La mort de M. de Luxembourg et son éloge funèbre, par Saint-Simon :

"...... A la fin, l'âge, le tempérament, la conformation le trahirent : il tomba malade à Versailles d'une péripulmonie, dont Fagon ( 1 ) eut tout d'abord très-mauvaise opinion. Sa porte fut assiégée de tout ce qu'il y avait de plus grand : les princes du sang n'en bougeaient, et Monsieur y alla plusieurs fois. Condamné par Fagon, Caretti ( 2 ), Italien à secrets qui avaient souvent réussi, l'entreprit et le soulagea ; mais ce fut l'espérance de quelques moments. Le Roi y envoya quelquefois par honneur plus que par sentiment, j'ai déjà fait remarquer qu'il ne l'aimait point ; mais le brillant de ses campagnes et la difficulté de le remplacer faisaient toute l'inquiétude. Devenu plus mal, le P. Boudaloue, ce fameux jésuite que ses admirables sermons doivent immortaliser, s'empara tout à fait de lui. Il fut question de le raccommoder avec Messieurs de Vendôme, que la jalousie de son amitié et de ses préférences pour Monsieur le prince de Conti avait fait éclater en rupture et se réfugier à l'armée d'Italie, comme je l'ai déjà dit. Roquelaure, l'ami de tous et le confident de personne, les amena l'un après l'autre au lit de M. de Luxembourg où tout se passa de bonne grâce et en peu de paroles. Il reçut ses sacrements, témoigna de la religion et de la fermeté. Il mourut le matin du 4 janvier 1695, cinquième jour de sa maladie, et fut regretté de beaucoup de gens, quoique, comme particulier, estimé de personne et aimé de fort peu. ... ..."

Le coup de griffe final est d'une très grande beauté.

( 1 ) : médecin du Roi.

( 2 ) : ou Caretto, médecin empirique.