement. Mais tordus par qui ? Comment ? Pourquoi ? Derrière les deux jeunes gens en noir, c'est toute la bien-pensance autrichienne, le respect des convenances et aussi les intérêts d'une société qui détourne la tête devant tous ceux qui ne veulent pas (ou ne peuvent pas, par exemple pour des raisons financières) rentrer dans ses rangs et qui les abandonne à un sort misérable, que Jelinek montre du doigt. Face à Sophie la Bien-Née et à Hans l'Arriviste, Rainer et Anna sont bien des exclus. Mais ils ne se sont pas exclus de leur propre chef et s'ils finissent par le prétendre, c'est par fierté et en espérant ainsi apaiser la souffrance qu'ils en ressentent. Ce n'est pas une excuse mais ça explique bien des choses.