The Bell Jar Traduction : Michel Persitz

"La Cloche de Détresse" parut dans le monde anglo-saxon en janvier 1963. Un mois plus tard, Sylvia Plath mettait fin à ses jours.

Le fait d'avoir plongé au plus profond d'elle-même pour en extirper ce livre constitua-t-il pour elle un choc trop violent dont elle ne ressentit peut-être pas l'impact pendant qu'elle écrivait mais qui se révéla dans toute son ampleur après qu'elle eut autorisé son ultime enfants de mots et d'encre à prendre son envol sous la houlette des éditions Faber & Faber ?

Ou bien les réactions, très mitigées, des êtres de chair et de sang dont elle avait restitué le caractère dans ces pages accentuèrent-elles l'impression qu'elle traînait après elle de n'avoir jamais été réellement comprise et appréciée à sa juste valeur, la renvoyant à sa souffrance intime ?

Y eut-il d'autres facteurs comme la certitude, illusoire ou définitive, d'avoir atteint, avec "The Bell Jar", à l'ultime niveau de son talent ?

Quoi qu'il en soit, ce roman demeure un modèle d'analyse personnelle sans complaisance. Une fois encore, le miracle de l'écriture se fait sentir et le romancier s'approprie sans vergogne l'individu qu'il est aussi pour en faire l'un de ses personnages. Ce personnage, il l'examine sous toutes les coutures - on dirait de nos jours qu'il le scanne - et le restitue, avec l'intégralité de ses états d'âme, fussent les moins facilement compréhensibles. A ce jeu-là, c'est vrai qu'on peut se perdre et si la réussite de Plath l'écrivain est ici exemplaire, on peut comprendre que Plath la femme n'y est pas survécu.

Il faut dire que Plath n'a pas choisi la facilité : si elle dote bien évidemment son héroïne d'un Etat-civil à part entière (Esther Greenwood), elle ne peut s'empêcher de recourir au "Je" pour monter son texte. De plus, on sent bien qu'elle n'a rien oublié de son parcours de petite provinciale qui, ayant remporté un concours de poèmes organisé par une grande revue new-yorkaise, se trouve brutalement immergée, presque du jour au lendemain, dans un univers brillant mais superficiel qui l'agace et la charme tour à tour.

Quand, le séjour-récompense à New-York achevé, Esther-Sylvia prend le chemin du retour, le drame éclate : aux angoisses et aux sensations vertigineuses inspirées par un univers qui semble vaciller, succède une tentative de suicide et l'inévitable thérapie de choc, la seule pratiquée dans les années cinquante.

Certes, Sylvia Plath a tenu à achever son roman sur une note d'espoir et fait son héroïne quitter, pratiquement guérie, la clinique qui l'a accueillie après sa dernière rechute. L'espoir, il est vrai, s'ouvrait alors à la jeune fille puisque nous étions encore en 1953/1954, soit avant sa rencontre et son mariage avec Ted Hughes. Mais lorsque la romancière pose le point final à ce récit, dix ans se sont écoulés, elle connaît des problèmes de couple et a deux enfants. Pour elle, l'espoir n'est plus.

Juste avant de s'enfermer dans la cuisine et d'en calfeutrer la porte pour s'assurer que l'arrivée de gaz du four accomplirait correctement son office, Sylvia Plath prit la précaution de préparer, à l'intention de son fils et de sa fille, un goûter de pain et de chocolat. ;o)