17 février 1673, Paris : décès de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, comédien, metteur en scène et auteur de théâtre.

Son père avait une charge de tapissier, c'est dire que Molière naquit dans une famille aisée et que la voie lui était toute tracée. Bien qu'il eût fait son droit et qu'il eût apparemment accepté de reprendre un temps la charge paternelle, il choisit de rompre avec les siens en 1643 et de partir avec une troupe de comédiens ambulants, aux côtés de la femme qui compta certainement le plus pour lui : Madeleine Béjart.

Molière aimait le théâtre depuis que son grand-père l'amenait, tout enfant, voir les représentations des baladins sur les marchés de la capitale. Le métier, il l'apprit sur le tas et, tous les témoins le racontent, il semble avoir été doué dès le départ d'une nature comique qui lui assurait le succès.

D'abord protégée par le prince de Conti, frère du Grand Condé, la troupe de Molière et de Madeleine, l'Illustre Théâtre, passa ensuite à Monsieur. Et ce fut pour Monsieur, qui voulait régaler le roi son frère d'une représentation, que furent données le même jour, en 1658, une pièce de Corneille qui fut boudée et une comédie de Molière, ajustée sur une trame italienne, comme la chose était courante à l'époque. Cette pièce, c'était "La Jalousie du Barbouillé" et elle fit rire aux larmes le Roi et sa cour.

Un an plus tard, en 1659, c'est à Molière que Louis XIV s'adresse pour assurer la partie théâtre du divertissement qu'il veut donner à Versailles officiellement en l'honneur de la Reine mais en fait pour sa maîtresse, Louise de La Vallière. Le résultat : "Les Précieuses ridicules" qui font un vrai tabac.

Jusqu'à ce qu'il se sente vieillir et juge opportun de retourner à la dévotion que lui prêchait sa mère, Louis XIV protègera Molière. C'est d'ailleurs uniquement par respect pour Anne d'Autriche qu'il interdit la première version de "Tartufe" en 1664. Cinq ans plus tard, la pièce explose dans une version allongée de deux actes. Les cagots ravalent leur rage mais Molière ne sera jamais quitte à leurs yeux.

L'auteur-comédien alterne les comédies - le public, y compris celui de la Cour, adore le genre - et les drames comme "Le Misanthrope." Avec l'âge et les déboires sentimentaux et amicaux qui s'accumulent, sa plume devient plus sombre. Mais ce comédien de génie trouve toujours à dissimuler sa tristesse et "L'Avare", dont l'argument est en soi affreusement sinistre, trouve tout de même le moyen de provoquer le rire.

Autre pièce qui mêle la tristesse et le rire : "Le Malade imaginaire" où Molière le tuberculeux se moque férocement des hypocondres et de la gent médicale de l'époque.

Ce sera la dernière pièce écrite par Molière et elle ne sera pas représentée à Versailles mais à Paris. Au soir de la quatrième représentation, le 17 février 1673, Molière a un malaise en scène mais joue jusqu'au bout. On le ramène chez lui où il décède peu après, sans avoir renié la profession à laquelle il avait tout sacrifié.

Sa veuve, Armande Béjart, alla demander au Roi de s'interposer afin que son mari pût reposer en terre consacrée. (A l'époque, les comédiens étaient enterrés sans les rites religieux.) On ne sait exactement les termes qu'elle utilisa pour convaincre le monarque mais Louis XIV ordonna et les dévots durent s'incliner : Molière fut enterré selon les rites.

Lorsque Louis XIV demanda à Boileau : "Dites-moi, quel est le plus grand auteur de ce temps ?", le grand critique lui répondit : "Molière, Sire." Le Roi alors, dit-on, resta pensif, puis déclara : "Je ne l'aurais jamais cru mais vous vous y entendez mieux que moi."

Une polémique, lancée par Pierre Louÿs dans les années 1910, veut que les pièces de Molière aient été écrites, à partir de 1659, date de son premier succès, par Corneille. Des études très sérieuses ont été faites en ce sens mais, à bien y regarder, on se pose toujours la même question : si la chose est exacte, pourquoi les ennemis de Molière - et Dieu sait s'il en eut ! - qui l'ont accusé de tout (et même d'avoir épousé sa propre fille) ne lui auraient-ils pas reproché d'utiliser les vers d'un autre pour se maintenir en cour ? ... ;o)

NB : quelques photos du film remarquable qu'Ariane Mnouchkine consacra à Molière en 1978 : "Molière ou la Vie d'un Honnête Homme."