Saint-Simon n'en avait pas encore fini avec M. de Luxembourg dont il fait ce dernier portrait :

"... ... Monsieur de Luxembourg ne survécut pas longtemps à ce beau mariage. ( 1 ) A soixante-sept ans, il s'en croyait vingt-cinq, et vivait comme un homme qui n'en a pas davantage. Au défaut de bonnes fortunes, dont son âge et sa fortune l'excluaient, il suppléait par de l'argent, et l'intimité de son fils et de lui, de Monsieur le prince de Conti et d'Albergotti, portait presque toute sur des moeurs communes et des parties secrètes qu'ils faisaient ensemble avec des filles. Tout le faix des marches, des ordres, des subsistances, portait, toutes les campagnes, sur Puységur, qui même dégrossissait les projets. Rien de plus juste que le coup d'oeil de M. de Luxembourg, rien de plus brillant, de plus avisé, de plus prévoyant que lui devant les ennemis ou un jour de bataille, avec une audace, une flatterie, et en même temps un sang-froid qui lui laissait tout voir et tout prévoir au milieu du plus grand feu et du danger du succès le plus éminent ; et c'était là où il était grand.

Pour le reste, la paresse même : peu de promenades sans grande nécessité ; du jeu, de la conversation avec ses familiers, et tous les soirs un souper avec un très-petit nombre, presque toujours le même, et, si on était voisin de quelque ville, on avait soin que le sexe y fût agréablement mêlé. Alors, il était inaccessible à tout, et, s'il arrivait quelque chose de pressé, c'était à Puységur à y donner ordre. Telle était à l'armée la vie de ce grand général, et telle encore à Paris, où la cour et le grand monde occupaient ses journées, et les soirs ses plaisirs. ... ..."

On admirera la cruauté du mémorialiste qui nous dit en substance non seulement que, lorsqu'on l'enlevait du champ de bataille, le maréchal de Luxembourg perdait toutes ses qualités mais aussi que même à l'armée, dès qu'il se livrait à ses plaisirs, il abandonnait nombre de ses charges au marquis de Puységur.

 

Jacques-François de Chastenet, marquis de Puységur et futur maréchal de Franc

( 1 ) : celui de sa fille avec un bâtard du dernier comte de Soissons, que Mme de Nemours fit appeler prince de Neufchâtel, un parti surprenant qu'avait déniché la soeur du maréchal, la duchesse de Meckelbourg.