Le Blog du Merdier

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi, mars 23 2017

L'aigle et le dragon, de Serge Gruzinski

L'auteur :

... Serge Gruzinski, historien de renommée internationale (directeur de recherche au CNRS, il enseigne en France, à l'EHESS, et aux Etats Unis, à l'université de Princeton), est l'auteur de nombreux ouvrages dont "La pensée métisse" (Fayard, 1999) et "Les quatre parties du monde" (La Martinière, 2004).

... C'est au tout début du XVI ème siècle que commence ce que l'on appelle aujourd'hui la mondialisation...

Et cette "mondialisation" a en fait-et de fait- commencé avec les Ibériques (Espagnols et Portugais) qui ont débarqué, avec les Espagnols, au Mexique, et avec les Portugais, le long des côtes du Sud Est Asiatique, depuis le détroit de Malacca jusqu'à Pékin, en passant par Canton et Nankin, dans l'empire Chinois...

Ces deux événements que furent l'arrivée des Espagnols au Mexique, et l'arrivée des Portugais dans le Sud Est Asiatique, ont eu lieu à la même époque, autour des années 1517/1521...

Ce sont bien là deux événements qui ont marqué une étape déterminante dans notre histoire (celle des pays Européens et de la civilisation issue du monde Grec et du monde Romain de l'antiquité, d'une part ; et celle des deux continents que sont l'Amérique et l'Asie avec leurs peuples qui eux aussi, avaient leur culture, leur mode de vie, leurs croyances ; en somme leurs civilisations issues de mondes préhistoriques, et donc, d'évolutions et d'expériences différentes dans l'environnement naturel et géographique qui était le leur et qu'ils n'avaient pour ainsi dire jamais quitté -sans cependant avoir vécu isolés et sans contact avec d'autres parties du monde, autant pour les peuples de l'Amérique centrale que pour les peuples de "l'empire céleste" (la Chine)...

Alors que Magellan au début des années 1520, parvenait en Asie du Sud Est, Philippines et Indonésie ; Cortès menait une expédition en Amérique centrale et s'emparait de Mexico, non sans mal il faut dire, puisque les troupes de Cortès rencontrèrent une forte résistance de la part d'une coalition de Nahuas, de Mexicas sous l'égide de Mexico-Tenochtitlan. (les Espagnols de Cortès bien qu'utilisant des armes à feu et des canons, n'étaient pas très nombreux en face de ces dizaines de milliers de Mexicas et subirent de lourdes pertes)...

Les Portugais, installés à Malacca, rêvaient de coloniser la Chine, menèrent d'ailleurs une ambassade par la route de Canton à Pékin par Nankin, auprès de l'empereur Zhengde, mais cette opération fut en réalité un échec (les Portugais de cette expédition furent suspectés d'espionnage, emprisonnés et finalement éliminés physiquement)...

Si "l'aigle aztèque" se laissa anéantir, en revanche le "dragon chinois" élimina les intrus...

Il faut dire que les Chinois, depuis bien avant l'arrivée des navigateurs portugais au début du XVI ème siècle, avaient eu des contacts (commerce, échanges) avec les pays de l'Europe, notamment Venise et l'Italie...

Serge Gruzinski raconte ce face-à-face entre des civilisations que tout séparait (la culture, la religion, les modes de vie), mais surtout, démonte cette croyance des Européens fondée sur la supériorité (savoirs et technologies) des Blancs et des Occidentaux, sur les autres peuples "indigènes" de l'Amérique et de l'Afrique d'avant le XVI ème siècle (XVI ème siècle du calendrier chrétien)...

... Nous sommes bien là, devant une réalité historique : celle de l'existence de trois civilisations différentes, à savoir la civilisation européenne et occidentale issue de l'héritage Egyptien, Grec et Romain (et du Moyen Orient, Mésopotamie, Perse) ; la civilisation Chinoise, et la civilisation de l'Amérique centrale (Aztèque)... Auxquelles il faut ajouter aussi, la civilisation des Incas (Amérique du Sud, Andes) et les civilisations de l'Océanie (pacifique, océan Indien), et encore, la civilisation Amérindienne de l'Amérique du nord et de l'Amérique du Sud...

Il faut dire aussi qu'en matière de violence et de cruauté, de domination et de prédation, et de guerres de conquêtes, toutes les civilisations se valent, autant dire que violence, cruauté, domination, guerres de conquêtes ; tout cela n'est pas le fait unique de la civilisation européenne...

Sans doute la technologie européenne (navigation, armes de guerre, industrie) a-t-elle pu, du XVI ème au XIX ème siècle, constituer une force, être un avantage sur les autres peuples en Amérique et en Afrique notamment, ce qui explique pourquoi tous ces peuples ont été colonisés et dominés, et ont dû, de gré ou de force, se "fondre" en partie dans la civilisation des dominants...

La fin du XX ème siècle et surtout le XXI ème, "change la donne" et c'est la civilisation européenne qui "perd du terrain" sinon décline... Du fait du développement rapide des autres pays hors d'Europe, pays autrefois sous la domination des Européens et qui de nos jours, "profitent" (si l'on peut dire) -mais en partie seulement- de la mondialisation de l'économie, des technologies, et de l'accès à la consommation de produits et d'équipements...

EXTRAIT, page 203 :

"Depuis l'antiquité, nous, c'est à dire les Grecs, les Romains, les Chrétiens,les Européens, puis les Occidentaux, avons pris l'habitude d'appeler les autres des "barbares". L'écart des langages et des modes de vie pour les Grecs, la différence religieuse pour les Chrétiens, la supériorité technique, militaire et culturelle pour les Européens de la Renaissance et des Lumières, puis la race au XIX ème siècle ont inlassablement ravivé cette distinction. Le terme "barbare" devient passe-partout au point qu'il s'applique même à des Européens quand il s'agit, avec Machiavel, de dénoncer l'intrusion des étrangers sur le sol de la patrie.

Au cours du XVI ème siècle, dans le sillage de la mondialisation Ibérique, des Européens se sont retrouvés face à la plupart des grandes civilisations de la planète et à des myriades de populations que l'on a longtemps qualifiées de primitives. Dans le Nouveau Monde, Espagnols et Portugais ont usé et abusé du terme "barbare" (alors qu'eux-mêmes se présentaient généralement comme des "cristianos") , en introduisant des distinctions qui n'étaient pas que des exercices de style puisqu'elles orienteraient les rapports que les colonisateurs entretiendraient avec les colonisés."


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

vendredi, novembre 4 2016

Voltaire ou le Jihad, de Jean Paul Brighelli

"Vers le suicide de la culture Européenne ?"

"Sommes nous vraiment les héritiers de Voltaire, ou glissons nous vers la barbarie sans nous en apercevoir?"

      La lutte contre le Jihad des fondamentalistes de l'Islam est aujourd'hui un théâtre de guerre à ciel ouvert dont la scène est aussi vaste que l'Europe, que le moyen orient et que le monde occidental tout entier, dont les principaux acteurs politiques se présentent comme étant des défenseurs de la civilisation ; un "théâtre de guerre" donc, qui cache un autre "théâtre de guerre", en fait un autre Jihad, qui lui, mené par les grandes puissances économiques du marché et de la culture, écrase les peuples plus universellement encore que les combattants du Jihad islamique. Car si le Jihad islamique est "infiltré" dans les sociétés occidentales, dans bon nombre de pays, et s'il frappe, s'il tue, si les actes de terrorisme qu'il commet sont spectaculaires, dramatiques et d'une violence extrême ; le Jihad mené par les grandes puissances économiques du marché, quant à lui, est d'un caractère, d'une emprise, d'une hégémonie bien plus universelle encore, et cela par toutes les cultures de substitution, les cultures dites "plurielles", les cultures des banlieues et des communautés urbaines et des minorités revendicatrices, les nouvelles technologies... C'est bien cela le "Jihad mondial" des puissances économiques et politiques, qui porte en lui dans son ordre et dans sa gestion du quotidien des peuples, une culture obscurantiste de masse entièrement formatée et légiférée et soumise aux lois du marché, aux lois sans cesse changeantes et opportunistes de l'opinion publique, aux lois de la mode, aux lois de la pensée unique du moment...

... Extraits de l'ouvrage de Jean Paul Brighelli :

Repentance et culpabilité seraient les deux mamelles de l’histoire de France, si certains groupes de pression communautaires arrivaient vraiment aux affaires. Avec cette gauche-là, et avec une droite encline à la démagogie, ils sont dans l’antichambre du pouvoir depuis vingt-cinq ans. Du Cran (Conseil représentatif des associations noires, fondé en 2005 sur le modèle du Crif et du NAACP américain[1]) au parti des Indigènes de la République, en passant par SOS Racisme, nombre d’associations exaltent le souvenir de l’esclavage et demandent réparation.

C’est ainsi qu’en 2013 le Cran a porté plainte contre la Caisse des dépôts et consignations pour avoir « profité de l’esclavage » – précisément pour avoir encaissé des sommes versées par Haïti entre 1825 et 1946 pour avoir le droit d’accéder à l’indépendance.

« Seize milliards d’euros », clame Louis-Georges Tin – un personnage intéressant à tous égards, et profondément désintéressé. François Hollande a opposé à cette demande une fin de non-recevoir, évoquant « l’impossible réparation ». « Le seul choix possible, le plus digne, le plus grand, c’est la mémoire, c’est la vigilance, c’est la transmission », a-t-il déclaré, citant Aimé Césaire. S’il suffisait de payer pour que la dette soit effacée, expliquait ce dernier, ce serait un peu trop simple. Mais Louis-Georges Tin, quoique tout aussi martiniquais que Césaire, ne détesterait pas que la France payât tout de même.

>>>>>>>>>>>>>  A lire également : "Voltaire ou le jihad" : comment l'Occident s'emploie depuis plus de trente ans à déconstruire sa propre culture

Cher Louis-Georges Tin, puis-je vous suggérer de proposer à tous ceux qui vous écoutent de prendre modèle sur vous, au lieu d’entonner le chant de la revendication victimaire ? Vous avez réussi Normale Sup, vous avez réussi l’agrégation de lettres, vous avez acquis une culture certainement extensive : pourquoi les autres, tous les autres, enfants de la Martinique et d’ailleurs, ne bénéficieraient-ils pas de l’école qui vous a mis là où vous êtes ? Pourquoi ne pas transmettre aux autres la culture dont vous semblez gavé ? Pourquoi vous spécialiser dans la défense des minorités visibles (les Noirs) ou invisibles (les groupes LGBT) ? Pourquoi faire chorus avec Christiane Taubira sur des sujets clivants en accentuant encore les fractures, au lieu de réclamer pour tous une formation digne de ce nom – celle qui a fait de vous le normalien agrégé que vous êtes ? Césaire était en hypokhâgne à Louis-le-Grand, vous à Henri-IV – ce n’est pas une différence notable –, et il est devenu l’une des grandes voix de la poésie française et antillaise. Senghor aussi est passé par Louis-le-Grand : l’agrégation ne l’a pas empêché d’être un immense poète français et sénégalais, son amitié pour Georges Pompidou ne l’a pas empêché d’être un chantre de la négritude. La République était alors bonne fille, elle formait même ceux qui la critiquaient. Mais ce que vous entreprenez, en réclamant par exemple la mise en place d’une discrimination positive (sur quels critères ? La couleur de la peau ? Les origines familiales ? Le faciès, peut-être ?), c’est au fond afficher un mépris abyssal pour tous ceux qui n’ont pas eu votre chance : bénéficier de l’école des années 1970-90, lorsqu’on apprenait encore à lire correctement, que l’on faisait des dictées pour apprendre l’orthographe et qu’il n’était pas absolument nécessaire d’être enfant d’enseignants – comme vous – pour réussir dans un système scolaire à la dérive.

Le discours sur le colonialisme, l’esclavagisme et le nécessaire sanglot de l’homme blanc dévoré de culpabilité est désormais rodé. On enseigne à larges doses le commerce triangulaire en classe – c’est l’une des rares choses que les élèves retiennent, en quatrième, tant il leur est seriné. En théorie, on leur a parlé aussi en cinquième des traites intra-africaines. Chose curieuse, ils ont beaucoup moins capté. Le discours culpabilisateur influerait-il sur les profs d’histoire au point de leur faire passer sous silence le fait que ce sont essentiellement les Noirs et les Arabes qui « produisaient » les esclaves, vendus par la suite à des négociants européens qui les transportaient jusqu’aux Amériques ? Tamango, jolie nouvelle pleine de bruit, de fureur et d’ironie, écrite par Mérimée en 1829, décrit excellemment ce double mouvement – à ceci près que le capitaine négrier embarque avec lui le chef noir esclavagiste, qui sera le seul survivant d’une équipée sanglante. Et gardons-nous d’oublier le million d’Européens vendus comme esclaves par les Barbaresques au cours du seul xviiie siècle… Les sociétés anciennes étaient esclavagistes – mais je ne sache pas que les habitants actuels de la capitale italienne se couvrent la tête de cendres à l’évocation des dizaines de millions d’esclaves de la République et de l’Empire romains. Il en était ainsi, et les esclaves antiques auraient mis les Romains en esclavage s’ils en avaient eu l’occasion.

Alors, suffit ! Il n’y a pas à se sentir coupable de faits (de crimes, si l’on veut, mais pas selon les codes juridiques du temps) qui se sont déroulés il y a deux ou trois siècles[2]. Les Allemands de la première moitié du xxe siècle ont pu avoir une responsabilité dans la Shoah. Pas ceux qui sont nés après 1945. Et il ne viendrait à l’idée d’aucune organisation juive de leur demander des comptes sur l’attitude de leurs grands-parents. Après tout, le père de l’actuel président de la République, pour lequel vous avez peut-être voté, était candidat d’extrême droite en Normandie en 1959 et 1965. On peut critiquer la politique du gouvernement sans faire un crime au chef de l’État des choix politiques de son géniteur.

Quant à la colonisation et à la décolonisation, autre gros morceau des programmes d’histoire du secondaire… Ma foi, il y a eu des crimes de guerre parce que toute guerre est en soi occasion de crimes, et que ceux qui voudraient des guerres propres ne savent pas ce qu’est la guerre. Si l’on veut solder tous les comptes, on n’en finira pas. Faut-il rappeler aux descendants d’Algériens ce que leurs pères ou leurs grands-pères ont fait aux harkis – alors même que « harki » est toujours une injure couramment utilisée par les organes de presse officiels d’Alger ? L’apprentissage systématique de l’Histoire, une vraie culture historique permettent justement de tout remettre en perspective selon la Raison, au lieu de vivre dans la rancœur, c’est-à-dire dans le (res)sentiment.

Tenez, faisons un peu de culture sur la colonisation et le racisme…

Le discours de culpabilisation commence par une citation en boucle de l’apostrophe fameuse de Jules Ferry, en 1885, sur le « droit » que les « races supérieures » ont vis-à-vis des « races inférieures » – et du « devoir » que ce droit engendre. « Ces devoirs ont été souvent méconnus dans l’histoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l’esclavage dans l’Amérique centrale, ils n’accomplissaient pas leur devoir d’hommes de race supérieure. Mais, de nos jours, je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, avec grandeur et honnêteté, de ce devoir supérieur de civilisation. »

Voilà le nœud du problème pour nos modernes progressistes, incultes ou jouant à l’être, critiques de tous les colonialismes, tous mis dans le même sac, même si la colonisation a apporté, outre les Lumières, bien des progrès dans des régions qui mouraient au soleil. Reprocher à Ferry ce vocabulaire racialiste est à peu près aussi intelligent que de reprocher à Montesquieu le mot « nègre » dans la diatribe fameuse où il prêche la fin de l’esclavage – ce qui n’était pas rien en 1748. Ou d’imaginer un Voltaire antisémite, alors que ses diatribes antibibliques visaient essentiellement l’Église au pouvoir, et le pouvoir à travers l’Église.

Clemenceau, qui s’opposa à Ferry lors de ce fameux débat à la Chambre des députés, le fit moins par considération humanitaire – tout le monde s’en fichait – que par souci de polémique politicienne. Les critiques modernes portent Zola aux nues pour avoir écrit « J’accuse » et ne s’aperçoivent pas, faute de culture, que le Zola de L’Argent est un antisémite standard de son époque, comme les Goncourt, Daudet, voire Maupassant, qu’il fréquentait assidument.

Porter sur les hommes des siècles passés un regard strictement contemporain nous fait passer à côté de ce qu’ils étaient et de ce qu’ils nous ont apporté. Les Grecs ont inventé la démocratie et vivaient dans une société esclavagiste – et alors ? Les révolutionnaires de 1789 ont créé la République et coupé le cou d’Olympe de Gouges, qui voulait étendre aux femmes les droits que les hommes venaient de rédiger. Robespierre était révolutionnaire et misogyne : disciple de Rousseau !

Et les Modernes d’aujourd’hui sont hélas de leur temps, quand ils crachent sur la culture et ouvrent largement la porte à des barbares bien décidés à remplir avec leurs certitudes sanglantes le vide patiemment creusé dans les cervelles adolescentes. Ce monde en voie d’automutilation, je voudrais tenter de le sauver malgré lui – parce qu’une poignée d’imbéciles ne peut pas avoir raison contre une civilisation tout entière.

Mais encore, me direz-vous, quel rapport entre ces tentations communautaristes et la culture ?

Le Cran a violemment protesté en 2008 contre l’aspect à ses yeux excessivement culturel des concours de recrutement dans la fonction publique, déversoir traditionnel des sociétés antillaises. Il a suggéré que ces concours soient recentrés sur les questions purement professionnelles et cessent d’exiger un niveau de culture générale dont, disait-il, l’usage n’est pas bien évident dans le cadre de leurs futures fonctions. Hmm… Combien de dialogues au guichet seraient facilités par un niveau de connivence culturelle adaptable ? La culture n’est pas seulement déluge de références. Elle est usage d’une langue commune – qui tend à l’être de moins en moins.

Quoi qu’il en soit, le secrétaire d’État à la Fonction publique, André Santini, a immédiatement réagi. Il a proposé de refonder les concours administratifs dès 2009 en diminuant notablement la part de la culture générale. « Nous avons atteint les limites d’un élitisme stérile », s’est-il exclamé. La culture générale était pour lui une « discrimination invisible ». La République n’avait pas besoin de gens cultivés. Ou alors, dans des niches spécialisées.

L’année d’après, c’était Valérie Pécresse, en charge de l’Enseignement supérieur, qui, après avoir suggéré un quota pour les boursiers à l’entrée des grandes écoles – une discrimination positive déguisée et effective à l’entrée en classes préparatoires[3] –, affirmait, sur la foi d’un rapport ad hoc de l’Inspection générale, qu’il fallait ouvrir les concours aux langues maternelles des candidats – le chinois, l’arabe ou le vietnamien, entre autres. Et repenser le poids de la culture générale.

À noter que ledit rapport enseignait un fait que le ministre a préféré passer sous silence : les matières réellement clivantes, ce n’était pas le français, c’étaient les maths, la physique, la biologie. Ciel ! Le problème était moins l’accès à la culture des « héritiers » qu’une descente en flèche du niveau du secondaire ! Mais l’essentiel de ce que les médias retinrent, ce fut cette charge contre la culture générale.

Pierre Assouline et les commentateurs avisés firent le lien avec la « sarkozienne détestation[4] » de La Princesse de Clèves, qui avait entraîné maintes lectures publiques du roman de Mme de La Fayette devant les mairies de l’UMP. Comme quoi, dans ce curieux pays, on peut s’enflammer pour un roman du xviie siècle, d’une écriture complexe, et peut-être faire basculer une élection. La gauche, en s’attaquant au latin, a pu récemment constater que ce « vieux pays », comme disait de Gaulle, est encore, bec et ongles, attaché à ses racines et à ses valeurs. La culture est menacée, mais elle n’est pas morte, quelles que soient les attaques auxquelles la soumettent des sectes fondamentalistes ou des libéraux mondialisés.

« Ceux qui soutiennent la culture générale dans ce type de concours, ajoutait le rédacteur de La République des livres, ne le font pas dans l’idée de coller un futur pompier sur la bataille de Lépante ou une future iconographe de la Mairie de Paris sur une question de droit public. Il ne s’agit pas de refaire “Questions pour un champion”, mais de posséder un niveau de langue minimum appuyé sur des connaissances. Le but n’est pas de coller le candidat sur les véritables intentions du duc de Nemours telles qu’elles apparaissent à travers sa déconstruction lexicale, mais de faire lire La Princesse de Clèves pour enrichir notre langue à tous dans les rapports quotidiens entre administrés. […] Est-il normal que tant de gens (chauffeurs de taxi, gardiens de la paix, fonctionnaires de la RATP, etc.) soient handicapés lorsqu’ils cherchent une rue sur un plan parce ce qu’ils n’ont aucune idée de la manière dont s’écrit un nom historique pour n’en avoir jamais entendu parler[5] ? » Et de raconter que les Américains venaient de comprendre qu’un peu de littérature ne fait pas de mal aux futurs médecins[6] : il apparaît que cela développe leur capacité d’empathie et modifie même leur analyse clinique.

La culture n’est jamais là où l’attendent ceux qui croient que c’est une armoire à confitures. Ses effets sont toujours obliques, jamais là où on les attend. C’est ce qui en fait la beauté et la complexité.

Les effets de l’inculture, en revanche, parce que c’est un corps simple de masse moléculaire proche de zéro, sont immédiats.

[1] National Association for the Advancement of Colored People, l’une des plus anciennes (1909) et des plus influentes associations américaines. « Colored People », expression obsolète, ne s’emploie plus que dans le nom de cette association. Les Noirs américains s’appellent désormais « African-American ». Ils ont même tenté de discriminer le président Obama, qui, métis d’une Blanche et d’un Africain (son père était kenyan), ne pouvait bénéficier de cette appellation, théoriquement réservée aux descendants d’esclaves. Ai-je le droit d’appeler cela du racisme ?

[2] Voir sur le sujet le livre de Paul-François Paoli, Nous ne sommes pas coupables : Assez de repentances !, La Table ronde, 2006.

[3] On y recrute sur ordre au moins 25 % de boursiers, parfois au détriment d’élèves mieux placés du strict point de vue des résultats académiques. L’égalitarisme tue l’égalité.

[4] En février 2006, Nicolas Sarkozy s’était livré à une violente attaque contre le roman de Mme de La Fayette, exemple type, d’après lui, des références à bannir des concours de la fonction publique. Il est revenu souvent à la charge, jusqu’à ce qu’il finisse par avouer qu’il avait souffert, élève, sur les aventures du duc de Nemours.

[5] Pierre Assouline, « Dehors, la culture générale ! », larepubliquedeslivres.fr, 2 décembre 2008.

[6] Cf. Pauline W. Chen, « Stories in the Service of Making a Better Doctor », The New York Times, 23 octobre 2008.


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

dimanche, août 14 2016

Histoire des Cathares, de Michel Roquebert

      Michel Roquebert, Grand Prix d'histoire de l'Académie française, est le spécialiste reconnu de l'histoire du catharisme. Cette Histoire des Cathares est la quintessence de trente ans de travail sur le sujet.

      Si l'on regarde l'Histoire, d'une vue d'ensemble portant depuis ce que l'on pourrait appeler l'an Zéro (les environs de l'an Zéro) jusqu'à notre époque, début du 21 ème siècle ; sur quelque deux mille années d'existence donc... Tout le drame de l'Humanité réside dans le fait religieux...

Le livre de Michel Roquebert, "Histoire des Cathares", parle bien sûr, des Cathares, de l'histoire de la société Cathare qui couvre plus de trois siècles, du 11 ème au 14 ème... Mais le "champ" des répressions, des violences, des inquisitions ; l'emprise des totalitarismes exercés par les puissances dites temporelles (politique, économie, gouvernement, lois, traités, institutions, administration) et associés à la puissance de l'Eglise Catholique et Romaine dans toute l'Europe, à l'Islam du Moyen Orient jusqu'en Espagne entre les 7ème et 15ème siècles... Ce "champ" et cette emprise donc, débordent largement du cadre de la seule histoire des Cathares...

Déjà, dès le début même du Christianisme – et l'on peut en dire autant de l'Islam- se développent tels des feux poussés par les vents de ci de là dans la brousse, des foyers de dissidences tous faits de flammes plus rougeoyantes et plus porteuses de lumière les unes que les autres, déjà apparaissent les hérésies, déjà le sang coule, les flammes des bûchers dévorent les impies, les dissidents, les hérétiques, les déviants, les "suppôts de Satan"...

A l'origine de toutes ces violences exercées par les puissances temporelles et religieuses, il y a, en gros, deux causes principales :

-L'accession au Pouvoir, à l'Autorité, à la possession des biens, des terres, des territoires, à la domination des peuples... Tout cela au profit d'une minorité détenant les armes, l'argent, la loi.

-Et la différence de croyance, les interprétations, les doctrines, la lecture des textes dans un sens ou dans un autre "justifiant que ..."

Et les Pouvoirs, tous les Pouvoirs en place, et les minorités possédantes avec leurs armes, leur argent et les lois qu'ils font à leur avantage, composent et surtout s'appuient sur les croyances, sur les différences, sur les doctrines, sur telle ou telle lecture du texte...

Les Pouvoirs et les minorités possédantes s'allient ou se combattent selon l'enjeu, selon leurs intérêts, selon ce qu'ils ont à gagner à être d'un côté ou d'un autre, de telle ou telle Foi... Et leurs victimes sont toujours ces milliers de gens du peuple, ces "gens de rien à leurs yeux" qu'ils font combattre sur les champs de bataille... Ou qu'ils font s'égorger entre eux...

... Le "fait religieux" c'est le drame de l'Humanité, c'est le sang versé, ce sont les violences perpétrées, ce sont les totalitarismes de la pensée, ce sont les assassins au nom de Dieu ou d'Allah, au nom du Bien et du Mal... Tant que demeurera l'Humanité dans le fait religieux, la barbarie demeurera et s'exercera, ne cessant de se montrer avec des visages différents, des visages masqués ou non...

Les visages masqués sont peut-être les pires...

... Dans les sociétés primitives (je pense aux sociétés humaines du Paléolithique Supérieur, en particulier des Néanderthaliens qui enterraient leurs morts, des Sapiens -Solutréens et Magdaléniens ainsi que leurs prédécesseurs)... Et pour tout dire avant les Monothéïsmes (croyance en un seul Dieu), il n'y avait pas de "drame de l'humanité du fait religieux" , il n'y avait que le drame de l'humanité du fait de la précarité de l'existence, de la vie humaine... A vrai dire le "drame" était bien davantage une réalité qu'un "drame"...

La connaissance scientifique telle que nous l'avons en partie aujourd'hui, n'existait pas, et les "dieux", les croyances, la "grande Mère", le "tout", le "ciel", l'au delà... Tout cela était fondé sur l'observance, l'interprétation des événements naturels et de l'image que l'on s'en faisait ; sur la violence, sur l'imprévisibilité des forces de la nature, sur les manifestations naturelles qui faisaient que l'on avait ou non de quoi manger, de quoi se protéger... Le "fait religieux" tel qu'il est le drame de l'humanité depuis le Monothéïsme, depuis la croyance en un seul dieu, n'était point dans les sociétés du Paléolithique Supérieur.

La réalité naturelle, sa violence, sa dureté... C'était "l'atelier", c'était "la forge", là où s'élaborait ce "produit" qui est l'Homme... Les religions du Monothéïsme sont une perversion du "produit", plus encore que l'Inconnaissance qui était, avant la Science -quoique la Science ne soit en fait qu'un "embryon de la Connaissance"...


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

jeudi, mars 31 2016

Fille de la rue

      Voici "Fille de la rue", un poème de AMINA MAHMOUD, traduit de l'arabe par Antoine Jockey

[ Paru dans MISSIVES, revue trimestrielle de la Société Littéraire de la Poste et de France Télécom : mars 2016, "Prose et poésie irakiennes contemporaines"... ]

Fille de la rue

Je suis une fille de la rue

Et ma taille pousse courbée, en s'interrogeant.

Mon âge? Sept bourgeons desséchés

Sept explosions qui ont raflé les sept membres

De ma famille.

Avorte-moi ô mon malheur!

A chaque feu vert, je me laisse choir sur le trottoir, mon siège

Sans fin, mon royaume.

Toutes les larmes sont miennes

Tous les mouchoirs ne suffisent pas

A assécher leurs sources.

La rue est à présent ma mère

Et le feu de circulation, mon père

J'ai tellement goûté au soleil en pleine canicule

Qu'il m'a fait mûrir

Et les couteaux du froid se sont disputé mon corps

Ô Dieu, vers qui me tourner?

Ne connaissant pas la ruse, comment en user?

Le chagrin est ma Bible, les larmes mon Evangile

La privation mon Coran

Et dans mes yeux la vie s'est changée en enfer

Alors l'oubli est mon seul salut

Comme vous, j'ai des yeux

Une langue et deux lèvres,

Alors pourquoi, Dieu,

Suis-je sans abri?

Regarde-moi lorsque la rue se calme

Et que le soleil rejoint sa demeure

Comme le policier à la fin de son service.

Regarde-moi chercher un tas d'ordures

Pour m'y planquer et me mettre à gémir.

... Dans un pays en guerre c'est toujours plus difficile pour un poète, pour un écrivain ; que dans un pays dans lequel règne une sécurité, un confort relatifs...

Amina, tu es comme ce naufragé de l'espace dans une coque de survie en errance entre Andromède et la Voie Lactée... Et, quelque part sur la planète d'où tu viens mais dans un paysage de cette planète qui n'est pas le paysage de ton enfance et de ceux qui t'ont précédé depuis des milliers d'années, il y a ce visage, mon visage, qui sait que tu existes... peut-être, ce visage, est-il un petit bout de ce Dieu en lequel tant croient, qui a des milliards de petits bouts, et qui a vu les mots que tu as écrits... Même si on est tout seul dans sa peau jusqu'à la fin de ses jours, quand on écrit, même si on écrit comme un naufragé de l'espace dans une petite coque de survie entre deux galaxies... on n'est jamais vraiment seul...


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

vendredi, février 19 2016

Houellebecq écrivain romantique, par Aurélien Bellanger

Résumé 4ème couverture :

Beaucoup de choses ont été dites sur Michel Houellebecq, sur son oeuvre un peu moins, sinon qu'on y trouvait le parfait catalogue du cynisme contemporain ou l'encyclopédie des ratages de la modernité.

C'est une double méprise : Houellebecq est un écrivain sincère et ambitieux. Il ne cherche jamais à sauver ce qui ne peut plus l'être. Néanmoins, si le monde n'est pas toujours drôle, il est améliorable. Nous disposons, dans la science, des moyens de le réanchanter. L'homme n'est pas condamné au tragique.

Désespérance et utopie, l'une comme l'autre argumentées avec soin : la douleur est un indice ; le monde doit être réparé. Les racines du mal sont trop profondes pour être entièrement arrachées, mais nous saurons en extraire des fleurs.

Houellebecq est un écrivain romantique.

De Pascal à Lovecraft, Houellebecq a étudié la littérature de la chute, mais c'est, de Novalis à Baudelaire, celle de la rédemption par la technique qu'il a choisi de continuer.

Mon avis :

Pour moi qui n' a pas fait d'études de philosophie en classe terminale ni en université (Positivisme, Auguste Comte ; Heidegger, ontologie, mysticisme, etc. ...) J'avoue avoir été "un peu dépassé" par certains termes employés... Cependant, avec "recherche Google" ou avec un dictionnaire à portée de main – et un minimum de réflexion- je suis parvenu au bout de ce livre...

Cette étude réalisée par Aurélien Bellanger sur l'oeuvre de Michel Houellebecq, me paraît être un véritable, un incontestable démenti à l'idée selon laquelle, pour certains intellectuels et journalistes littéraires, "Michel Houellebecq serait une nullité littéraire" ...

En effet, c'est tout le contraire d'une "nullité littéraire" !

... Bon c'est vrai, personnellement j'adhère totalement à Michel Houellebecq, à ses livres (romans et essais) que j'ai tous lus jusqu'à "Soumission" ainsi qu'à sa poésie... Tant je "m'y retrouve" dans son style, dans ses formulations, le ton qu'il emploie, son ironie, sa dérision, ses clichés (types de personnages, de comportements, qui à mon sens ne sont pas tout à fait des clichés dans la mesure où ils correspondent à une certaine réalité)... à tel point parfois que je me dis que j'aurais pu écrire cela pareil ou presque! (Mais comme je dis en rigolant "au lieu que ce serait du Houellebecq, ce serait du Yugcib")...

"Windows démarra avec un petit bruit joyeux"...

"En fin de soirée, la montée de l'écoeurement est un phénomène inévitable. Il y a une espèce de planning de l'horreur. Enfin je ne sais pas ; je pense"...

"Dans l'avion, Michel trouve aux pieds de son voisin, un best-seller anglo-saxon merdique d'un certain Frederick Forsyth. Le livre est d'une nullité écrasante. Plus tard, écoeuré par sa lecture du Guide du Routard, il s'empare avec résignation du roman La Firme, de John Grisham."

"J'éteignis juste après le générique du Silure démystifié. La nuit était opaque ; le silence également."

"Maigre, moustachu et nerveux, l'homme se présenta à moi comme un naturopathe ; devant mon ignorance il précisa qu'il soignait par les plantes, ou par d'autres moyens naturels si possible. Sa femme, sèche et menue, travaillait dans le secteur social, à l'insertion de je ne sais quels délinquants primaires alsaciens ; ils donnaient l'impression de n'avoir pas baisé depuis trente ans."

... Telles ont été, à la lecture de cet ouvrage d'Aurélien Bellanger, ces phrases reportées, de Michel Houellebecq dans notamment "Extension du domaine de la lutte" et "La possibilité d'une île", entre autres...

... Et maintenant ceci :

"Eh Michel, où est le bec ?

Le bec de l'oiseau?

Le bec de la tortue?

Le bec qui pue... dans les cocktails d'entreprise ou dans les cockails littéraires, où les participants atomisent autour de la table les particules fines de leurs haleines épicées de petits fours ingurgités, de mélanges alcoolisés et de fumée de clopes ?

... Bon, oui... mais ça, c'est du Yugcib ! (rire)...

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

jeudi, octobre 8 2015

Le quai de Ouistreham, de Florence Aubenas

      Florence Aubenas -en tant que femme, journaliste et écrivain- est surtout connue du "grand public" pour avoir été otage en Irak du 5 janvier au 12 juin 2005...

A l'époque de sa prise en otage elle a été soutenue par ses confrères journalistes qui dénonçaient pour bon nombre d'entre eux, ce qu'elle dénonce aujourd'hui, à savoir ce caractère "pyromane" et de "scoop" des médias...

... L'on peut s'interroger cependant, sur le caractère même (et sur la portée) de la dénonciation, de toute dénonciation aussi justifiée et argumentée soit-elle... Qu'y-a-t-il, que trouve -t-on en vérité, derrière la dénonciation?

La sincérité du moment, dans ce qui est ressenti dans l'événement, dans ce que cette sincérité implique? Mais alors, pourquoi lorsque d'autres événements surviennent, lorsque plusieurs mois ou années ont passé... Ne dénonce-t-on plus ?

Or plus que jamais aujourd'hui dans l'actualité dramatique du monde, guerre de Syrie entre autres, et flots ininterrompus de migrants... La plupart des journalistes de télévision, de magazines et de quotidiens nationaux et régionaux, n'ont de cesse de produire de ces "scoops", de ces "effets spéciaux de reportage", de ces "petites phrases", tout cela dans un "consensus" frisant l'indécence, l'outrecuidance dans une forme de "pensée unique" orchestrée par les politiques en place, en France et en Europe.

Dans un Français souvent sommaire et peu respectueux de la grammaire et de l'orthographe, avec des articles à sensation d'un épidermisme consternant, donné "à avaler" à des millions de gens et qui "lamine", "nivelle par le bas", la puissance médiatique fabrique des opinions et de surcroît ment ou dénature...

Florence Aubenas dénonce tout cela à sa façon, c'est à dire sans outrecuidance, avec lucidité, gravité et faisant part d'une dose d'optimisme malgré tout car elle sait bien "de quel bois, de quelle étoffe est fait le cœur, l'esprit des gens, des gens du peuple, des gens auxquels on ne donne jamais la parole, des gens qu'elle fait monter dans sa voiture pour parler avec eux, des gens qu'elle rencontre devant les portails des usines qui ferment, des gens "ordinaires" en somme, donc tous ces gens complètement oubliés de ces cliques de journalistes consensuels et d'intellectuels arrogants qui eux dans "leur monde à eux" se sentent bien !

... Le quai de Ouistreham" est un récit saisissant de cette plongée dans le monde de la précarité, un monde dans lequel on ne trouve plus un emploi mais "des heures" avec un contrat à "zéro temps" ! Ce monde là, les journalistes qui ont "pignon sur rue" et qu'on voit sur les plateaux télé, n'en parlent qu'à mots couverts, ou pour produire des images pyromanes...


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

mardi, septembre 22 2015

L'ange de l'abîme, de Pierre Bordage


Lire la suite...

Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

vendredi, septembre 11 2015

Les pieds dans l'eau, de Benoît Duteurtre

Les pieds dans l'eau, de Benoît Duteurtre

Dépôt légal octobre 2008

Gallimard

Quatrième de couverture :

"Le 29 septembre 1990, une vingtaine de descendants de René Coty se retrouvèrent à l'Elysée. Chez les petites filles du Président, d'ordinaire si ardentes à rompre avec le passé, l'opportunité sembla éveiller un brin d'amusement. Les années glorieuses s'éloignaient suffisamment pour prendre un arrière-goût folklorique. Tout le monde avait oublié le nom de Coty – sauf pour le confondre avec celui d'un parfumeur. L'époque présidentielle ne représentait plus une menace avec ses privilèges. Rien ne pouvait désormais entraver le triomphe de cette "vie normale" vers laquelle ma famille inclinait depuis trente ans."

Avec ce roman familial, Benoît Duteurtre déploie son art d'humoriste social sur un mode plus intime. A l'ombre des falaises d'Etretat, il observe les transformations de la bourgeoisie en vacances, le catholiscisme revisité par mai 68 et sa propre évolution de jeune homme moderne à la découverte de la nostalgie.

Prix Médicis pour "Le voyage en France", Benoît Duteurtre est notamment l'auteur de "Tout doit disparaître", "Gaité parisienne", "Service clientèle", "La petite fille et la cigarette".

Extraits

Page 114 :

"Les aspirations artistiques m'occupèrent donc toujours davantage. Dans le train-train de cette vaste sous-préfecture, on pouvait encore faire semblant d'inventer ce que Paris découvrait un siècle avant. En première puis en terminale, j'avais formé avec mes amis un groupe moderniste à tendance délurée. Notre amour des élucubrations d'Alphonse Allais, des facéties d'Erik Satie et du dadaïsme de comptoir nous éloignait des intellectuels de gauche qui régnaient à la Maison de la culture, comme des femmes-poètes qui se réunissaient le samedi après-midi, pour lire à voix haute des textes de René Char."

Page 222 :

"Pour aggraver les choses, l'artisanat semblait partout sur le point de disparaître en tant qu'activité fourmillante et peu onéreuse, aves ses multiples corps de métiers. La notion même d'entretien devenait problématique dans une économie fondée sur le remplacement systématique de tout objet défectueux par de nouveaux matériaux normalisés. Cette organisation ne laissait guère de place au travail minutieux du bois, sauf sous forme d'activité luxueuse, facturée au prix fort et réservée aux clients fortunés."

Mon avis

Il y a dans les livres de cet auteur, Benoît Duteurtre, dirais-je du sens et de l'atmosphère.

Avec Michel Houellebecq, Benoît Duteurtre est l'un de mes écrivains préférés -et les plus lus par moi- de cette période contemporaine que je situe en gros, depuis les années 70/80 du 20ème siècle.

Sans doute y-a-t-il, depuis ces années 70/80, d'autres écrivains dont je lis les livres, et j'espère bien découvrir des auteurs qui, comme Houellebecq et Duteurtre, m'interpelleront autant et chez lesquels je trouverais du sens et de l'atmosphère.


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

mercredi, août 12 2015

Bernard Clavel

... A l'attention de ceux et celles qui "n'aiment pas Bernard Clavel" je leur dis qu'en 2070 ou en 2150, il y en aura d'autres qui viendront après Bernard Clavel et qui "continueront à porter le flambeau" à leur façon, autant dire qu'ils en écriront autant sinon plus encore et même mieux...

ça fera peut-être pas "avancer le schmilblic", mais y'aura toujours ce qu'il faudra sur cette planète, d'un tel, d'une telle multiplié par un certain nombre, pour se lever contre l'hypocrisie, contre l'orgueil, contre la haine, contre tout ce consensualisme troudebalesque, ces inégalités phénoménales entre une minorité de très riches et une majorité de très pauvres, contre les assassins, les donneurs de leçon de morale, les prédateurs en tout genre, les bourgeoisies aisées qui vont à la messe et gueulent comme des putois contre les gens qui "marchent pas dans les clous" !

"Clavel ne donne ni dans la bourgeoisie aisée ni dans l'aristocratie mélancolique. Ceux qui redoutent de se trouver confrontés avec la misère des gens de peu évitent sans doute de le lire. Et ils auront tort. Quel ami des lettres n'a pas été secoué à un moment ou un autre par l'ouragan Clavel?"

(Edmonde Charles-Roux, de l'Académie Goncourt)

"C'est l'écrivain prolétarien français qui a le mieux réussi ; c'est à dire qu'il a réussi la difficile équation d'être lu par des lecteurs qui appartiennent au même monde de la quotidienneté que les personnages de ses romans".

(Michel Ragon)

"Dans la belle langue simple et dure qui est la sienne, Clavel ne ménage personne. Parce qu'il respecte ses personnages, ces gens du peuple sans défense, il raconte sans fioritures. Sans trahir".

(Dominique Mobailly, La Vie)

... Je ne conteste pas que l'on puisse "ne pas aimer Bernard Clavel" : on a le droit de ne pas aimer Bernard Clavel, comme on a le droit de ne pas aimer Victor Hugo, par exemple...

D'autant plus si l'on exprime son désamour pour Bernard Clavel avec l'humour qui sied au propos que l'on tient sur son oeuvre en général...

En revanche ce qui me dérange c'est la "vision du monde" que l'on porte en soi dans le fait de ne pas aimer Bernard Clavel, quand il y a dans cette "vision du monde" tout ce que je combats, tout ce qui me révolte, tout ce que je dénonce depuis mon enfance.

Or, il se trouve que Bernard Clavel défend, par les romans qu'il écrit, dans l'intégralité de son oeuvre d'ailleurs, toutes ces "valeurs" que je défends moi-même et que j'illustre si je puis dire, dans mes écrits, à travers les histoires que je raconte à ma façon...

De même que l'on fustige, que l'on critique, que l'on "enterre" Bernard Clavel -ou un autre écrivain- pour "telle ou telle raison, raison argumentée"- (parce qu'on le trouve triste, pessimiste)... Je conçois que l'on puisse à l'égard de l'auteur que je suis, me trouver "emmerdant", pessimiste, tragique, hyroglyphique, brouillon etc. ... Et si en plus on y met de l'humour, pour "m'enterrer"... ça m'intéresse !

Je concède à mes détracteurs le droit de m'enterrer, de ne pas du tout aimer ma manière d'écrire, de dire les choses comme je les dis... Mais je ne leur concède plus ce même droit lorsqu'ils s'attaquent à ce que je défends "bec et ongles", à ces "valeurs" qui me sont chères et que je place au dessus de tout, en particulier du succès, de la gloire, et des avantages que procurent le succès et la gloire...

Quand ce qui est exprimé (même si "quelque part ça fait mal") l'est avec l'humour qui sied au propos, je me dis (c'est ce que je ressens) que, par l'humour, cet humour là en l'occurrence, je me sens proche de mon prochain si différent de moi dans sa "vision du monde" : c'est la même chose par exemple, que cet officier Nazi, dans le film "le pianiste" qui se trouve dans une église complètement détruite, en Pologne en 1945, en face du Juif résistant pianiste. Les deux personnages que tout sépare et oppose dans une violence qui est la violence réaliste et totale de la guerre, vont alors "se rejoindre" dans une sorte de communion autour d'un morceau de musique! Quel "message" en effet ! Quand du tragique, de l'indicible, de l'insoutenable, du plus inacceptable, du désespoir le plus absolu, du plus absurde, du plus injuste, du plus dramatique de ce qu'il y a dans le "sens du monde", dans une "vision du monde" qui peut être (et qui effectivement est) celle de tant et de tant de gens dans le monde toutes cultures et religions confondues... Se lève cette espérance magnifique, vient cet optimisme, autour du seul fait de "partager quelquechose ensemble".


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

lundi, août 10 2015

A nous deux Paris, de Benoît Duteurtre

      Un tableau assez sombre, dans ce livre, mais réaliste, de ce que furent à Paris ces années 80 du 20ème siècle, dans une atmosphère "gauche bobo" de cocaïne, de "new wave", de musique funky, de sexualité indécise, de sida ; avec notamment le forum des halles et ses alentours, ses bars branchés, ses noctambules, ses boîtes de nuit, tout cela dans un tourbillon de futilité...

"Le monde est devenu cet antre infâme et pur, envahi de normes qui donnent l'impression de fréquenter partout le même motel texan, la même chaîne hôtelière suédoise...

.../... Cette proximité du plaisir, de la gratuité, de l'inconscience, faisait pour une part la valeur de telles aventures, avant que ne s'impose l'idée du danger, de la punition et de la mort. Notre époque anxieuse rêve de sécurité ; mais j'ai quelque peine à goûter ce genre de vie nocturne, trop parfaitement hygiénique et dépourvu d'excès .../...

Place des Innocents, les établissements à la mode qui s'implantèrent dans les années 1980.../... ont mis la clé sous la porte. Le Café Costes a disparu, remplacé par cet alignement de McDonald's, Häagen-Dazs, KFC, qu'on trouve dans toutes les villes du monde. .../... Je me demande pourquoi il a fallu un jour détruire les pavillons de Baltard et l'acien quartier des Halles pour édifier une architecture en toc, faite de matière plastique, de plexiglas et de ferraille. .../... Jamais l'on ne vit construction humaine se dégrader aussi rapidement, pour devenir sale, jaunâtre, pisseuse et bancale. Elle n'a pas tenu trente ans avant qu'on ne décide de la raser à son tour. En 2010, la Ville de Paris a lancé son nouveau chantier des Halles..." ... Peut-on lire, page 329, 330 et 331...

... C'est fou, fou et... désolant... Ce que les villes se ressemblent toutes, d'une région à l'autre en France, avec ces mêmes ZAC et ZI où à perte de vue se succèdent les grandes surfaces commerciales, les chaînes de d'hôtels et de restaurants... Tout est formaté aseptisé normalisé avec des rond-points, des voies de circulation et des parkings dont les entrées soit dit en passant, par leurs barrières indiquant 2,10 m voire 1,90 m de hauteur, interdisent l'accès à tout véhicule surrélevé ou avec une galerie, des barres à vélo...

... Au moins, dans ces années 80 "post soixante-huitardes", d'inconscience, de futilité, de looks et de modes, de recherche de plaisir... N'y avait-il pas, aussi lourd de menace, tout ce dont on a si peur aujourd'hui avec l'explosion de la violence et de l'insécurité au quotidien ... Et, si "castrant", tous ces interdits, toutes ces restrictions, avec les punitions et les exclusions assorties...

Le lien de cause à effet me semble à mon sens, beaucoup plus évident entre d'une part les différentes politiques gouvernementales et économiques de marché au niveau de l'Europe et de la France en particulier, de la montée en puissance de la religion, du communautarisme et des fanatismes ; et d'autre part l'explosion de la violence et de l'insécurité... Plutôt qu'entre la futilité, les modes, les apparences, l'insouciance, la recherche du plaisir immédiat et leurs dérives comportementales d'une part ; et la même explosion de la violence et de l'insécurité...

Ce n'est pas "une casquette mise visière en arrière" ni un foulard sur une tête de femme, ni encore une console de jeux vidéos dans les mains d'un gosse de trois ans, ni l'utilisation d'un smartphone pour prendre force photos et vidéos à envoyer sur le Net... Qui va faire, plus que ne le font les politiques gouvernementales et économiques de marché, davantage de violence, davantage d'insécurité...

... Ce qui fait la violence et l'insécurité, c'est la montée en puissance du religieux, du communautarisme et du fanatisme, tout cela sur fond de politique gouvernementale, européenne, d'économie de marché, d'obscurantisme planifié en matière de culture, et d'un écart de plus en plus considérable entre une minorité de très riches et un nombre grandissant de très pauvres...


Évaluer ce billet

0/5

  • Note : 0
  • Votes : 0
  • Plus haute : 0
  • Plus basse : 0

- page 1 de 8