Il s'agit du deuxième roman de l'auteur, lequel n'a que 27 ans. Et il s'agit d'un ouvrage singulièrement captivant bien que, pour dire les choses telles qu'elles sont, Kasei n'ait pas choisi la facilité.

En effet, la réflexion qu'il tente ici sur l'écriture, la lecture et l'Art en général s'appuie sur une magistrale leçon de mythologie scandinave. Or, qui dit mythologie scandinave, dit noms plutôt durs à lire et encore plus à prononcer pour les Latins que nous sommes malgré tout, déjà. Ensuite, pour nombre d'entre nous, la mythologie scandinave n'est qu'une nébuleuse très lointaine.

Pour faire passer la pilule, Kasei utilise un procédé habile : la mise en abîme. Un premier narrateur - dont on ne saura tout qu'à la fin de l'histoire - nous fait rentrer dans les pensées d'un second narrateur qui, lui-même, découvre en même temps que nous l'histoire du "Ragnarök". Or, cette histoire est narrée par deux jeunes gens, et donc à la première personne, tantôt du singulier, tantôt du pluriel. Si l'on compte le chapitre final, nous rencontrerons même un quatrième narrateur. Le tour de force réalisé, c'est que cela ne fait pas lourd du tout.

Ce roman commence avec un homme qui, à la suite d'une soirée bien trop arrosée, se réveille dans son appartement. Entre ses mains, un livre de texture inhabituelle, de couleur rouge, sans nom d'auteur ni nom d'éditeur. Mais le titre, "Ragnarök", donne à notre héros l'envie de s'y plonger - lui qui a renoncé à la lecture depuis longtemps, sous prétexte que, dans la vie, mieux vaut ne pas trop penser si l'on veut vivre sans problème.

Plus cultivé qu'il ne veut bien le laisser paraître, l'univers mythologique scandinave ne lui est pas tout à fait inconnu. La seule chose qui l'étonne, c'est que le roman - mais est-ce bien un roman ? - commence de façon très abrupte, au beau milieu de l'histoire. Intrigué, il continue sa lecture, interrompu comme il se doit par les petits événements qu'il rencontre au quotidien.

Et le lecteur lit avec lui, partageant du coup ses commentaires - souvent non dépourvus d'humour - sur les personnages, sur l'action et aussi sur la construction de l'histoire.

Evidemment, une solution somme toute logique sera donnée à la fin de "Ragnarök." Entretemps, à la réflexion sur l'Art, se seront greffées une réflexion sur les valeurs humaines et aussi une curieuse histoire de mondes parallèles et de voyage dans le temps et l'esprit.

Et voilà pourquoi "Ragnarök" est différent des ouvrages d'héroïc-fantasy et de SF habituels. Il y a là-dedans beaucoup d'originalité et aussi, c'est indiscutable, un travail réel, tant au niveau de la construction qu'à celui du style. Surtout, ne vous laissez pas berner par le langage assez familier du second narrateur - après tout, nous sommes dans ses pensées et puis, il se veut si désespérement "nihiliste" qu'on peut à bon droit le soupçonner de simplifier aussi son langage à l'excès - Kasei est bel et bien un littéraire amoureux du style et aussi un perfectionniste.

Bien qu'il soit en vente sur Amazon, vous pouvez tout aussi bien trouver ce livre en télécharment libre sur Alexandrie et sur le site de l'auteur.

avec en prime des morceaux de sa composition.

("Ragnarök" a été sélectionné pour le Prix Alexandrie 2007 du Roman.)