The Life & Death of Andy Warhol Traduction : Pascale de Mézamat.

La biographie de Victor Bockris est l'une des meilleures qui aient jamais été consacrées au "Pape" du Pop-Art. Sans forcer sur le souffre, encore moins sur l'hagiographie, elle nous rappelle les principales étapes de la vie d'Andy Warhol :

1) l'enfance, couvée par la mère, Julia Warhola, à laquelle Andy restera toujours viscéralement attaché même s'il refusera de la voir sur son lit de mort, voulant, comme il le déclara, "conserver le souvenir de Maman telle qu'elle était", auprès d'un père travailleur mais autoritaire qui lèguera à son fils cette façon paternaliste avec laquelle, jusqu'au bout, l'artiste ne cessera de "coacher" son entourage ; et bien entendu la jeunesse, ce talent indéniable qui s'affirme très tôt et choque le milieu des Beaux-Arts à Pittsburgh, enfin le premier groupe d'amis des deux sexes qui ne survivra pas à la réussite new-yorkaise ;

2) l'apprentissage publicitaire à New-York avec l'image de Warhol, perdu dans la solitude qui, en dépit des groupies de tous sexes qui se pressaient à ses côtés, le faisait appeler les gens la nuit, un peu comme Monroe, rien que pour avoir une voix à laquelle parler ... Il se sentait parfois si seul que, certains jours, il était heureux de voir les cafards dans sa cuisine. Et puis les premiers succès, le nom qui s'installe ... mais dans la publicité ;

3) la révélation du Pop-Art, à l'automne 1960, lorsque Warhol se décide à peindre "des objets populaires" du XXème siècle, telles les fameuses bouteilles de Coca-Cola ... et les boîtes de soupe Campbell. En 1962, à l'annonce de la mort de Marilyn, Warhol s'attaque à sa première sérigraphie : il sait bien qu'il est un artiste, un vrai, mais désormais, les autres le savent aussi ;

4) la période de la Factory, celle où Bockris dépeint son héros comme un "ange noir" car il s'acharnait alors à mettre en présence l'une de l'autre des personnalités instables, déséquilibrées par leur enfance (riche ou pauvre) et par leur addiction à l'alcool, à la drogue, au sexe. Dans les photographies incises au milieu de l'ouvrage, l'une d'elles représente Warhol et toute son équipe. Assis à l'extrême-droite, il a l'oeil collé à un appareil photographique et renvoie ainsi son regard au photographe. Et après tout, Andy Warhol ne fut-il pas le Voyeur par excellence ?

5) l'après-Solanas, du nom de Valérie Solanas, la féministe complètement déglinguée qui tira sur Warhol dans l'après-midi du 3 juin 1968, le conduisant ainsi à une mort clinique dont il émergea par pur miracle. Période de repli sur soi et de paranoïa exacerbée où, pour la première fois peut-être, l'artiste remet en cause son rapport avec la célébrité ;

6) et enfin l'après-Julia, quand Warhol perd sa mère et, peu à peu, se dirige lui aussi vers la Mort, lui qui un jour avait déclaré : "J'ai compris que tout ce que je faisais avec un rapport avec la Mort." La façon dont furent escamotés par Fred Hughes les biens qu'il possédait dans l'appartement de la 66ème Rue laisse au lecteur une poignante sensation d'amertume. De même la mort "bête", stupide de Warhol est assez dure à avaler.

Pour conclure, je cite ici le mot de John Russell dans le "New York Times" du 23 février 1987 :

"... ... A la postérité de décider si son époque a mérité Andy Warhol et si elle a eu de la chance de l'avoir. ... ..."