Il paraît que je suis née "coiffée", c'est-à-dire avec cette membrane de peau particulière qui enveloppe le crâne de certains nouveaux-nés et que, jadis, on vendait aux marins afin de les préserver du naufrage et de la noyade.

J'aimerais bien que, le jour où l'Ankou se déplacera pour moi, cette chance qui, dit-on, accompagne les "coiffés" en plus d'une occasion terrestre me permette de ne faire ni une, ni deux, de sauter allègrement dans la charrette à l'issue d'un coup de sang ou d'une douleur aussi intense que brève, et qu'enfin je ne reste pas ainsi, à me voir et à me sentir transportée de service en service hospitalier, devant des médecins et des infirmiers qui, tout au fond d'eux-mêmes, savent bien que l'âge est là et qu'il exige son tribut.

"La Mort", chantait Brel, "cela n'est rien ..."

Mais vieillir, vieillir ... et souffrir, souffrir surtout.

La Mort, ça se comprend. La souffrance, non. D'ailleurs, elle ne mérite même pas la majuscule.