Soul/Mate by Rosamond Smith. Traduction : Pierre Charras

Sans être un texte majeur de son auteur qui l'a publié sous son pseudo de romancière "noire", "Le Sourire de l'Ange" constitue une description convaincante d'une personnalité brillante mais instable qui, à la suite de l'accident de voiture qui a coûté la vie à ses parents (et dont on ne saura jamais s'il n'y a pas tenu un rôle autre que celui reconnu par les autorités, à savoir celui du vaillant petit garçon qui plonge et replonge pour arracher son père et sa mère à leur cercueil coulé), a basculé dans la psychopathie.

Dans une paisible petite ville de la Nouvelle-Angleterre, le séduisant et fragile Colin Asch - un nom qui évoque l'idée de cendres - débarque chez son oncle Martin et sa tante Ginny, alors que ces deux notables donnent une petite réception. Et c'est là qu'bil se prend d'une passion - toute platonique mais d'autant plus brûlante, justement - pour Dorothea Deverell qui, plus âgée que lui, symboliserait peut-être (peut-être) à ses yeux la Mère Parfaite que ne fut jamais la sienne.

Or Dorothea est en butte à une campagne de calomnies menée de main de maître par Roger Krauss, lequel désire lui souffler sa prochaine promotion au bénéfice d'un sien neveu. En outre, sur le plan privé, Dorothea est la maîtresse d'un homme marié dont l'épouse, Agnes, se refuse à divorcer.

Colin se met donc en tête de résoudre ces deux problèmes mais sans en parler à Dorothea.

On ne peut pas dire qu'il y ait suspens. On voit le meurtrier accomplir ses forfaits mais, surtout, on est dans son esprit lorsqu'il les accomplit. Oates-Smith, dans l'oeuvre de qui la gémellité, l'idée du double, sont des thèmes récurrents, nous fait percevoir avec habileté la seconde personnalité qui sommeille dans Colin et qui, selon lui, "l'empêche d'être bon." En usant d'ellipses et de suggestions, Oates amène ainsi son lecteur non pas à s'attendrir sur Colin mais à se poser effectivement la question : "Qu'en aurait-il été de lui si ... ?"

Bien entendu, la fin est tragique. Mais y en avait-il une autre pour Colin Asch ? Et, comme toujours chez Oates, le lecteur referme son roman avec la très curieuse impression que, finalement, ce héros asocial était tout de même plus sympathique que les protagonistes "normaux" qui l'entouraient ... ;o)