Les terribles bataillons d’Afrique, en 1923. Eugène, comme tant d’autres, y subit les conséquences d’une naissance misérable. Un soir, parmi les nouveaux arrivants, il reconnaît Ernest, ancien compagnon d’errances. Ces retrouvailles vont changer le cours de sa vie…

Que dire, sinon que Jean Matrot est un conteur né ?

Son récit, cette fois situé dans les années vingt, emmène le lecteur d'Afrique du Nord aux Etats-Unis en passant par un Paris populaire où se mêlent ouvriers, gangsters et tapineuses. Malgré un début qui pourra paraître trop long à certains - mais il faut bien que l'écrivain "expose" son projet et chacun possède son propre rythme - l'intrigue, à mi chemin entre le roman populaire de l'entre-deux guerres et le roman noir traditionnel, n'a aucun mal à tenir le lecteur en haleine.

On se doute bien qu'Eugène retrouvera Madeleine et leur fils comme on se doute que tout cela finira assez mal - même si la mort du héros est traité avec une infinie tendresse par son créateur. Mais on joue le jeu car, dans ce genre de romans, c'est bien ce qui les rend crédibles.

Matrot sait camper des personnages "vrais", aussi vrais, je le répète, que ceux interprétés par Gabin dans le cinéma populaire des années trente. "Zéphyr", d'ailleurs, aurait été idéal pour un Gabin jeune mené par Duvivier ou Carné. Les dialogues, qui usent évidemment beaucoup de la langue verte, sont un régal, et pas seulement pour l'initié (rassurez-vous : un glossaire est prévu à la fin de l'ouvrage ;o).) Ils sont, eux aussi, d'un naturel quasi parfait.

Une question me taraude maintenant : à quand une grande "saga" sur la pègre française par Jean Matrot ? Il en a le souffle et la passion : alors, pourquoi hésiter ?