Ayant trahi, il ne reste plus à Achille III de Harlay qu'à recevoir le prix de sa forfaiture :

"...... Ce fut alors que (Harlay) sut se servir de M. du Maine pour faire proposer au Roi sa récompense. Il avait déjà eu quelque sorte de parole ambiguë, mais qui n'était pourtant qu'une espérance, d'être fait chancelier, lorsque le Roi, voulant légitimer les enfants qu'il avait de Mme de Montespan, sans nommer la mère, dont il n'y avait point d'exemple, Harlay, consulté, lors procureur général, suggéra l'expédient d'embarquer le Parlement par (la légitimation) du chevalier de Longueville, qui réussit si bien. En cette occasion-ci, il se fit donner formellement parole par le Roi qu'il succéderait à Boucherat, chose qui le flatta d'autant plus que ce chancelier était alors fort vieux et ne pouvait le faire attendre longtemps.

Pour l'exécution de la déclaration (du rang intermédiaire créé pour le duc du Maine et le comte de Toulouse), le Roi en parla aux princes du sang qui ne crurent avoir que des remerciements à faire. Le Roi les pria de se trouver au Parlement et M. le Duc et monsieur le Prince de Conti de lui faire le plaisir de conduire M. du Maine en ses sollicitations. On peut juger s'ils le refusèrent. De là, le Roi fit appeler l'archevêque de Reims ( 1 ) : il lui fit part de ce qu'il avait résolu, lui dit que les pairs seraient plus convenablement invités par lui-même à cette cérémonie que par M. du Maine ; qu'ainsi, M. du Maine n'irait pas chez eux, mais qu'il priait l'archevêque de se trouver au Parlement, et lui ordonnait d'écrire de sa part une lettre d'invitation à chaque père. Un fils de M. Le Tellier était fait pour tenir tout à l'honneur venant du Roi : il lui répondit dans cet esprit courtisan, et de là s'en fut chez M. du Maine. Ce fut le seul de tous les pairs qui commit cette bassesse ; pas un ne dit un mot au Roi, ni à M. du Maine, pas un ne fut chez ce dernier, ni devant ni après la cérémonie. ... ..."

Chez Saint-Simon, l'ironie aussi est "Grand Siècle." M. le Duc comme le prince de Conti ne pouvaient que se faire un plaisir d'obéir aux ordres royaux : le premier était le propre beau-frère du duc du Maine et le second, de la branche cadette des Condé, était trop en défaveur auprès du monarque pour s'opposer à sa volonté.

Quant à ce "fils de M. Le Tellier" qui "fut le seul de tous les pairs" à se compromettre dans cette machination, comment aurait-il pu, lui, le bourgeois, fils de bourgeois, tout fraîchement ennobli par la faveur de son frère, comprendre toute la valeur du combat mené en cette affaire par les pairs issus de la noblesse ?

( 1 ) : Charles Le Tellier, frère de Louvois, le ministre tout puissant de Louis XIV.

      
           Louis III de Bourbon-Condé, petit-fils du Grand-Condé.
                

Louise-Bénédicte de Bourbon-Condé, sa soeur, duchesse du Maine. Elle était si petite qu'on la surnommait dans son dos : "la poupée du Sang."

Tous deux étaient les enfants de Henri-Jules de Condé, dont la santé mentale était si atteinte qu'il lui arrivait à date plus ou moins fixes de se prendre pour un chien et de se comporter comme tel. Avec cela, père indigne, véritable tyran domestique dont l'épouse, Anne-Henriette de Bavière, si noble qu'elle fût par ailleurs, n'était qu'une femme battue.

      
                   Henri-Jules, prince de Condé, dit "Condé le Fol."
       

Anne-Henriette de Bavière, princesse de Condé, son épouse.