"Les Fruits du Congo", c'est avant tout une musique, l'essence de la poésie qui se fait ruisseau cristallin pour raconter l'histoire tragique et douce de Frédéric et de Dora qui "fut Reine des Iles et du Labyrinthe." Si vous avez oublié votre adolescence, si vous ne vous sentez aucun atome crochu avec le fantastique et le bizarre qui courent dans les rues étroites de certains films, muets et parlants (songez au "Liliom" de Fritz Lang par exemple), si vous considérez les poèmes comme des élucubrations d'esprits dérangés, si la tendresse et le rêve ne sont pour vous que des mots,

Alors, ne lisez pas "Les Fruits du Congo." Vous n'y comprendriez rien et en plus, vous vous demanderiez si l'auteur ne se moque pas de vous.

L'intrigue en est fragile et presque ténue : Frédéric, dit Fred, un lycéen trop long et trop maigre, coiffé par son oncle et tuteur, le Dr Lamourette, d'un melon incongru en lieu et place du traditionnel béret de l'époque (nous sommes en 1951) étudie les maths et la philosophie au collège de M. Vantre. Ses loisirs passent par les assemblées des "Plaisirs de Corée", réunions périodiques de potaches qui se gavent de mots et de rêves et qui s'imaginent avoir apprivoisé les mauvais tours du Destin en l'incarnant dans un personnage fictif, dénommé M. Panado.

Fred tombe amoureux d'une toute jeune fille qui se fait appeler Dora et dont il met les deux tiers du livre à apprendre le vrai nom et les origines. La sexualité compte ici pour rien : tout n'est que regards, soupirs, émotions à fleur de peau et de sensibilité. Et tout finira en drame parce que, à cet âge, tout est drame et que M. Panado - cela, on l'apprend avec l'âge - ne lâche jamais prise.

Un style incroyablement musical pour un roman atypique, bourré de ciels rêveurs et d'étoiles filantes, que vous aimerez ou rejetterez en bloc mais qui ne vous laissera pas indifférent.