The rains came Traduction : Berthe Vulliemin

Principal héros et observateur: Thomas Ransome, fils cadet d’un comte britannique et d’une héritière américaine, qui endort son désenchantement et son cynisme dans l’abrutissement de l’alcool. Après une jeunesse où il a brûlé la chandelle par les deux bouts, il a atterri à Ranchipur où il s'est fixé parce que tout, dans ces Indes immémoriales, le fascine. Depuis lors, il alimente par sa présence et son passé, supposé ou réel, les fantasmes de la petite communauté américano-britannique du coin.

A la tête de la communauté en question, Mr et Mrs Simon, des missionnaires protestants expédiés à Ranchipur pour y accomplir tout le bien possible mais qui y ont évidemment amené ces a-priori bizarres et incompréhensibles pour le commun des Européens que les Etats-Unis ont toujours nourris envers tout ce qui n’est pas américain à 100%. Dans le couple, c’est la blonde Mrs Simon, ancienne "belle" sur le retour, qui dirige, d’une main d’acier, non seulement sa marionnette d’époux mais aussi ses deux filles, Hazel l’Effacée et Fern la Rebelle. Outre ses obligations de tyran familial, Mrs Simon consacre son temps à cancaner avec Lily Hoggett-Eggbury, l’épouse de l’Administrateur britannique du coin (lequel Administrateur a préféré se réfugier à Calcutta, loin de l’incroyable vulgarité de sa femme) et à rédiger les textes de nombreuses lettres, toutes destinées à perdre définitivement ses voisins, Mr et Mrs Smiley – autre ménage de missionnaires mais présenté, celui-là, par Bromfield comme la parfaite antithèse des Simon – dans l’esprit des responsables fédéraux de la Mission Evangélique.

L’un des grands rêves de Mrs Simon – pour ne pas dire son fantasme le plus acharné – est de voir Tom Ransome – un aristocrate anglais, tout de même ! – assister à l’une des petites parties qu’elle donne régulièrement. Et voilà que, alors que les pluies commencent à peine, le miracle se produit : poussé par l'ennui, Ransome y fait une brève apparition. Juste le temps pour lui de nouer une relation amusée et un peu paternelle avec la jeune Fern, en qui il sera assez surpris de découvrir par la suite un point de stabilité qui lui deviendra vite indispensable.

Mais n’anticipons pas …

Dans le même temps, débarquent à Ranchipur lord et lady Esketh. Le premier est un nouveau riche absolument infect même si, selon la formule consacrée, il s’est fait tout seul. Grand amateur de chevaux de race, il vient acquérir deux étalons de grand prix auprès du Maharadjah. La seconde est, tout comme Ransome avec qui elle eut jadis une liaison, un pur produit de l’authentique aristocratie anglaise. Et, toujours comme Ransome, elle traîne un fantôme d’existence, à la seule différence que, pour elle, le sexe y remplace l’alcool.

Mais les pluies s’abattent et tout se met à bouillonner. Lord Esketh tombe malade. On appelle à son chevet le major Safti, médecin et chirurgien du lieu, qui diagnostique un cas de peste, probablement contractée dans les écuries du Maharadjah où deux palefreniers sont déjà morts. Plus préoccupée du physique du séduisant major que du décès imminent de son époux – qui a tout fait, il est vrai, pour qu’elle en vienne à le haïr – Edwina Esketh songe déjà au moyen de demeurer à Ranchipur un peu plus longtemps.

A l’extérieur, la catastrophe déborde. En quelques heures, tout ou presque est submergé et les destins se dénouent. Celui de Miss Dirks, l’une des deux institutrices de Ranchipur, qui préfère la noyade aux souffrances que commence à lui imposer le cancer de l’utérus dont elle souffre. Par contre coup, celui de son amie, Miss Hodge, avec laquelle elle vivait depuis près de trente ans et qui, incapable de supporter la réalité de la disparition de sa compagne, sombrera dans une folie douce. Celui de Mr et Mrs Jobnekar qui avaient consacré toute leur vie à la réhabilitation des Intouchables et que le flot engloutit avec leur maison. Celui de Harry Loder, militaire britannique et prétendant aussi brutal que malheureux à la main de Fern : personnage somme toute assez antipathique, il se proposera néanmoins pour faire sauter la barrière de cadavres qui empêchait les eaux de redescendre et y perdra la vie. Et bien d’autres encore …

Car « La Mousson », c’est aussi un roman sur la renaissance morale d’individus qui, jusque là, s’étaient comportés soit en parfait égoïstes, soit en fripouilles absolues. Certes, les personnages y sont parfois crayonnés de façon un peu trop manichéenne, voire caricaturale mais, pour une raison ou pour une autre, ils n’en tiennent pas moins bien la route même si l'ensemble a vieilli. On peut regretter également les longueurs inévitables à ce genre de romans. Toutefois, si vous n’avez rien à vous mettre sous la dent et si vous aimez les analyses minutieuses des petites communautés, que celles-ci soient indiennes, américaines, européennes ou marsiennes, allez-y de confiance. « La Mousson » n’est pas ce que l’on nomme de « la grande littérature » mais c’est un livre qui a le mérite d’avoir été écrit par quelqu’un de sincère et, tout compte fait, son ingénuité présente quelque chose de rafraîchissant. ;o)