Leur existence, plus ou moins effacée à Versailles où elles détestaient la vie de parade presque autant que le faisait leur père puis, pour deux d'entre elles, brinquebalée de lieu d'exil en lieu d'exil où on les regardait de haut comme les vestiges ridicules d'une époque révolue, valait-elle qu'on la retraçât dans un livre ?

Oui car, à travers leurs espoirs, puis leurs désillusions, à travers ces passe-temps presque mécaniques (musique, apprentissage de l'italien avec Goldoni, promenades avec Beaumarchais, etc ...) qui rythmaient leur vie fastueuse mais sans profondeur réelle, à travers évidemment les deuils qui les accableront jusqu'au bout, se révèle une époque pour nous essentielle, celle où le système monarchique français commence à branler dans le manche.

Mesdames ne tinrent malheureusement pas de "Mémoires" et on ne peut se fier par exemple à celles de Mme Campan qui, avant de passer au service de Marie-Antoinette, entra chez elles comme lectrice. Malheureusement aussi, il leur a manqué un Saint-Simon pour les statufier à jamais dans notre langue. ( 1 ) Ah ! Saint-Simon ! Quel magnifique personnage lui aurait présenté Madame Adélaïde ! Et comme il nous aurait conté avec délectation les mille intrigues de Madame Infante !

Aussi, même si - à l'exception notable de l'aînée d'entre elles - elles ne purent tenir de rôle véritablement important, n'est-il que justice de ressusciter la mémoire de ces princesses oubliées et raillées déjà de leur vivant et qui se sont si bien effacées dans la Mort que seuls les ossements des deux exilées, Mesdames Adélaïde et Victoire, ont échappé à la fosse commune où reposent, pêle-mêle, les restes des Capétiens.

Il nous reste à souhaiter que, désormais, grâce notamment à ce blog, vous pouviez mettre un visage sur le nom des filles de Louis XV. Pour le reste, lisez "Mesdames de France" de Bruno Cortequisse, aux Presses Universitaires de France. ;o)

( 1 ) : Goldoni, qui leur enseigna l'italien, évoque cependant Mesdames dans ses mémoires, au Mercure de France.