The Day of the Locust Traduction : Marcelle Sibon

Ce court roman, qui fut pratiquement le dernier de son auteur, doit son titre français à la grande toile que peint son personnage principal. En revanche, la traduction française a respecté le titre du film qu'en tira John Schlesinger en 1975 : "Le Jour du Fléau", avec Donald Sutherland et Burgess Meredith, sur un scénario - étroitement taillé sur le roman, ce qui est assez rare, plus encore dans une production hollywoodienne - de Waldo Salt, scénariste de "Indiscrétion" et de "Macadam Cowboy."

J'ai écrit "son personnage principal" mais est-on en droit d'utiliser cet adjectif pour un personnage qui tient plus du fil rouge que du héros ? La tragédie des personnages de "L'Incendie ...", c'est que, justement, aucun d'eux ne sera jamais le personnage principal de la vie qu'il espère.

Symbole de cet échec, qu'elle pressent sans vouloir l'admettre, Faye Greener, fille d'un artiste de music-hall déchu et d'une ichorus-girl/i disparue dans la nuit peu après sa naissance. Faye est jolie et porte la toilette avec beaucoup d'élégance mais, à Hollywood, toutes les jolies filles en font autant comme toutes rêvent de devenir une star, voire "LA" Star.

Si Faye s'absorbe dans son rêve en parasitant tous les hommes qui le veulent bien - surtout le pauvre Homer Simpson (oui, c'est bien son nom ! :wink:), ceux qui l'entourent ne sont guère plus lucides. Et, quand ils le sont, ils se révèlent d'un cynisme et d'une indifférence qui ne sont, en sorte, que les reflets ténébreux de Hollywood lui-même.

Par phrases froides, d'une sobriété calculée, Nathanael West peint par petites touches le tableau d'un monde qui n'est pas seulement en décomposition mais qui est la décomposition incarnée. Si d'aventure un sentiment d'amour ou de simple sympathie tente - bien timidement - de montrer le bout de l'oreille, il est immédiatement pris en chasse, traqué, acculé et mis à mort : les personnages principaux ne peuvent s'autoriser des sentiments nobles que s'ils vivent sur grand écran.

Pour certains lecteurs, "L'Incendie de Los-Angeles" méritera peut-être une seconde lecture. L'ensemble, par sa retenue et son côté glacial - à l'image des personnages représentés - a beaucoup d'une épure et est susceptible de ne pas plaire au premier coup d'oeil - surtout si l'on ignore tout du film. ;o)