Imaginary Friends Traduction : Marie-Claude Peugeot

A moins que vous ne préfériez emporter avec vous "Des Amis Imaginaires", le plus méchant, le plus rosse à ce jour des romans que j'ai lus de cet auteur. En plus - et comme d'habitude - Lurie fait à peine mine d'y toucher : un petit coup de griffe par-ci, une chiquenaude par-là ... mais, peu à peu, on se rend compte qu'elle peint au couteau.

Ses héros sont ici deux universitaires qui enseignent la sociologie. Tous deux sont fort imbus de la discipline qu'ils vénèrent et l'on comprend tout de suite que, à leurs yeux, sorti de là, il n'existe point de salut : à chacun sa chapelle, en somme.

Pourtant, comme le plus jeune d'entre eux, Roger Zimmern, nous prévient dès les premières pages qu'il va nous raconter ce qui est arrivé à son brillant aîné, le Pr Mc Mann, on se doute bien que, pour les deux chercheurs, l'aventure qu'ils ont vécue ensemble ne fut pas tapissée que de roses. De là à imaginer la fin prévue par Alison Lurie, il y a tout de même un gouffre ...

Bref, Mc Mann et Zimmern se mettent en tête d'étudier une petite bande d'illuminés parfaits, qui se sont auto-dénommés "Les Chercheurs de Vérité". Sous la conduite de Verena, une jeune fille qui entend des voix extra-terrestres, et dûment coachés par Elsie, la tante de Verena, les membres de cette modeste secte se persuadent peu à peu que le jour est proche où ils feront la connaissance de Vo et Ro, les deux "guides" spirituels de Verena. Mc Mann et Zimmern étant parvenus à les convaincre de leur désir de les rencontrer eux aussi, ceci dans le noble but d'édifier le milieu scientifique, voilà nos deux universitaires aux premières loges pour attendre le Jour J ...

Le reste ne se raconte pas. C'est un monument d'habileté, de cruauté aussi et d'ironie, qui achèvera de vous convaincre, je l'espère, qu'Alison Lurie est un grand écrivain. Elle démasque avec enthousiasme tous ses personnages, étale au vu de tous ses lecteurs leurs motivations les plus secrètes et les plus inavouables et, pirouette suprême, trouve le moyen de nous laisser un tout petit doute à l'issue de son roman. Qui dit mieux ? ;o)