Conscient de se trouver en bien mauvaise posture, Fénelon se résolut à demander l'aide des jésuites. Mais il fit pire : il se mit en tête de porter son affaire devant le Pape. Quand on sait que, depuis Philippe IV le Bel, les rois de France ont toujours vu d'un très mauvais oeil l'ingérence du Vatican dans les affaires intérieures du pays, on se demande, ma foi, quelle mouche le piqua ce jour-là.

Compromis en cette affaire, nous allons retrouver notre ami, le cardinal de Bouillon, celui que nous avons déjà vu faire tant d'histoires pour obtenir le dauphiné d'Auvergne parce que cette terre permettait à son possesseur d'afficher le titre de "prince-dauphin."

"... ... Le cardinal de Bouillon" nous dit donc un Saint-Simon aux anges, "n'avait pas moins envie (d'aller à Rome que le cardinal de Janson en avait d'en revenir.) La frasque ridicule qu'il avait faite sur cette terre du dauphiné d'Auvergne, et d'autres encore, avaient diminué sa considération et mortifié sa vanité ; il voulait une absence, et une absence causée* et chargée d'affaires, pour revenir après sur un meilleur pied. Il n'y avait plus que deux cardinaux devant lui, et il fallait être à Rome à la mort du doyen, pour recueuillir le décanat du sacré collège.

M. de Cambray s'était lié d'avance avec lui, et l'intérêt commun avait rendu cette liaison facile et sûre. Le cardinal voyait alors ce prélat dans les particuliers intimes de Mme de Maintenon et maître de l'esprit des ducs de Chevreuse et de Beauvillier, qui étaient dans la faveur et dans la confiance la plus déclarées. Bouillon et Cambray étaient aux jésuites, et les jésuites à eux, et le prélat, dont les vues étaient vastes, comptait de se servir utilement du cardinal, et à la cour et à Rome. Son crédit à la cour tombé, celui de ses amis fort obscurci, l'amitié du cardinal lui devint plus nécessaire. ... ..."

* : c'est-à-dire qu'il désirait qu'on le chargeât d'une mission diplomatique.