The Chinese Bell Murder Traduction : Roger Guerbet

Fidèle à sa technique habituelle, Van Gulik entremêle ici trois affaires :

1) l'affaire du viol suivi de l'assassinat dans la rue de la Demi-Lune ;

2) l'affaire du temple bouddhiste

3) et celle qui donne son titre au roman : le squelette sous la cloche.

Après un prologue un peu fantastique à la manière chinoise, le romancier nous fait retrouver le juge Ti, lequel vient d'arriver à Pou-yang. La première affaire qu'il doit juger semble avoir déjà été résolue par son prédécesseur : Pureté-de-Jade, fille du boucher Siao, recevait la nuit dans sa chambre le candidat aux examens littéraires et futur fonctionnaire Wang Sien-tchoung. Mais un matin, on a découvert la jeune fille, violée et étranglée sur son lit. Deux épingles à cheveux en or, ornées d'une hirondelle, ont disparu mais il est clair que ce n'est là que manoeuvre diversives : le coupable, qui s'entête pourtant à nier, ne peut être que ce suborneur indigne de Wang.

Alors que le juge Ti tente d'affiner les conclusions de son prédécesseur car, pour sa part, il n'est pas du tout convaincu de la culpabilité du jeune homme, Tao-gan est expédié au monastère bouddhiste de l'Infinie Miséricorde afin de se faire une idée sur l'honnêteté des pratiques qui y ont cours. Ce temple est en effet devenu extrêmement célèbre en raison d'apparitions de la déesse Kouan-yin que de riches femmes stériles viennent régulièrement prier afin d'obtenir un héritier. Pour ce faire, elles passent une nuit au temple, en prières dans des appartements privés que Tao-gan, se faisant passer pour un menuisier, visite sans pouvoir y déceler trace d'éventuels passages secrets prouvant que les apparitions de Kouan-yin ne sont peut-être pas si féminines et si vertueuses que cela ...

La suspicion du juge envers le monastère et son supérieur, Complète-Compréhension, se voit considérablement renforcée lorsque celui-ci lui expédie trois lingots d'or et trois autres d'argent, en guise de cadeau de bienvenue.

Enfin, pratiquement dès la première séance du tribunal, le juge Ti est appelé à se pencher sur la plainte déposée par Mme Liang, veuve d'un riche marchand cantonnais, contre le non moins riche Lin Fan, que la vieille dame accuse d'avoir fait assassiner pratiquement tous les membres de la famille Liang.

La complexité de ces intrigues permet une nouvelle fois à Van Gulik d'amener son lecteur à prendre conscience du rôle crucial qui était celui du magistrat de district dans l'ancienne Chine. A la fois policier et juge, il était aussi le "père" des populations qui étaient confiées à son contrôle ainsi que le représentant de l'Empereur. Il participait ainsi à l'équilibre de l'ancien système de caste chinois et, s'il se laissait corrompre, les répercussions pouvaient en être très graves.

Rouage parmi les rouages, le magistrat de district avait à charge de rendre la justice mais de se montrer également très efficace. Le fait qu'il n'avait pas le droit à l'erreur ne concernait pas seulement ses administrés : lui-même faisait parfois mieux de laisser la justice immanente suivre son cours plutôt que de se fier à celle, toujours corruptible, de la Cour métropolitaine - ce que nous prouve amplement l'affaire du temple bouddhiste.

Enfin, le juge devait, dans certaines affaires atypiques, telle celle du squelette sous la cloche, allier sens de la justice et humanisme.

Non, ce n'était pas simple - et ça ne l'est toujours pas - d'être juge. Robert Van Gulik nous en fait ici, avec son brio coutumier, une impeccable démonstration. ;o)