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Tag - Moyen-Age

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samedi, novembre 5 2011

La Trilogie de la Relique : Le Vol de l'Aigle (Tome III) - Jean-Louis Marteil

Extraits

Personnages

Merci à La Louve-Editions qui, en partenariat avec notre forum Nota Bene, a gracieusement permis à quelques uns de nos membres de découvrir cet ouvrage.

Comme le savent tous ceux qui ont lu "La Relique", puis "L'Os de Frère Jean", le prieur de cette abbaye du Rouergue qui compte parmi ses moines Abdon, Bernard et Jérôme, est très friand de miracles. Or voilà que frère Anselme, l'herboriste du couvent, s'en vient lui conter celui dont ils auraient été témoins. En effet, sous leurs yeux ébahis, les trois moines-pèlerins s'en allant à Compostelle, frère Jean, frère Aycart et frère Eléazar, se seraient transfomés en aigles et se seraient envolés vers d'autres cieux, après avoir fait en sorte que l'os miraculeux de Saint Vincent regagnât sa crypte.

L'aigle ! Le symbole de Jean l'Evangéliste, surnommé "l'Aigle de Patmos" ! Et l'un des pèlerins s'appelait "frère Jean" ! ... Saisissez-vous toute l'astuce de la chose et réalisez-vous la fascination qu'elle peut exercer sur notre abbé ? Un miracle, un vrai, à l'abbaye ! Et un miracle dont trois de ses frères auraient eu le privilège insigne !

Justement. Les moines. C'est là que le bât blesse notre abbé - et avec quelle cruauté ... Pourquoi, mais pourquoi le Seigneur, dans Sa bonté infinie, a-t-Il eu l'idée pour le moins farfelue de choisir ces trois-là et non quelque autre frère ? Il est vrai que Son fils est censé avoir dit : "Bienheureux les pauvres d'esprit, etc ..." mais le prieur ne semble pas s'en souvenir. Ayant coincé Abdon, Bernard et Jérôme lors du chapitre des coulpes, ces quelques heures durant lesquelles, chaque semaine, tout le monastère se confesse en public,b l'abbé, toujours sadique, les convainc de "dissimulation de miracle" (!!!) et, en pénitence, les expédie une fois de plus sur les routes, afin de ramener les trois aigles-pèlerins.__

Sans compter que, une fois de plus, ce départ permettra à ceux qui restent de savourer la paix d'un monastère que ne troubleront plus les gaffes, erreurs et maladresses diverses du trio ... La découverte de cet avantage assombrira d'ailleurs Abdon, désormais persuadé qu'ils n'ont jamais été utiles à la communauté et que celle-ci les laisserait bien à la rue si la chose lui était permise.

Pour pimenter le quotidien de ses voyageurs, l'abbé, sur la suggestion avisée de frère Thomas, l'intendant, leur adjoint l'âne Morel, connu pour son entêtement prodigieux à ne supporter aucune charge et à ne tolérer aucune forme de travaiL

Ce troisième et dernier volume, bien que conservant ses qualités de comique et de finesse, est aussi le plus grave. La scène d'adieux entre Jehan, le Trouvère normand qui sait parler aux ânes (et aux hommes), et les moines, m'a sincèrement attristée. La Vie, c'est vrai, n'est faite que d'arrivées et de séparations après un cheminement commun plus ou moins long, plus ou moins agréable. Mais dans la fiction - surtout quand elle est réussie - on se surprend à espérer que ... Néanmoins, cette scène, pleine de pudeur et et de sensibilité, a ici toute sa place puisque, pour notre trio de moines translateurs malgré eux et le lecteur qui a suivi leurs aventures, apprenant au fil des pages à les connaître et à les apprécier, l'heure est venue aussi de la séparation.

Séparation toute symbolique car, au pays des Livres, il reste toujours la possibilité de revenir sur ses pas et de tout recommencer, depuis le premier chapitre. Ce que je ferai certainement, un jour ou l'autre. Et dès à présent, à celles et ceux qui hésiteraient encore, après m'avoir lue, à suivre nos moines - et notre âne ! - dans leurs aventures, je ne saurais trop recommander de prendre la route sans plus attendre. Vous en reviendrez un peu plus riches - de joie, de fantaisie, de connaissances aussi - et bizarrement un peu plus sereins.

La Trilogie de la Relique : La Relique (Tome I) - Jean-Louis Marteil

Extraits

Personnages

Merci à La Louve-Editions qui, en partenariat avec notre forum, a gracieusement permis à quelques uns de nos membres de découvrir cet ouvrage.

Cette "Relique" (en définitive si peu catholique ) fut pour moi une excellente surprise. Mélange de chronique médiévale et de roman picaresque, elle déroule, en un style allègre ponctué de quelques notes de gravité, les aventures de trois moines bénédictins engagés, sur les routes du XIIème siècle, en une quête drolatique mais non exempte de périls.

Après deux premiers chapitres qui, tout en présentant au lecteur le personnage central du livre, Abdon, lui rappellent aussi que le Bas Moyen-Age, surtout au sortir de l'an Mil, représentait une assez rude époque, l'histoire prend son rythme. Abdon, recueilli dans une abbaye alors qu'il n'était qu'un adolescent sans famille, est devenu moine. Probablement le moine le plus maladroit de tout le monastère - encore qu'il trouve un impressionnant rival en la personne de frère Bernard, un jeune et bon géant d'esprit très simple. En surpoids comme on dirait aujourd'hui, gourmand et attiré par d'autres plaisirs que, au fond de lui, il se sait incapable de goûter, Abdon n'en reste pas moins un homme bon et finalement bien plus malin que ne le fait apparaître un examen superficiel.

Exaspéré par les gaffes conjuguées d'Abdon et de Bernard, le prieur décide de les envoyer à la recherche d'une relique, laquelle pourrait, rapportée au monastère, assurer la fortune de celui-ci - et de ses membres. Tel est le prétexte officiel de leur départ, puisqu'il en faut bien un pour éloigner temporairement les deux moines et permettre à leurs frères de savourer ainsi quelques semaines, voire quelques mois de tranquillité. Pour plus de sûreté, l'homme de Dieu adjoint au duo frère Jérôme, un moine intelligent et responsable, et aussi maigre et osseux que les deux autres sont gras et forts. Puis il accorde sa bénédiction aux trois sacrifiés, leur assurant que, s'ils "translatent" l'os de Saint-Vincent du lointain couvent catalan qu'il leur a désigné au profit de la chapelle de leur propre monastère - à l'époque, les vols de reliques d'un monastère à l'autre étaient chose assez courante mais les moines-cambrioleurs étaient censés avoir reçu, par la prière, l'accord préablable du saint avant que ne s'effectuât ce que l'on nommait, par pudeur, la "translation" de ses restes - Dieu, bien loin de les punir pour ce larcin sacrilège, leur assurera le Paradis.

Voilà donc nos trois moines s'acheminant sur les routes du sud de la France, droit vers l'Hispanie, et y accumulant les rencontres - surprenantes, inquiétantes, douteuses, bénéfiques. Aucun d'eux ne se doute que, dans leur dos, le prieur, qui tient tout de même à obtenir sa relique, vient de déléguer, dans le même but, deux autres de leurs frères, réputés pour leur part comme intelligents et particulièrement habiles ...

Je ne vous dirai pas comment tout cela se finit. Sachez seulement que, sur cette route parsemée de bien des chausse-trappes (je vous recommande la curieuse scène fantastique, dans le château aux choucas), Abdon, Jérôme et Bernard se lieront d'une amitié indéfectible et que leur créateur, Jean-Louis Marteil, nous invite à les retrouver dans les deux tomes complémentaires de sa trilogie médiévale, dès "L'Os de Frère Jean" que je m'en vais entamer de ce pas (ou presque) en espérant y trouver autant de joie et de malice que dans "La Relique."

mercredi, juin 22 2011

La Maladie & la Foi au Moyen-Age -Lydia Bonnaventure

Extraits

Snobé par le Grand Siècle et celui des Lumières, le Moyen-Age fit rêver les Romantiques, à commencer par notre Hugo national qui lui éleva en hommage ce véritable chef-d'oeuvre littéraire que reste "Notre-Dame de Paris." Emporté et déchiré par les tourments immenses qui le ponctuèrent, le XXème siècle a alterné envers lui l'image d'Epinal, avec le Bon Roy Saint-Louis rendant la Justice sous son chêne et les haineuses invectives de certains obsédés voyant en ce monarque et la rouelle jaune qu'il fit porter aux Juifs rien moins que l'avant-garde religieusement fanatisée de la S. S. hitlérienne. Quant au XXIème siècle, pas encore débarrassé de certaines séquelles parmi les moins reluisantes de son prédécesseur, il semble s'engager sur la même voie, avec cependant, peut-être, un peu plus d'hésitations et de regards en arrière, à la recherche d'une vision plus juste, plus posée aussi du Moyen-Age et de ceux qui le traversèrent.

Le livre de Lydia Bonnaventure peut se lire comme une sorte d'enquête sur les rapports entre la foi, cette donnée constante et pour ainsi dire essentielle, pour le meilleur comme pour le pire, du Moyen-Age, et la maladie, autre donnée majeure de l'époque, avec la guerre et le pillage. Si longtemps avant un Pasteur que ses confrères traitèrent de fou furieux lorsqu'il osa parler des microbes - et ceci au coeur pourtant d'un XIXème siècle si triomphalement scientiste - l'homme du Moyen-Age était totalement désarmé face à la maladie. Les recettes homéopathiques pouvaient aider à se guérir d'un rhume ou d'une petite fièvre mais que faire contre la peste ou contre le choléra ? que faire encore contre le mal des ardents, cette affection délirante que l'on sait aujourd'hui causée par l'ergot de seigle mais qui, rappelons-le tout de même, trouva encore le moyen de tuer dans un petit village français, à la fin des années cinquante ?

Occupé avant tout à survivre - à la misère des temps, à leur précarité, à la guerre qui pouvait éclater sous le moindre prétexte, bref, à tant de choses qui nous demeurent plutôt étrangères - l'homme du Moyen-Age n'avait, face à la Maladie toute puissante, que la ressource de sa Foi. bGautier de Coinci,/b religieux érudit et auteur des "Miracles" cités ici par Lydia Bonnaventure, est le chantre même de cette foi. Esprit austère, il la veut pleine et entière : la maladie, c'est le châtiment de Dieu car l'homme, de toutes façons, est presque toujours coupable et, si ce n'est pas le malade lui-même qui l'est, comme dans le miracle ayant pour protagoniste un enfant sauvé par la Vierge, c'est l'un de ses proches (ici, la mère) qui n'est pas assez pieux.

La prière et surtout le repentir, un repentir sincère et ostensible, sont seuls à même de soigner et de guérir. Et si la guérison ne survient pas, si le malade repenti meurt, eh ! bien, c'est que, comme pour Galaad devant le Saint-Graal, Dieu lui fait en quelque sorte une grâce ...

Toutefois, Gautier de Coinci ne se contente pas de fustiger le malade. Assez courageusement, il pointe aussi du doigt le comportement, trop souvent dépourvu de toute charité chrétienne, de l'entourage du malheureux, cet entourage fût-il religieux. Lépreux ou pas, le malade moyen-âgeux est en effet presque unanimement considéré comme une charge et un paria. On l'accable de mauvais traitements, on le jette à la rue, on le laisse claudiquer dans les pires ruisseaux et quand survient la fin, on le jette sur un talus, avec à peine un peu de terre pour recouvrir son cadavre. Disons-le comme nous le pensons : pour une époque si religieuse et si obsédée par la Foi, ce n'est pas très reluisant.

Le mérite de ce petit livre, rédigé par ailleurs en un style simple, clair et dépourvu de toute pédanterie, a le mérite de faire réfléchir les modernes que nous sommes non seulement à la condition du malade en cette époque si difficile que fut le Moyen-Age mais aussi à notre propre comportement, à nous, femmes et hommes du XXIème siècle, face à certains de nos malades, tels que ceux affectés de troubles mentaux ou les personnes souffrant de troubles du comportement ou encore les handicapés.

Avec toutes nos belles techniques et toute notre belle foi en l'angélisme officiel et les valeurs dites "humanitaires", sommes-nous si différents des gens du Moyen-Age ? S'il se matérialisait brusquement parmi nous, Gautier de Coinci ne sentirait-il pas grandir en lui le besoin de rédiger un autre texte qui parlerait, hélas ! plus d'une absence totale que d'un accomplissement de miracles ? Si différente de celle du Moyen-Age, notre "foi" n'a pas gagné en se faisant plus terre-à-terre : elle révèle simplement que la Nature humaine reste dominée par l'égoïsme et que la charité envers son prochain n'est pas vraiment sa tasse de thé. Et puis, faut-il à tous prix croire en Dieu pour se montrer charitable et compréhensif ?

Je terminerai sur une note plus littéraire en signalant que "La Maladie et la Foi" ne saurait manque de donner à l'esprit curieux l'envie de découvrir des textes médiévaux. Rien que pour cela, lisez-le.