Le Blog du Merdier

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Nouvelles Histoires Yugcibiennes

Fil des billets - Fil des commentaires

dimanche, décembre 16 2007

La chèvre et le chou

     …Ou histoire sans fin…

     Le problème entre la chèvre et le chou, c’est que si tu veux du chou à midi pour accompagner tes saucisses, il te faudra attacher ta chèvre afin qu’elle ne broute pas le chou…

Tu me diras : « Oui, mais avec mes saucisses, je peux faire des pâtes »… Et dans ce cas, tu laisses la chèvre brouter le chou. Ce qui est sûr, c’est que si le chou avait des yeux ; la chèvre et le chou ne passeraient pas trois heures à se regarder dans le blanc de l’œil…

Tu peux aussi, si vraiment tu veux du chou à midi, et ne pas attacher ta chèvre afin qu’elle puisse cavaler à sa guise dans ton jardin (et oui, toi qui est pour la liberté) placer un grillage sur les choux… Mais ta chèvre broutera tes épinards et tes salades.

De toute manière, quand tu auras cueilli le chou, il te faudra replacer tout de suite le grillage sur le plan de choux, ou sur le plan d’épinards ou sur tous les autres plans, selon ce que tu veux, toi, manger à midi ou selon ce que tu conçois que ta chèvre broute (le chou, les épinards, les salades ou rien)… Ou te résoudre à attacher la chèvre si tu veux encore bouffer du chou ou des épinards.(Mais dans ce cas, la chèvre perd sa liberté)…

Au bout du compte viendra un jour où tu auras tout bouffé. Et tu devras alors refaire des plans. Quant à la chèvre, comme tout être de ce monde, elle mourra… Et si tu es romantique c’est de vieillesse (ou de maladie) qu’elle mourra, parce que jamais tu n’en feras un méchoui.

Tu devras quand même en plus de renouveler tes plans, racheter un jour une chèvre si tu veux toujours avoir une chèvre. Bien sûr, si tu es à la fois romantique et pragmatique, tu peux traire la chèvre chaque jour pour en boire le lait ou faire des fromages…

On le voit bien : cette histoire de chèvre et de chou n’a pas de fin… Et sur le « plancher des vaches », par les temps qui courent ça commence à sentir le roussi…

L’on se demande bien si la chèvre, le chou et l’humain pourront encore longtemps, vivre de ce qui vient du « plancher des vaches »…

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

mercredi, novembre 28 2007

Le culte de la différence

      Dans toute la confédération des Planètes Autorisées, l’on dénombrait environ cent mille races différentes de cette espèce dominante appelée les Humanuscules, sur la plupart des mondes également habités par plusieurs centaines de milliards d’autres espèces vivantes.
 Le groupe central des galaxies reconnues et explorées effectuait sa révolution autour d’un noyau de particules qui semblait se condenser à l’infini.
Depuis une durée de 3000 révolutions, les Planètes Autorisées formaient une confédération née d’un mouvement socio culturel généralisé.
 Le Culte de la Différence alors, fédéra cent mille races d’Humanuscules sur des milliers de planètes. Sur certains mondes l’on dénombrait jusqu’à 40 races différentes. Comment d’aussi innombrables cultures, de langues écrites et parlées, de modes de vie si divers ; avaient-ils pu former cette mosaïque de peuples sur les planètes de douze galaxies, comme autant de vitraux illuminés de cent mille cathédrales par le feu des étoiles ?
C’était bien là, le secret du Culte de la Différence, cette nouvelle idéologie apparue au bout de cinq milliards de révolutions et d’une somme d’expériences traversées par des milliards de générations d’Humanuscules.
Dans le Grand Livre de la Connaissance Universelle, il fut un jour écrit par un Humanuscule habitant une planète appelée La Terre : « C’est par l’observation de tous petits êtres, les fourmis, que finit par germer dans l’esprit de quelques chercheurs une idée très simple : l’idée selon laquelle devant le pire danger ou les pires difficultés qui soient et affectant la communauté toute entière, les êtres vivants (en l’occurrence les fourmis) pouvaient se regrouper, s’organiser, assurer leur survie et donc la continuité de leur espèce… »
En effet un groupe de biologistes avait noté la réaction immédiate des survivants d’une colonie de ces petits insectes après l’incendie de leur « cité »…
Un Humanuscule venait par jeu de brûler une énorme fourmilière, après en avoir d’ailleurs brûlées plusieurs autres dans le même espace boisé où il se promenait habituellement. C’était là un geste gratuit qui n’avait eu d’autre motivation que le plaisir de détruire. Parfois il arrivait qu’un incendie naturel se déclare. Mais l’un des chercheurs du groupe de biologistes s’était aperçu que les fourmis ne réagissaient pas de la même manière selon la cause de l’incendie.
 Lorsque l’incendie n’avait pas une cause naturelle reconnue de la communauté, que la destruction survenait rapidement, de manière très violente et imprévue ; que la disproportion était plus importante entre la brutalité de l’évènement et l’insignifiance des moyens de défense ; alors plus les perceptions sensorielles, la transmission de messages visuels ou olfactifs semblaient ouvrir à ces insectes un espace de communication leur permettant de se « relier » entre eux.
 En fait ce qui les « reliait » s’apparentait à une nouvelle forme « d’intelligence »… Et très vite, les fourmis reconstituaient la base d’une nouvelle « cité ».
 Il arriva un jour que des fourmilières résistèrent aux flammes et notamment aux flammes provoquées par l’explosion de gaz ou de substances volatiles toxiques. Les Humanuscules, ceux de la Terre et ceux des autres mondes en ce temps là, et durant des milliers d’années encore, vécurent dans l’ère de la Non Différence, subissant la diversité comme une calamité universelle qui jamais selon leur entendement, ne serait en mesure de les unifier.
 Cependant, les idées développées par quelques chercheurs, intellectuels, scientifiques, biologistes, suite aux découvertes faites sur le comportement des insectes, firent leur chemin en traversant plusieurs générations d’Humanuscules jusqu’à ce grand bouleversement socio culturel, philosophique et scientifique qui s’appuya désormais sur le « Collectivisme Eclairé » et le Culte de la Différence.
 Mais depuis 3000 révolutions quelques groupes d’Humanuscules demeuraient farouchement opposés au Culte de la Différence et se régénéraient sans cesse sur presque toutes les Planètes Autorisées sans jamais cependant constituer une force capable d’inverser le nouveau mouvement universel.
 Tous ces partisans de la Non Différence prétendaient que plus grande était la diversité, et donc plus généralisé et dominateur le Culte de la Différence, moins la maîtrise de l’univers connu serait possible dans l’avenir…
 Pour réduire la diversité selon eux, il fallait la briser, la concasser dans l’uniformité, en éliminer les éléments les moins assimilables, et à cette fin, revenir à l’ordre qui prévalait il y a plus de 3000 révolutions…
      Au-delà des dernières galaxies répertoriées, à la périphérie des lointaines « banlieues » de l’Amas Principal et de ses galaxies satellites, s’étendait l’incommensurable, l’inconnu… Peut-être un ou plusieurs univers…
 L’on savait déjà que « là-bas », toutes les lois de la mécanique céleste n’avaient plus cours – Y avait-il seulement des lois ?- Qu’en était-il donc de la gravitation universelle ; de la naissance, de l’évolution et de la disparition de la vie végétale ou animale sur des mondes qui n’étaient plus des mondes mais plutôt de gigantesques pulsations de cœurs alternativement sombres ou lumineux palpitant en un rythme irrégulier… Est-ce que tout cela avait un sens ? N’était-ce pas absurde ?
 Comme si un « Dieu » inexpérimenté, une espèce de « créateur » féru de connaissances incomplètes et aussi maladroit qu’un apprenti alchimiste ayant trop tôt quitté son maître ; avait créé cet univers « avorté »… C’est là ce que ressentaient les Humanuscules lorsqu’ils s’aventuraient au-delà des dernières galaxies.
 Et il y avait ces « Planètes Non Autorisées », ces mondes inidentifiables en perpétuelle mouvance désordonnée, qui pulsaient comme des cœurs de pieuvre, au sol mouvant, à l’atmosphère changeant de couleur en un instant, à la rotation saccadée…
 Des formes de vie s’y seraient paraît-il développées ? Mais quelles formes de vie ? Selon quelles lois dans une telle instabilité ? Sur ces mondes, si la vie était venue, elle aurait en fait « avorté ».
 Ce que l’on savait par les rares sondes spatiales revenues à leur base, c’était que ces formes de vie décelées, micros ou macros organismes, semblaient se comporter sans aucune autonomie, évoluant au hasard de rencontres fortuites, ou vivant par procuration, utilisant ou reproduisant des cellules d’autres organismes… Etaient-ils, ces « êtres », comme des virus ? Mais des virus encore plus étranges que ceux que l’on avait tout récemment répertoriés sur les Planètes Autorisées ?
 Ces organismes étaient de toute évidence incomplets, peu adaptés à l’environnement dans lequel ils évoluaient, et totalement dépendants de l’existence d’autres organismes. Une dépendance d’ailleurs, qui n’obéissait à aucun principe logique. Se reproduisaient-ils par division ou par multiplication du noyau cellulaire ? Si toutefois l’on pouvait appeler « noyau », ce « solénoïde » microscopique pulsant comme les anneaux d’un ver, se divisant en anneaux plus petits ou se multipliant à vitesse variable, empruntant une partie de la substance d’un autre « noyau » tout en rejetant lui-même une partie de sa propre substance !
      Alors les Humanuscules, toujours plus nombreux et encore plus diversifiés sur leurs « Planètes Autorisées » se posèrent une question qui devint de jour en jour plus préoccupante dans leur vie :
 « Existe-t-il des limites au-delà desquelles le Culte de la Différence n’est plus envisageable ? Le concept de diversité peut-il intégrer aussi ce qui est situé au-delà de tout ce qui entre dans cette diversité ? L’apprenti alchimiste doit-il retrouver son maître qu’il a quitté ou perdu… Ou peut-il devenir lui-même son propre maître par ses « élucubrations créatrices » ?

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

A la noce, Talgy...

      -Tu vas à la noce, Talgy ?
      -Non, Tale Caffard, cela me rappellerait trop mon enterrement !
     -Quoi ? Ton enterrement ? Mais tu es bien vivant !
      -Oui, Tale, j’ai organisé mon enterrement mais je ne mourus point !
      -Et comment as-tu fait, Talgy ?
      -J’avais un sosie : c’est lui qui est mort ! Moi, je me suis pointé déguisé et méconnaissable, sous une fausse identité, à l’enterrement… Je m’appelais Firmin Hémémin.
     -Il était bien cet enterrement ?
      -Oh oui, super ! Y’avait des filles et des jeunes femmes chic, et j’ai eu tout debout à l’église, serré entre deux ravissantes féminités, le plus grand régal de ma vie, lorsque l’on chantait « cela est juste et bon »…
     -Alors tu devrais aller à la noce, Talgy ! C’est pareil qu’aux enterrements ! Il y a des filles et des femmes chic.
      -Oui, mais le problème c’est que depuis l’été dernier, soit un an après mon enterrement, suite à une « opération délicate » on m’a mis une prothèse de kiki… Tiens, regarde…
[Talgy déboutonne sa braguette et exhibe l’œuvre de la science médicale : un appendice constitué d’une matière flexible]
 …Comment veux tu qu’avec cet « engin » je puisse « arquer » ?
      -Mais dans ta tête, Talgy, tu ne t’en fais pas des fêtes, de toutes ces jeunes femmes en chic et en noir ?
      -Dans ma tête, Tale ? Tu rigoles ! Si tu crois ce que raconte ce Youssibe… Tu sais, cet illuminé qui prétend qu’on peut « radadadiser » rien qu’avec de la pensée ? Oh, purée ! Même si la « pensée » est sublime, ça vaudra jamais « au vrai de vrai » ou tout au moins sans prothèse phallique… Alors tu vois la noce, Talgy… Autant qu’on m’enterre pour de bon, parce que le défilé de femmes et de filles chic me filerait plutôt le bourdon… de ne point me mouiller tout debout à l’église, serré entre deux féminités…

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

vendredi, novembre 23 2007

Le petit chat

      C’était un petit chat tigré, couché sur le dos au milieu d’un grand lit.
Ce petit chat avait un ventre dur et enflé comme un ballon, avec une longue plaie ouverte et suintante. Tout le milieu du lit depuis le traversin, était imprégné d’un liquide visqueux et graisseux qui traversait le matelas et coulait goutte à goutte sur le plancher.
 Depuis plusieurs jours le petit chat allongé suait en abondance de sa plaie abdominale et son ventre continuait d’enfler.
 Un homme entra dans la chambre tenant à sa main une grosse serviette de cuir… Cet homme était le gérant d’un magasin de tondeuses et de tracteurs de jardin, et faisait office de vétérinaire voire de médecin…
Le petit chat en fait, était comme un enfant malade. L’homme s’approcha du petit chat, palpa son ventre, sortit de sa serviette un petit canif dont il passa la lame à la flamme d’un briquet. Il écarta les lèvres tuméfiées de la plaie, agrandissant ainsi l’ouverture et appuya très fort avec ses poings refermés sur le ventre du petit chat. Une matière incolore, gluante, chargée de débris noirs et de morceaux d’organes en décomposition, s’échappa en abondance de la plaie largement ouverte. Une femme qui se tenait là, près de l’homme, avait tendu une cuvette qui fut très vite remplie. Et par l’ouverture démesurément élargie de la plaie, l’on pouvait voir tout l’intérieur du petit chat : les intestins, le foie, les reins, la cage thoracique…
Tout cela paraissait illuminé comme dans une grotte éclairée de puissants projecteurs. Le petit chat n’était pas mort… Il fixait les personnes présentes de part et d’autre du lit, bien étrangement, d’un regard étonné d’enfant malade, et ne gémissait pas… Il demeurait allongé au milieu du lit, avec ses petites pattes recourbées et dressées, au poil huileux… Le ventre était maintenant dégonflé.
L’homme repartit, ainsi que la femme qui avait tendu la cuvette et toutes les autres personnes venues là, on ne savait pourquoi…
 L’on n’a jamais su s’il mourut, s’il guérit ni ce qu’il devint, le petit chat…

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

Bérénice à la maison de retraite

     Bérénice à la maison de retraite se laissait pousser les ongles et remuait la terre d’un massif de fleurs chaque fois qu’elle propulsait son fauteuil roulant dans la grande allée du parc.
 Autrefois en ce lieu l’on exploitait une mine de fer à ciel ouvert et la terre était noire, lourde, imprégnée de poudre de minerai.
 Les ongles de Bérénice devinrent durs, métalliques, crasseux, noirs, pointus et recourbés comme des griffes, tant elle remuait la terre de ses doigts…
Bérénice autrefois, avait été une star, une étoile du monde, avec une chevelure flamboyante et un visage ravissant…
Et aujourd’hui âgée de 92 ans, pensionnaire en maison de retraite médicalisée ; déchue de son pouvoir, elle faisait caca sous son fauteuil quand on l’embrassait, s’enhardissait de grimaces, de noires œillades et de pincements furtifs auprès des filles de salle, du jardinier, du cuisinier et des infirmières de nuit. Lorsque l’on évoquait sa gloire passée, que l’on lui parlait des gens qu’elle avait rencontrés, de ses succès et de ce qu’avait été sa vie ; elle pétait bruyamment, lançait un rot caverneux ou levait un doigt en l’air, les autres doigts repliés…
Si on lui montrait la couverture d’un magazine qui la représentait alors, elle vous arrachait des mains le magazine et le déchirait en petits morceaux, avec rage…
 Un jour, elle ouvrit la cage du canari, dans le hall d’entrée de la maison de retraite, se saisit de l’oiseau, le serra comme pour le broyer dans sa main et l’embrocha avec une aiguille à tricoter.
 Un autre jour, elle creva de l’un de ses ongles recourbés, l’œil d’un enfant de six ans venu lui apporter un bouquet de fleurs…

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

jeudi, novembre 22 2007

colère d'un jeune homme

      Il devait être âgé d’environ vingt ans, ce jeune là… Et cela se passait dans une forêt proche de la zone suburbaine où il demeurait sans doute.
 C’était au croisement de plusieurs chemins forestiers, en un lieu peu fréquenté envahi de ronces et de grands arbres tordus dont le feuillage épais, luxuriant et étouffant de moiteur, était chargé d’odeurs lourdes…
Ces chemins de terre et de cailloux s’enfonçaient sous les arbres tels de gros boyaux tourmentés, sombres, cannelés de plis de verdure et n’incitaient guère à s’y promener…
A ce croisement de chemins, il se trouvait assis à l’arrière d’une voiture en compagnie de trois autres personnes.
 L’une de ces personnes était âgée d’environ 50 ans, peut-être le père du jeune homme. L’autre était une femme du même âge, peut-être la mère du jeune homme. Et la troisième était une femme beaucoup plus jeune, peut-être la jeune amie de celui qui semblait être le père…
La voiture, une puissante cylindrée, était très grosse et elle avait une carrosserie massive, des roues de tracteur aux pneus très larges.
 La femme qui pouvait être la mère du jeune homme ne disait rien et se tenait assise près du jeune homme : elle était bien là, mais elle avait l’air absente, comme sans existence…
La jeune femme était vraiment très jeune, coiffée court, le visage rond, un regard vif et noir, petite, un peu rondouillarde, vêtue d’un tricot léger style débardeur avec de grandes rayures en travers, et d’un pantalon moulant qui mettait en valeur un fessier plantureux.
 Cette jeune femme paraissait vulgaire, maquillée d’un rouge à lèvres pétant et de paillettes en becs de perroquet…
L’homme, le « père », riait très fort avec sa petite amie et tous les deux se moquaient du jeune homme, en particulier la « poulette »…
Les plaisanteries étaient de très mauvais goût et heurtaient la sensibilité de l’adolescent à peine parvenu à l’âge adulte.
 Brusquement la jeune femme se saisit du volant de la grosse voiture et, de seulement deux doigts de chacune de ses mains, elle le fit tourner très vite dans tous les sens… Alors la voiture tournoya, patina, fit des « têtes à queue » à n’en plus finir, tout en restant sur place.
 Et c’était impressionnant de voir ce lourd véhicule tourner ainsi sur lui-même à toute vitesse à la croisée des chemins, arrachant et propulsant d’énormes mottes de terre et aboyant de toute la fureur de son moteur en surchauffe.
 « Fais-en autant, c’est très facile, vas-y, tu verras, avec les deux doigts là ! » s’exclama la jeune femme s’adressant à l’adolescent… Et elle força ce dernier à s’installer sur le siège avant du conducteur, lui maintenant les doigts serrés autour du volant, le moteur ronflant déjà.
 Le jeune homme eut peur et ne voulut rien faire… La jeune femme insista puis se fâcha : « bougre d’imbécile ! Va, t’es pas foutu de faire bouger cette bagnole ! Pauvre con ! »
 Alors le jeune homme explosa d’une colère noire, une vague de violence aussi soudaine que sauvage l’envahit d’un seul coup, il saisit la jeune femme au cou avec ses mains et serra très fort en la secouant, lui donnant des coups de genoux dans le ventre…
 « Saloperie ! Tu vas me foutre la paix, oui ? Puisque c’est comme ça, je me barre, vous ne me reverrez plus… Foutez vous cela dans la tête une bonne fois pour toutes et surtout ne l’oubliez jamais : j’ai pas besoin de vous dans la vie, je peux vivre sans vous ! »…
 Ces derniers mots, le jeune homme les avait criés de toutes ses forces, avec une rage démesurée d’une violence inouïe…
Et il s’enfuit en courant, au milieu des bois, suivant l’un de ces chemins dont on ne savait où il pouvait mener. Et peu lui importait où il allait désormais, puisqu’il était en premier lieu libre… Libre avant d’être seul.

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

mercredi, novembre 21 2007

Toutite, la petite chienne de Maurice

      Ah, quels coups reçoit-elle, Toutite, la petite chienne de Maurice ! Et surtout… surtout, quels coups voit-elle tomber sur le dos de ses petits voisins Bébé, Caresse et Moustache !
 Et pourtant… pourtant ! Elle l’aime bien son petit maître, Maurice !
 Oh, elle n’irait tout de même pas le rejoindre dans son lit… Il aurait vite fait, le Maurice, ombrageux et broussailleux qu’il est, de la prier la Toutite, d’un coup de genou, de déguerpir illico… Alors se couchait-elle sur le tapis, en face du lit.
Toutite, la petite chienne, les coups elle connaît… Elle les voit surtout, tomber sur les petits chiens du voisin ; pour une pirouette de trop sur le paillasson de Maurice, pour une allée labourée dans le jardin de Maurice, pour le bout de caca ou la souris crevée avalés devant Maurice… Et Maurice qui s’exclame : « Ah ce voisin ! S’il s’occupait un peu mieux de ses bêtes, s’il leur donnait à manger, ils n’iraient pas ainsi me salir mon paillasson ni courir dans mon jardin ! »
 Toutite, la petite chienne de Maurice, il lui arrivait de vomir devant le paillasson, une partie de ses croquettes… Pour Bébé, pour Caresse, pour Moustache… Parce que jamais, au grand jamais, Maurice ne posait d’écuelle au dehors.
 Elle eût pu se sauver, Toutite, ne plus revenir au logis… Il ne manquait pas de « bonnes maisons » dans le village !
Elle était une bonne ratière, Toutite. Et de surcroît elle n’aboyait pas inutilement. Et elle savait même faire des dessins par terre avec l’une ou l’autre de ses petites pattes. Oh, ce n’était point du « travail d’artiste » ! C’était du Toutite, tiens !
Ah, l’humble fidélité de nos animaux ! Vous leur balancez trois croquettes dans la gamelle quand bon vous semble, vous leur donnez le martinet ou vous leur criez dessus… Et ils vous aiment quand même !... A leur façon…

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

jeudi, novembre 8 2007

Le comte de Troussalé

      Il mourut assis sur la cuvette de ses WC, le froc au bas de ses chevilles, son chapeau sur la tête, en chemise cravate et veston, le comte de Troussalé en son manoir craquelé…
Il avait brassé des millions d’euros et de dollars, réalisé de très grosses affaires, mordu les seins de ses maîtresses, joué au bridge et volé en jet privé d’une capitale à l’autre…
Au jour de sa mort sur son trône à caca, les yeux grands ouverts, abandonné de ses enfants et de sa servante, il commençait ce voyage dont jamais l’on ne revient…
 Il n’avait pas même pu saisir la chaînette d’alarme à proximité, pour appeler au secours, ni d’ailleurs la chaînette de la chasse d’eau…
On meurt où l’on peut, pourvu que l’on meure vite et sans souffrance et surtout sans angoisse…
 De tous les continents et fuseaux horaires débarqueraient demain les petits enfants, les nièces et les neveux, pour se disputer le yacht de plaisance dont il n’était point fait mention sur le testament…

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

mardi, novembre 6 2007

Le vieil homme

      Ce vieil homme ressemblait à un mendiant. Mais il ne tendait jamais la main et ne demandait rien. Il n’était ni plus riche ni plus pauvre que bon nombre des habitants de son village. Il marchait tout droit sur la route, allant sans cesse de l’avant. Il voulait voir le soleil en face de lui sans se retourner mais la route qu’il suivait, filait en direction du nord… Imaginant que tous ceux, avançant comme lui tout aussi droit, recevaient la lumière du soleil dans leurs yeux ; il savait bien cependant, que chacun suivait en réalité son propre chemin… Ou quelque autre chemin qui lui avait été indiqué ou suggéré…
 Le prenait-on pour un mendiant ce vieil homme fagoté comme un chemineau... que l’on s’empressait de courir vers son champ, vers sa maison, vers son ouvrage à réaliser afin d’éviter de croiser son regard…
Mais de quoi semblait-il si « mendiant » ? Lui qui ne tendait jamais la main et ne demandait rien à personne ?
 Ne cessant d’avancer tout droit vers le nord du pays, lorsque venait le soir, c’étaient les lumières de la nuit qui lui venaient devant ses yeux… Les lumières des étoiles, les lumières des maisons des hommes dans les villages.
Et la nuit était froide comme la glace de l’hiver à la surface des étangs quand souffle la bise. L’on s’y sentait très seul dans le milieu profond et comme prisonnier du temps de cette nuit éclairée des hommes et des étoiles.
 Sous une voûte grisâtre aux fluorescences électriques, dans la traversée de ces villages aussi urbanisés que les banlieues des grandes mégapoles, c’était le jour dans la nuit…
Un jour, il n’y eut plus ni matin, ni soir… Et toujours cette route, ces routes, ces espaces sans horizon au dessus desquels apparaissait un disque pâle et informe à travers un rideau de verre dépoli : c’était peut-être le soleil.
 Alors le vieil homme, lorsque ses yeux étaient trop fatigués, marchait à côté de la route ; en bordure des champs et des jardins entre les villages urbanisés, le long des entrepôts, des hangars et des parcs à autos dans la traversée des « ZAC » et des « ZI »…
Dans les jardins, il lui arrivait de marcher sur les salades ; dans les champs il écrasait les jeunes pousses et dans les « ZAC » et les « ZI » il donnait des coups de pied dans les détritus éparpillés au sol…
Du jour où il n’y eut plus ni matin ni soir, et encore et toujours cette route, ce soleil gommé ou ces fluorescences électriques, le vieil homme avançait mais le sens de ses pas lui paraissait absurde, irréel…
Il se souvenait d’un pays où il était né et qu’il ne pouvait situer, un pays où le soleil était chaud, le ciel sans poussières, la nuit sans fils de lumières bleues ou rouges et les yeux jamais fatigués…

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

jeudi, septembre 20 2007

L'exil sans solitude

     Nous devions nous embarquer dans un gros avion –Mais était-ce réellement un avion ? –Pour un pays mystérieux et lointain –Mais quel pays ? –De la Terre ou d’ailleurs ? –D’au-delà de l’univers connu ?

 Nous marchions en rangs serrés, mes compagnons et moi-même au milieu d’une foule de personnages étranges qui ne semblaient être d’aucun pays particulier, d’aucune origine proche ou lointaine. Tous ces gens s’exprimaient entre eux dans des langages qui étaient comme des cris d’oiseaux aux modulations et aux tonalités aussi diverses que les musiques des pays de la Terre.

 Je ne connaissais ni les compagnons qui faisaient partie de mon groupe et en la présence des quels je me sentais en grande convivialité, ni les autres personnages si nombreux de la foule avançant en rangs serrés comme des prisonniers enchaînés mais sans gardiens et sans entraves.

Au bout de plusieurs jours de marche sous un soleil éclatant et un ciel d’un bleu absolu dans un paysage immense à l’horizon indéfini, sans arbres, sans maisons, sans rivières mais qui n’était cependant pas un désert, nous parvîmes dans une cité inanimée et silencieuse, vidée de la totalité de ses habitants ; et là nous fûmes parqués à même le sol.

S’il y avait des gardiens pour nous diriger, nous accompagner et organiser notre étrange transfert vers une destination inconnue, nous ne vîmes jamais ces personnages ni aux côtés de nos rangs ni devant nous ni derrière ni nulle part. Nous savions seulement que nous devions monter dans un gros avion.

 Sur la plus grande place de la cité, aussi vaste qu’une dizaine de terrains de sport réunis, nous fûmes séparés en divers groupes. J’eus l’immense satisfaction de me retrouver avec les mêmes compagnons de marche depuis le premier de ces jours si bleus. Nous formions alors un groupe d’une vingtaine de personnes, hommes, femmes et enfants et, sans que nous pûmes savoir ce que devinrent les autres gens de l’immense foule… D’exilés ou d’émigrants…

Nous fûmes dirigés vers un aérodrome dont le sol était en terre battue. Mais c’est à peine si deux ou trois petits « coucous » datant d’une époque « antédiluvienne », jonchaient tels de pesants insectes métalliques couchés sur le ventre, une piste imprécise en grande partie effacée dans une poussière couleur de brique. Il y avait là, tout près de l’aérodrome, un bâtiment de poste, reconnaissable à son signe identificateur : un oiseau bleu sur une bande jaune au dessus de la porte d’entrée et des fenêtres à barreaux.

 Nous étions tous, chacun d’entre nous, munis d’une longue lettre manuscrite qui sans doute devait être destinée à nos familles, mais aucun de nous ne se souvenait avoir lui-même écrit de lettre. Alors que je dépliais ma lettre afin de la lire, un énorme chat tigré, surgi de nulle part, se précipita vers moi, s’enroula autour de mes jambes et se mit à miauler longuement, me tenant ainsi une conversation qui me paraissait émouvante, comme si une vie entière m’était racontée, criée, scandée, hachée par une respiration irrégulière, un chagrin étouffé ou une espérance folle d’enfant perdu au milieu d’étrangers indifférents. Ce plantureux et volumineux minou ne cessait de quérir des « mamours » et des caresses que, dans un premier temps j’étais disposé à prodiguer mais qui très vite me mirent dans un grand embarras car nous approchions inexorablement du bureau de poste dont la porte déjà s’ouvrait. Les premiers d’entre nous parvenus devant la porte ouverte s’engouffrèrent en hâte et se serrèrent près d’un long comptoir, ménageant ainsi un espace pour ceux qui suivaient derrière. Je fus le dernier à pénétrer et aussitôt refermai la porte afin que le gros chat ne me suive pas. Mais l’animal gratta le bas de la porte et miaula longuement.

 C’est alors que l’un de mes compagnons inconnus m’interpella avec les mots de la langue que je parlais : « Laisse le donc entrer, prend le avec toi, il représente peut-être quelqu’un que, dans une vie passée, tu as beaucoup aimé et qui te reconnaît ». J’entrouvris donc la porte et le chat se précipita vers moi puis se coucha devant mes pieds.

 L’employé du bureau de poste rassembla les lettres ; un grondement dont on ne savait s’il venait du ciel ou de la terre fit trembler les vitres, s’amplifia tel un roulement de séisme de forte magnitude, et parut comme un astre métallique au long fuselage gris lumineux constellé de cercles de verre ce gros avion surgi du milieu du ciel. Et l’avion amorçant sa descente ouvrit sur chacun de ses flancs une porte par laquelle tomba une échelle très large de grosse corde.

 Enfin l’avion s’immobilisa à quelques mètres au dessus du sol et l’extrémité de l’échelle toucha le sable rouge. Nous fûmes vingt humains et un animal à pénétrer dans l’avion. Aucun membre d’équipage ne nous accueillit et nous prîmes place, assis à même le plancher métallique, sans bagages puisque nous n’en avions pas depuis notre départ, mais sans la moindre peur ou inquiétude en face d’un avenir dont nous n’avions pas idée, unis les uns aux autres en une étrange et intense relation, tels des fœtus reliés entre eux dans le même ventre maternel.

 Le gros chat tigré ne miaulait plus, il s’était endormi entre mes jambes et semblait ronronner de tous ses rêves de félin dont les plus anciens bruissaient de toutes ces voix d’une femme que je reconnus enfin.

L’avion prit de la hauteur, se noya dans le ciel océan, nous ne revîmes jamais ces paysages sans arbres, sans maisons et sans rivières à la terre couleur de brique, ni ce ciel d’un bleu absolu, ni l’éclat de ce soleil qui ne nous avait pas aveuglé, ni aucune cité ni aucun être de ce monde dont nous ne savions si nous le quittions ou non… Alors commença un exil sans solitude.

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

- page 4 de 6 -