Flaggermusmannen Traduction : Elisabeth Tangen & Alexis Fouillet

Extraits Personnages

La série Harry Hole débute sous le soleil australien, à Sidney. Les supérieurs hiérarchiques de l'inspecteur ont en effet décidé de l'expédier aux Antipodes afin qu'il représente la police norvégienne dans l'enquête sur le meurtre d'Inger Holter, une jeune fille retrouvée étranglée et violée tout au bas d'une falaise. Inger travaillait dans un bar branché où fraternisent hétéros et homos de la vaste agglomération australienne. C'est là que Hole va rencontrer une autre Scandinave, la rousse Brigitta Enquist, femme qui, il ne le sait pas encore, comptera énormément pour lui. C'est là également qu'il croise pour la première fois la route d'Otto Rechtnagel, travesti et clown de son double état, personnage outrancier et pourtant authentique qui tient dans le livre l'un des rôles-clefs.

Au début, on a l'impression que l'auteur, ébloui par l'Australie, balade un peu son lecteur pour lui faire admirer ce qui l'a lui-même fasciné. Comme beaucoup d'auteurs, à commencer par Terry Pratchett dans son "Dernier Continent", l'une des aventures les plus désopilantes de Rincevent et de ses collègues, les Mages de l'Université de l'Invisible, Nesbø insiste sur le côté apparemment déjanté de la culture australienne et sur la façon bien à eux qu'ont les autochtones de restituer la langue de Shakespeare. Le lecteur est pris dans un tourbillon de couleurs éclatantes et sèches, où se meuvent des personnages incroyables - Otto par exemple mais il faut bien admettre qu'il fait profession de l'être - et résolument extravertis, rien à voir avec les silhouettes, lassées par un hiver de trop longues ténèbres, qui hantent habituellement les polars scandinaves.

Parmi eux, Andrew Kensington, inspecteur aborigène chargé de piloter Hole à travers les méandres de la procédure - et de la ville. Personnage auquel on s'attache de plus en plus au fil des pages, Kensington appartient à cette génération d'Aborigènes qu'on arracha à leurs mères pour les confier à des familles blanches. Il parle peu de cette expérience qui l'a placé à jamais en porte-à-faux entre deux univers qui co-habitent tout en s'opposant l'un à l'autre, mais on comprendra plus tard quelles lourdes séquelles elle lui a laissées.

Il y a aussi Toowoomba, ami d'Andrew et aborigène tout comme lui, à ceci près qu'il a eu la chance de grandir dans sa famille naturelle. Toowoomba exerce dans une troupe de boxeurs qui tourne souvent avec la troupe d'Otto.

Et n'oublions pas le clochard philosophe avec lequel il arrive à Hole de discuter toute une nuit.

Nesbø aime les fausses pistes et les enquêteurs qui n'ont pas peur de se tromper ou de comprendre trop tard. Il applique cette règle dès le premier volume de la série Harry Hole. Il faut bien convenir que cette enquête australienne est loin d'être aussi simple qu'elle y paraît et Harry crie au moins trois fois au loup avant de repérer le fauve qu'il faut vraiment abattre.

Côté noirceur, on est pas mal gâté. Il y a d'abord tout ce que l'on apprend sur le passé de Hole, en particulier que son alcoolisme récurrent pré-existait à son entrée dans les forces de l'ordre et qu'il lui a joué un très sale tour alors que, avec son équipier, il avait pris en chasse une voiture dans les rues d'Oslo. Et puis, bien sûr, la mort du tueur, une mort impressionnante dont Harry est le témoin frustré.