Innan Frosten Traduction : Anna Gibson

Avez-vous vu un passionné s'attaquer à l'un de ces puzzles monumentaux qui en désespèrent plus d'un ? Eh ! bien, quand on lit "Avant le Gel", on se dit que, pour l'écrire, Henning Mankell a dû procéder de manière similaire. C'est dire qu'une lenteur quasi jubilatoire et l'amour de la précision ont présidé à la rédaction de ce livre.

Le prologue nous dépeint la fuite du seul survivant de la secte fondée - et exterminée - par Jim Jones au Guyana. C'est assez court mais l'exaltation religieuse désespérée qui anime le personnage vous met d'emblée mal à l'aise.

Puis on se retrouve en Suède, plus précisément en Scanie, région élue par Mankell, dans la ville de Malmö, où Linda, la fille de Kurt Wallander, s'apprête à rejoindre son affectation, dans le même commissariat que son père. Ayant, semble-t-il, définitivement rompu les ponts avec sa mère, Mona, désormais remariée et qui sombre dans l'alcool, la jeune femme, en attente d'un logement valable, vit pour l'instant chez son père. Ce qui n'est pas toujours facile, pour l'un comme pour l'autre, bien que - ou parce que - ces deux-là se ressemblent en fait terriblement.

Toujours fidèle à lui-même, Wallander s'inquiète d'un appel reçu au commissariat et qui signalait des cygnes en feu sur le lac voisin. Pour lui - comme pour toute personne sensée - s'attaquer à des animaux qui n'ont strictement rien fait suppose qu'on peut passer à la vitesse supérieure, et s'attaquer à l'Homme.

De son côté, Linda, qui tourne un peu en rond dans l'attente de prendre ses marques définitives, s'inquiète de la disparition apparente de l'une de ses anciennes camarades de classe, dont elle était demeurée proche, Anna Westin. La dernière fois qu'elles s'étaient parlé, quelques jours plus tôt, Anna lui avait dit avoir croisé son père près d'un hôtel. Or, Erik Westin avait abandonné femme et enfant alors qu'Anna n'avait que cinq ou six ans.

Il est difficile de définir l'atmosphère de ce roman : à la fois étouffante et intemporelle, cotonneuse et onirique, balisée de détails très précis et en même temps très floue, en tous cas angoissante. La tension monte lentement, avec une détermination tranquille, et ce cheminement est ponctué de nouveaux animaux sacrifiés par le feu et de quelques cadavres de femmes.

Même si Mankell achève son roman sur une note d'espoir, on retrouve ici un peu de la tristesse et du désespoir écoeuré qui tissaient la toile des "Morts de la Saint-Jean." Bref, c'est du "grand" Mankell. Je le déconseillerai toutefois à ceux qui n'apprécient guère les longueurs dans les polars. En outre, si l'on veut vraiment chercher des poux à l'auteur, il y a, çà et là, quelques petites imprécisions - oui, malgré tout - et l'ambiguïté avec laquelle il considère le fanatisme religieux - en fait, on ne sait jamais s'il le tient, réellement ou non, pour une folie - peut laisser certains sur leur faim.

Mais moi, j'ai vraiment aimé. ;o)