Marie-Pauline Tarn, dite Renée Vivien, fut une admiratrice sincère et passionnée de Lucie Delarue-Mardrus et ce fut elle qui lui fit rencontrer la riche et très mondaine Nathalie Barney :

           

Destin tragique que celui de cette poétesse, probablement l'une des plus grandes - eh ! oui - du XXème siècle, dont le lesbianisme prit naissance dans la haine tout à fait justifiée qu'elle portait à sa mère, laquelle tenta de la faire iinterner dans un asile pour mieux profiter de la rente que lui avait laissée son père. Refusant l'image de la Mère, Vivien est une anorexique avant l'heure dont la santé ira en se dégradant. Qui pis est, elle boit et sans doute sacrifie-t-elle aux drogues de l'époque.

Dès 1903, sa "Vénus des Aveugles" avait été très mal accueillie par la critique qui perçut bien la révolte et la haine qu'inspirait à l'auteur le système patriarcal où elle était née ainsi que son apologie de la Mort. (L'oeuvre de Vivien n'est pas d'ailleurs sans évoquer celle de Baudelaire.) Alors se déchaînèrent les attaques contre sa vie privée, sa liaison avec Nathalie Barney et ce que l'on peut déjà appeler son militantisme pro-lesbien. La dépression achève son oeuvre chez la jeune femme et elle meurt en 1909, à l'âge de 32 ans, des suites d'une pneumonie contre laquelle son corps ne pouvait pas lutter.

La Fusée

Vertigineusement, j’allais vers les Etoiles…

Mon orgueil savourait le triomphe des dieux,

Et mon vol déchirait, nuptial et joyeux,

Les ténèbres d’été, comme de légers voiles…

Dans un fuyant baiser d’hymen, je fus l’amant

De la Nuit aux cheveux mêlés de violettes,

Et les fleurs du tabac m’ouvraient leurs cassolettes

D’ivoire, où tiédissait un souvenir dormant.

Et je voyais plus haut la divine Pléiade…

Je montais… J’atteignais le Silence Eternel…

Lorsque je me brisai, comme un fauve arc-en-ciel,

Jetant des lueurs d’or et d’onyx et de jade…

J’étais l’éclair éteint et le rêve détruit…

Ayant connu l’ardeur et l’effort de la lutte,

La victoire et l’effroi monstrueux de la chute,

J’étais l’astre tombé qui sombre dans la nuit.

Un florilège des poèmes de Renée Vivien est à découvrir ici.