Le Thème :

Dix nouvelles où l'amour et l'étrange font parfois bon ménage. Histoires fantastiques ? A peine. Un doigt de science-fiction ? En marge, alors. Plutôt des vies qui s'emmêlent, se nouent ou se défont, des instants de cristallisation, des moments de bascule. Difficile à dire. En écrivant ces mots, l'auteur sait bien qu'ils ne parviennent pas à exprimer ce qu'ils devraient. « Mieux vaut, dit-il, ne pas se risquer plus avant dans une mauvaise quatrième de couverture : au lecteur de lire, de juger, voire d'aimer... et c'est bien mon seul souhait. »

Des nouvelles qui, pour moi - lectrice pourtant exigeante et ne jurant volontiers, en matière de nouvelles, que par Mansfield, Tchékhov, Maugham, etc ... - ne sont pas loin de la perfection : subtiles dans l'analyse des sentiments et des situations évoqués, pleines de pudeur et de tendresse même si, parfois, le désenchantement est présent, avec cela révélant une sensibilité d'écorché vif que Jean-Christophe Heckers dissimule d'habitude très habilement dans ses oeuvres plus branchées "SF."

L'un des thèmes de ces nouvelles est l'identité sexuelle ainsi que la difficulté de la vivre dans un monde qui, en dépit de ses déclarations grandiloquentes, se détourne encore avec horreur de l'homosexualité, du lesbianisme et peut-être plus encore (si la chose est faisable) de la bisexualité. Le choisir, c'est toujours risquer de tomber dans le scabreux ou la provocation : rien de cela chez Jean-Christophe Heckers qui fait montre d'une puissance de réflexion et d'une lucidité exemplaires.

Je citerai, parmi mes nouvelles préférées, "Ces petites choses" (si cruel et si authentique), "Passages" (qui analyse l'ambiguïté de ce qui ne s'avoue pas), "Peut-être" (peut-être la meilleure nouvelle du lot avec sa coloration fantastique), la gaieté du "Maître" ...

J'ajouterai que, dans un commentaire sur "L'Etoile des Chiens" - si mes souvenirs sont exacts - je parlais du style de l'auteur comme donnant l'impression de se chercher encore. Eh ! bien, ici, aucun doute : son style, il l'a trouvé.

Lisez, vous verrez bien. Mais pour moi, Jean-Christophe Heckers a, sans conteste, du talent.

A lire sur Alexandrie.