La maladie de Virginia avait encouragé son alcoolisme ainsi, vraisemblablement, que la prise d’autres substances, comme le laudanum, en vente libre à l’époque. Ces facteurs et les angoisses terribles qui ne cessaient de le tenailler le firent tomber lui-même gravement malade, au point d’être hanté à son tour par le spectre de la page blanche. Dans de telles circonstances, la mort de sa jeune épouse – morte à 24 ans, comme le frère et la mère de Poe – en janvier 1847, fut pour lui le coup de grâce. Il n’avait plus que deux ans à vivre.

La mort l’attendait en effet dans la ville natale de son père, Baltimore, où il se rendit pour affaires le 27 septembre 1849. Passé cette date, il disparaît pendant plusieurs jours et, quand on le retrouve, dans une taverne, il est clair qu’il a été dépouillé de son argent et de ses vêtements aisés. Sans doute a-t-il été frappé par ses agresseurs à moins que, complètement ivre, il n’ait roulé de caniveau en caniveau. C’est son oncle paternel, Henry Herring, qui se charge de l’emmener au Washington College Hospital. Il y décède le 7 octobre. Motif officiel : congestion cérébrale.

La mort si mystérieuse d’un écrivain dont l’œuvre est hantée par la Faucheuse ne pouvait que déchaîner les hypothèses. Vient en tête – évidemment - une consommation excessive d’alcool agissant sur un organisme affaibli par la tuberculose et/ou une maladie cardiaque. Les coups reçus peuvent aussi avoir provoqué une hémorragie interne.

Mais la théorie la plus vraisemblable impute la responsabilité de sa mort à la triste coutume qui voulait que, lors des élections – or, l’on procédait à l’élection du sheriff de Baltimore dans ces sombres jours d’octobre 1849 – les partisans des candidats fissent boire aux naïfs (ou aux ivrognes patentés) un mélange d’alcool et de stupéfiants avant de les amener dans cet état au bureau de vote. Le changement de vêtements observé s’expliquerait alors par le fait que, bien souvent, les agents électoraux troquaient les vêtements de leurs victimes. Dans cette hypothèse, ce cocktail détonnant d’alcool et de drogue, appliqué à un Edgar Poe qui avait sans doute déjà bu pas mal et souffrait du coeur, aurait agi de façon irréparable.