De ce touche-à-tout de génie, on retient surtout ses poèmes, son théâtre, ses dessins et, bien sûr, ses films, véritable poésie filmée. Il a pourtant écrit quelques romans, dont "Le Potomak" et, bien entendu, "Thomas l'Imposteur."

Cet ouvrage compte à peine 85 pages en édition de poche et ressemble à une longue nouvelle sur fond de la Grande guerre. Je l'ai toujours trouvé un peu chaotique, avec des raccourcis qui partent dans toutes les directions et des personnages qui, comme Mme Valiche, évoquent ceux des "Mariés de la Tour Effel" et, partant, des stéréotypes.

Disons-le tout net : dans le roman, Cocteau est beaucoup plus lourd que dans le théâtre et il n'y a même aucune comparaison possible entre ses romans et le reste de sa production. Le style de "Thomas l'Imposteur" déjà fait songer tout à la fois à du Victor Hugo sans profondeur ou encore à du Charles Mérouvel qui aurait renoncé au mélo au bénéfice de l'humour noir.

L'intrigue est ténue : Guillaume Thomas, trop jeune pour s'engager, veut à tous prix s'intégrer à la guerre. Se promenant un jour devant une ambulance montée rue Jacob, il se fait passer, par jeu car il a quelque chose d'enfantin, pour le neveu du général de Fontenoy. Cette usurpation d'identité, que tout le monde prend pour argent comptant, lui permet de faire son nid dans l'ambulance ainsi qu'auprès de celle qui l'a montée, la princesse de Bormes. Avec elle, il se rend au front pour chercher des blessés puis, lorsqu'il s'inquiète de l'amour qu'il éprouve pour la fille de la princesse, Henriette, il profite de son faux nom pour se faire muter sur le front belge. Mais son but demeure le no man's land qui le fascine comme le plus grand territoire de jeux du monde fascinerait un enfant de 5 ans. Il finira d'ailleurs par y trouver la mort.

Ce roman parut près de 5 ans après "Le Potomak", en 1923. Il souffre d'un déséquilibre flagrant : dans un contexte si lourd, il eût fallu des personnages et une intrigue plus fouillés ou alors que l'auteur adopte résolument le parti de l'humour noir et féroce. Cocteau, en dépit de son génie, vacille ici entre les deux et c'est vraiment dommage.