The House of the Red Slayer Traduction : Anne Bruneau/Christiane Poussier

Paul Harding, je l'ai découvert par un hasard vraiment comique. Le bureau de mon mari se situant en sous-sol, il lui arrive souvent de voir les grandes poubelles désormais d'usage dans les immeubles, en attente dans le couloir menant aux caves. Or, sur ces poubelles, certaines personnes déposent parfois les livres auxquels elles ne tiennent plus.

... Et mon mari me les ramène puisque, avec moi, tout livre fait bibliothèque, si j'ose dire. ;o)

Au début, j'étais peu emballée : avec le roman de Harding, il y avait un Tremayne. Je ne connaissais ni l'un ni l'autre et une action qui se situe au Moyen-Age, franchement, cela me semblait douteux ...

Mais il ne faut jamais dire : "Fontaine, etc ..."

Si le style de Tremayne continue à me faire un peu tousser, en revanche, avec Harding, ce fut le coup de foudre. Certes, son héros est encore un religieux, frère Althestan, un frère-prêcheur de l'ordre des Dominicains, ayant fait voeu de pauvreté. Mais non seulement ce frère voue un amour platonique à une jeune femme (qui est veuve, foin des mauvaises pensées !), Bénédicta, mais il oeuvre comme "secrétaire" du coroner du lieu, le trépidant, époustouflant, rabelaiso-shakespearien Sir John Cranston.

L'action se situe à Londres, mais le Londres du XIVème siècle (très précisément sous la régence de Jean de Gand, duc de Lancastre, pendant la minorité de Richard II, ce qui correspond au règne de Charles VI, le roi fol en France), un Londres qui n'a encore qu'un seul pont, où les piloris fleurissent sur les places publiques, entretenus par les dizainiers (sortes d'officiers de police chargés de faire appliquer les sentences prononcées par le coroner), où les mendiants sont à pied d'oeuvre nuit et jour dans des rues mal pavées, où les ordures sont rassemblées en tas tandis que grouille autour d'elles tout un menu peuple d'artisans, d'ouvriers et de petits-métiers oubliés depuis des lustres.

Qui mieux est, Harding (accessoirement professeur d'histoire médiévale tout de même) est de ces écrivains qui parviennent, avec les mots, à vous dépeindre un lieu, une atmosphère, une époque et leurs personnages comme le ferait le pinceau d'un peintre. Ici, on pense à la fois à Jérôme Bosh, aux "Très riches Heures du duc de Berry" et même aux tarocchi du Moyen-Age qui préfigurèrent notre jeu actuel dit du "Tarot de Marseille" - je pense au fastueux Tarot Visconti et, bien sûr, à tous ceux qui s'inspirèrent des euvres de Pétrarque.

En un mot, c'est un Moyen-Age débordant de vie qui vous accroche avec ces "riches et navrantes aventures de frère Athelstan."

Dans "Le Donjon du Bourreau", nous sommes très précisément en 1377 et l'hiver est terrible. La Tamise est gelée et il est impossible de sortir de Londres (ou d'y rentrer). Comment, dans ces conditions, lorsque sir Ralph Whitton, gouverneur de la Tour de Londres, est retrouvé assassiné dans sa chambre fermée de l'intérieur, ne pas suspecter avant tout les membres de sa maison et les invités qu'il avait conviés pour la Noël ?

Sir John Cranston est appelé à enquêter, entraînant dans son sillage frère Athelstan. Pourtant, les deux hommes, eux aussi, ont leurs problèmes personnels : l'un s'imagine que sa femme - qu'il adore - a un amant et l'autre doit faire face à une sombre affaire de cadavres profanés dans le cimetière de sa paroisse.

En ces temps où le Diable est une réalité vécue au quotidien par un peuple qui a du mal à faire la différence entre foi et superstition, l'affaire n'est pas mince.

Pendant ce temps, bien entendu, les assassinats sauvages se succèdent à la Tour de Londres, tous aussi mystérieux que celui de Sir Ralph. L'une des victimes se verra même décapitée et châtrée post mortem et le meurtrier aura l'obligeance de déposer le tout à la porte du coroner.

Un roman de bout en bout palpitant. Sauf si vous n'aimez ni l'Histoire, ni le Moyen-Age, évidemment. ;o)