Shroud for the Archbishop Traduction : Dorothée Chifflot'

Peter Tremayne présente l'originalité d'avoir des racines à la fois bretonnes, galloises, irlandaises et écossaises. En d'autres termes, c'est un Celte authentique et cela explique pourquoi il a choisi de faire de soeur Fidelma de Kildare l'héroïne d'une série de romans policiers parus chez 10/18 et dont l'action se situe au VIIème siècle après J.C.

On trouvera peut-être étrange qu'une affreuse blasphématrice et odieuse anti-cléricale telle que moi s'intéresse à des religieux lorsque ceux-ci se font détectives. Il faut dire que, avec Tremayne et soeur Fidelma, j'ai la meilleure des excuses pour ce faire : tous deux évoquent un temps où l'Eglise d'Irlande n'hésitait pas à désigner le Pape sous le simple nom d'"évêque de Rome." ;o)

Si l'on s'intéresse un tant soit peu à l'histoire du christianisme (que je suis de plus en plus tentée, de jour en jour, de rebaptiser "saint-paulisme"), on sait que le clergé celtique a toujours été très mal vu du Vatican. Les romans de Tremayne permettent de comprendre les raisons de cette suspicion tout en se délassant.

L'église irlandaise moyen-âgeuse, bien éloignée de ce qu'elle est devenue, obéissait en effet à ses propres règles ou plutôt, elle continua longtemps à suivre celles des premiers chrétiens : couvents mixtes, mariages des moines et des soeurs, enfants qui, à l'"âge du choix", n'optaient pas tous pour la vie monastique, respect des antiques traditions celtiques et préservation mémorielle émue des vieux dieux.

Bien mieux, fidèle à la coutume celte, cette église laissait aux femmes beaucoup de responsabilités. Soeur Fidelma par exemple intervient rarement en tant que nonne mais plus souvent en tant qu'avocate ecclésiastique.

Dans "Le Suaire de l'Archevêque", qui se déroule à Rome, Tremayne met bien l'accent sur le scandale que cette égalité des sexes prônée par les Celtes provoquait chez les tenants de l'église romaine. Soeur Fidelma ne s'en laissera d'ailleurs conter par personne et résoudra avec finesse une intrigue qui regorge de cadavres - il est vrai qu'à cette époque, la mort violente était chose courante.

Si elle est venue à Rome, dont elle n'apprécie guère les ors et le luxe, c'est parce qu'elle doit faire bénir la règle de son ordre par le pape Vitalien. L'audience traîne tant et si bien que Fidelma se trouve appelée à enquêter sur le meurtre de Whighard, lequel avait été tout récemment élu archevêque de Cantorbery. Whigard était chargé par l'église saxonne de remettre au pape nombre de cadeaux de grand prix dont, évidemment, on ne retrouve pas grande trace dans sa chambre. Les premières constatations laissent donc à penser que l'archevêque a été étranglé afin que les voleurs puissent opérer en paix.

Mais est-ce vraiment aussi simple ? ...

Non, bien sûr, d'autant que l'assassin supposé, un moine irlandais, frère Ronan, est à son tour étranglé dans les Catacombes où il avait fixé rendez-vous à soeur Fidelma afin de se disculper ...

Si le Moyen-Age et l'Histoire en général vous intéressent peu, inutile de vous attarder chez Tremayne dont le style appliqué n'est pas de ceux qui enthousiasment les foules. Dans le cas contraire, je pense sincèrement que ses ouvrages valent le détour bien qu'eux aussi, comme tous les romans policiers du monde, soient de valeur inégale.

J'avais fait sa connaissance avec "La Ruse du Serpent" que je n'avais guère apprécié. Mais avec ce "Suaire de l'Archevêque", mon intérêt s'est éveillé et je place désormais leur auteur au rang des écrivains "policiers" qui méritent d'être lus. Tremayne est un bon artisan et, mieux encore, c'est un passionné, avide de faire partager aux autres sa passion envers la Celtie. Sa prose, souvent lourde et sans imagination, n'est pas à la hauteur de sa bonne volonté mais la flamme est telle qu'elle trouve tout de même le moyen de se manifester, ce qui finit par séduire.

En outre, Tremayne fournit une foule de renseignements intéressants et parfois très curieux sur les premiers âges de la chrétienté, qui ne peuvent qu'éclairer la vision actuelle que nous donne d'elle l'église vaticane.

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