Songs in Ordinary Time Traduction : Daniel Bismuth

Nous sommes en 1960, à Atkinson, petite ville du Vermont, et c'est l'été. Après une espèce de "tour du lecteur" sur les différents personnages qui vont animer ce gros roman de plus de 1000 pages chez Pocket, l'auteur se fixe sur un petit garçon, Benjy, qui prend la fuite devant Sam Fermoyle, son ivrogne de père, alors en pleine crise d'affection paternelle.

Sam ne se soucie en effet de son ex-épouse, Marie, et des trois enfants qu'il lui a donnés, Norman, Alice et Benjy, que lorsqu'il a bu. Il vient alors tambouriner comme une brute à la porte de Marie en la suppliant de le reprendre et traque littéralement ses enfants par toute la ville afin de les accabler de témoignages d'amour plus embarrassants les uns que les autres. Quand il est à jeun par contre, Sam n'a que deux idées : a) trouver de l'alcool ; b) vivre sa petite vie sans se soucier des sentiments des autres.

Alors que, pour dépister son père, Benjy s'est jeté dans le bois voisin, le jeune garçon est témoin d'une scène que, sur le moment, il ne comprend pas très bien : deux hommes, un Blanc et un Noir, s'affrontent, puis le Noir s'effondre, comme une poupée de chiffon.

Quelque temps après, alors que Benjy joue dans la cour de sa maison avec son petit voisin, Louie, surgit devant eux le Blanc de la forêt, qui, tout en demandant à Benjy de garder le secret, lui affirme que deux hommes de couleur le recherche, lui, Omar Duvall, pour lui faire un mauvais parti, et qu'il ne faut surtout pas leur révéler qu'il est passé par là.

Ainsi s'instaure la complicité qui liera Benjy à Omar Duvall jusqu'au moment où celui-ci tentera de s'attaquer à l'un de ses proches. D'ici là, beaucoup de péripéties seront survenues et auront donné à Mary McGarry Morris l'occasion de nous dépeindre à nouveau une petite ville où, en ce tout début des sixties, pullulent préjugés et cancans.

Pas un instant, l'auteur ne lâche son lecteur qui, dès qu'il est contraint de se séparer de "Mélodie du Temps Ordinaire", n'a plus qu'une seule idée : en reprendre la lecture. Le style, pourtant, n'a rien d'exceptionnel mais on croit sentir, à travers la traduction française, que cette "platitude", cette façon d'enchaîner les tableaux sans se perdre dans les analyses des caractères, s'inspire en effet des grands maîtres sudistes.

Sur beaucoup de forums ou de sites littéraires, vous trouverez ce roman défini comme "noir." La chose continue à m'étonner car, contrairement à ce qu'il se passe par exemple avec "Une Femme dangereuse", il y a ici une fin "morale" et satisfaisante - sauf peut-être pour Marie, la mère, mais il faut bien avouer que cette femme-là, le lecteur hésite longtemps à son sujet : doit-on l'aimer ? l'admirer ? ou la haïr ? ... Un peu des trois sans doute.

Ne vous laissez donc pas prendre aux chants de ces sirènes qui vous prédisent un roman lugubre et même - je l'ai lu je ne sais plus où - "atroce." "Mélodie du Temps Ordinaire" est un bon roman qui présente en outre une analyse particulièrement intéressante du tempérament d'un escroc, d'un joueur, d'un looser en somme, qui, insensiblement, se révèle capable de tuer. Bonne lecture ! ;o)