Beasts Traduction : Claude Seban

"Délicieuses Pourritures" évoque une fleur carnivore. Non pas l'une de ces luxuriantes plantes amazoniennes qui s'épanouissent sans aucune discrétion mais la plus fine, la plus insidieuse et j'irai même jusqu'à écrire la plus fragile de ces implacables machines à tuer.

Pour ceux que rebutent l'aspect "pavé" de la majeure partie des oeuvres de Joyce Carol Oates, je tiens aussi à préciser qu'il s'agit là de l'un de ses plus courts romans (126 pages en édition de poche).

Au centre du roman, un poème de D. H. Lawrence :

"Je vous aime, pourries, Délicieuses pourritures.

J'aime vous aspirer hors de votre peau Toutes brunes et douces et de suave venue, Toutes morbides ...

Sorbes, nèfles aux couronnes mortes. Je l'atteste, merveilleuses sont les sensations infernales, Orphique, délicat, Dionysos d'en-bas.

Un baiser, un spasme d'adieu, un orgasme momentané de rupture Puis seul, sur la route humide, jusqu'au prochain tournant Et là, un nouveau partenaire, à nouveau se quitter ... Une nouvelle ivresse de solitude parmi les feuilles périssantes glacées de gel.*

L'un des poèmes - et l'un des auteurs - préférés de Andre Harrow, professeur de littérature anglaise sur le campus de Catamount College. Toutes ses étudiantes (le collège est non-mixte) sont amoureuses d'Andre - non, il n'y a pas d'accent. Mais Andre est déjà marié à une femme un peu plus âgée que lui, Dorcas, la sculptrice mi-française, mi-grecque, dont les oeuvres soulèvent l'ire des féministes lorsqu'elles sont exposées à Catamount College.

Au début, les étudiantes qui s'intéressent à leur séduisant professeur sont jalouses de Dorcas. Et puis, par on ne sait quelle alchimie, elles finissent par devenir les stagiaires de Dorcas. Jamais plus d'une à la fois cependant. Une jeune fille émerveillée et énamourée qui devient pratiquement la commensale du couple mais qui est priée de ne jamais évoquer devant ses condisciples les privilèges - forcément inouïs - que cela lui confère.

Gillian, la narratrice de "Délicieuses Pourritures", ne confiera d'ailleurs son expérience qu'à vous, lecteurs potentiels. Et vous auriez tort de refuser de l'entendre car, sincèrement, son histoire est vénéneuse à souhait.

Bonne lecture. ;o)

* "Nèfles & Sorbes" - Oiseaux, bêtes & Fleurs - Traduction : J. J. Mayoux.